Lors du festival Littérature et Journalisme de Metz, qui se déroule du 9 au 12 avril, trois journalistes étrangers sont venus partager leur difficile expérience professionnelle dans des pays autoritaires.  A cette occasion, Aurélie Charon et Caroline Gillet, deux jeunes journalistes de Radio France, ont proposé une expérience de journalisme atypique : réunir sur une même scène leurs travaux radiophoniques à ceux de lycéens de terminale. 

« Contre quoi vous battez-vous dans vos pays ? » C’est la question à laquelle a dû répondre Abdou Semmar, journaliste à Algerie Focus, Anastasia Kirilenko, journaliste franco-russe à Radio liberté et Sanjida Sultana, blogueuse originaire du Bangladesh. Si les réponses ont été variées, le point de convergence est la lutte contre toutes les formes d’extrémisme, qu’elles soient religieuses ou politiques. « Je suis né dans la lutte. Je me bats contre les préjugés que subit mon pays. Chez nous, il y a des jeunes comme vous qui écoutent de la musique » déclare Abdou Semmar. « Je me bats aussi contre le totalitarisme qui dure depuis longtemps dans mon pays, en plus du radicalisme religieux » ajoute-t-il. Sanjida Sultana, quant à elle, lutte en faveur des droits des femmes et de l’amélioration de leur place dans la société. Place qui diffère entre villes et campagnes. Les femmes instruites des villes ayant plus conscience de leurs droits. Avant de quitter son pays, elle s’était engagée en tant qu’étudiante dans une ONG pour aider les villageoises à réaliser leurs droits. Pour la russe Anastasia Kirilenko, la lutte se fait aussi contre « les régimes autoritaires et le droit des Russes de se gouverner eux mêmes plutôt que par un dictateur ».

Lutter contre des régimes autoritaires est risqué. Pourtant, même s’ils n’oublient pas la peur, ces trois journalistes ne se laissent pas impressionner par le danger. Pour mener à bien ce combat, chacun utilise les moyens du bord pour faire entendre sa voix.

 Du journalisme citoyen à la provocation des mœurs.

  • En Russie, c’est cette dernière méthode qui est vue comme la plus efficace. En tête de lice, les Pussy Riot, un groupe de punk-rock féministe, connu pour ses performances artistiques non autorisées notamment dans des lieux de culte, qui leur ont valu deux ans d’emprisonnement et une médiatisation mondiale. Pour Anastasia Kirilenko, « leurs actions ont plus offensé Poutine que les sensibilités religieuses ». Des sensibilités utilisées comme prétexte pour « verrouiller davantage les opposants politiques ».

  • Au Bangladesh, la lutte se fait contre l’intolérance religieuse qui prévaut. Un combat qui peut même coûter la vie à ceux qui s’aventurent à défendre la liberté de conscience. Pour appuyer son propos, Sanjida Sultana a donné l’exemple du blogueur bengali athée Avijit Roy qui s’est fait tuer à coups de machette le 26 février dernier. « Il était venu au Bangladesh pour faire la promotion de son livre où il explique son athéisme et il s’est fait tuer devant tout le monde, sans que personne ne prenne sa défense ». Un acte qui selon la blogueuse n’a même pas fait réagir les responsables politiques du pays.

  • En Algérie,  la révolution numérique aide l’opposition à se mettre en marche « Nous maîtrisons parfaitement les réseaux sociaux ». « Nous, les démocrates, nous avions le choix de partir ou de rester, on a choisi la dernière option. On voulait véhiculer des valeurs humanistes mais comme il n’y avait pas de médias indépendants, on a investi sur internet pour faire du cyber-activisme ». Adbou Semmar précise que grâce aux réseaux et au journalisme citoyen, des affaires de tortures mais aussi de vote truqué ont été dévoilées. Le gouvernement algérien a même dû réorganiser des élections suite à la révélation de ce scandale.

 Etre journaliste dans un pays autoritaire: Portrait croisé d’Anastasia Kirilenko et Abdou Semmar