Andrey Borisenko_Cosmonaute 2019

Au Conseil départemental de Nancy, l’exposition « L’aventure spatiale russe » ouvre ses portes pour la fête de la science. Du 5 au 13 octobre : place à l’espace, et l’histoire. Andrey Borisenko, « héros de la fédération » parle de son travail et espère créer des vocations.

Sur Internet, il est un « vétéran », un « théoricien de l’astronautique moderne ». Andrey Ivanovitch Borisenko, « héros de la fédération russe » rêve depuis toujours de devenir cosmonaute. Il cumule désormais « 337 jours, quelques heures et quelques minutes » dans la station spatiale internationale. Grâce à un partenariat Lorraine-Russie et l’exposition intitulée « une aventure spatiale russe« , celui qui a côtoyé Thomas Pesquet là où très peu peuvent aller, raconte son travail : en conférences, et dans notre micro. Glissé dans un polo officiel, doté de ses épaulettes, il nous répond en russe. Et pas en anglais.

Votre métier vous permet de vivre quelque chose d’exceptionnel et que très peu vivent. Néanmoins y a-t-il toujours cette même adrénaline après toutes ces années de métier?

« Oui, c’est vrai, la routine peut s’installer, alors que le travail est passionnant. Je crois que peu importe la profession, il y a toujours place à la routine. Même dans votre métier de journaliste! Rires. Si on voit notre métier comme quelque chose qui sort de l’ordinaire, ça nous semble passionnant. Avant tout, notre métier est très dur, très compliqué. Et je ne parle pas que de mon métier, mais du vôtre aussi !  » plaisante-t-il.

La notion du temps est-elle la même dans l’espace et quand on en revient ?

« A vrai dire, il y a une grande grande différence. On ne sent pas le temps de la même façon. Dans l’espace le temps passe très très vite. Si on ferme les yeux pendant le séjour, qui dure 6 mois, et qu’on les rouvre à la fin, on a le sentiment que 15 jours seulement sont passés ». Il s’empresse de rajouter, toujours sur le ton de l’humour : « Mais évidemment les montres sont partout pareilles. Dans l’espace, c’est les mêmes heures » . [Pas de distorsion du temps comme dans le film « Interstellar » de Christopher Nolan… ]

On fête le 85ème anniversaire de la naissance du 1er homme parti dans l’espace, Youri Gagarine. 85 ans ça peut sembler peu, compte tenu des avancées, comment vous vous le ressentez ?

« Iil y a 85 ans, les gens pensaient qu’aujourd’hui nous serions tous sur la navette spatiale pour passer les vacances, on ira tous dans l’espace. Mais, la vie nous prouve que le séjour dans l’espace c’est quand même une affaire très compliquée. Et jusque là on est toujours sur notre orbite terrestre. C’est limité. On peut aller plus loin mais pour l’instant on reste proche de notre Terre. Il faut accumuler des connaissances, des moyens techniques, des moyens humains. L’humanité doit passer une nouvelle étape, et nous la préparons. Il y a un proverbe russe qui correspond à un proverbe français: « chaque chose en son temps ». Quand on sera prêt on ira plus loin. On passera à une étape suivante. »

Concrètement, l’étape suivante c’est quoi ?

« L’objectif c’est : retourner sur la Lune. Avant tout parce que nos collègues américains y sont déjà allés. Deuxièmement, ça peut être bien utile pour travailler les programmes d’atterrissage sur d’autres planètes. »

Pour revenir à l’exposition et sortir du technique, vous êtes venus à cette exposition de votre propre initiative. Pourquoi ? Faire partager ce que vous vivez?

 » Si les cosmonautes vont dans l’espace, c’est avant tout grâce à tous les gens qui sont sur Terre. C’est même notre devoir, à notre retour sur Terre de parler, montrer ce qu’on voit depuis l’espace, raconter aux gens. Quand je vois l’intérêt dans les yeux des enfants qui viennent, j’espère bien que ces enfants vont recevoir un coup qui va les pousser dans l’avenir vers l’exploration spatiale. Faire le pas suivant et assurer la perpétuité des expériences de la conquête spatiale »

On imagine que c’est inaccessible de devenir cosmonaute, très peu y arrivent, pourtant c’est toujours un rêve quand on est enfant…

« Je pense que malgré toutes les difficultés et tous les obstacles, ce métier est accessible pour ceux qui veulent vraiment y arriver. Ainsi, ce que je voudrais montrer aux jeunes qui viennent ici, c’est que malgré les difficultés, tout ce qui peut arriver, ils réussiront. A mon avis, la confiance en soi c’est le point de départ de chacun. « 

Et justement, quand vous vous adressez au public, composé d’enfants et d’adultes, pour parler de votre travail et aborder des thèmes techniques, ce n’est pas trop dur de moduler votre propos ?

« Bien évidemment, c’est pas facile, mais je fais de mon mieux pour présenter ça de la manière la plus compréhensible possible. J’ai déjà fait des conférences dans des collèges et lycées, et je suis parfois très étonné du niveau des questions qui sont souvent plus compliquées que celles des adultes dans la salle. « 

Vous comprenez qu’il y ait des personnes qui viennent pour votre célébrité ?

« Je ne me sens pas comme une star. Je viens juste pour parler et raconter. Pause. Donc je vis ça bien ! Et les gens parfois ne voient pas comment ça se passe pour moi réellement. J’ai un collègue qui dit que si on prend le vol pour faire un exploit, c’est qu’on n’est pas prêt pour partir. »

Une note de fin ?

« Je remercie tous les gens qui ont un intérêt envers nous, envers l’espace et le travail qu’on accomplit. Et j’espère bien que pour les jeunes, ça aura un impact pour leur futur choix d’orientation ! »

MARGERIE Audrey