Saura-t-on un jour la vérité sur ce qui s’est passé le dimanche 28 septembre 1986 à Montigny-les-Metz ? Près de trente ans après la découverte des corps sans vie des petits Cyril Beining et Alexandre Beckrich, la justice peine toujours à épingler le(s) coupable(s). Renvoyé en grandes pompes devant les Assises de Metz début avril, Francis Heaulme n’en démord pas : ‘Montigny, c’est pas moi.’  L’affaire n’étant pas à son premier coup de théâtre, un témoignage surprise a fait renvoyer le procès… vers celui d’un autre ? L’occasion de revenir sur une déroute judiciaire qui s’étale sur trois décennies. 

Avec le temps, ‘l’affaire de Montigny’ est devenue indissociable de plusieurs noms. Celui de Patrick Dils, évidemment, condamné à tort pendant 15 ans avant d’être acquitté avec éclat en 2002. Francis Heaulme, ensuite, qu’on ne présente plus tant son morbide curriculum a marqué l’Hexagone, est renvoyé en début de mois devant les Assises pour répondre des éléments à charges qui pèsent contre lui. Jean-François Abgrall, on s’en souvient, ancien gendarme ayant arrêté le noir périple du ‘routard du crime’. Varlet, aussi, l’inspecteur zélé, qui a précipité l’enquête à ses débuts, en faisant de Patrick Dils le coupable idéal à jeter en pâture à la presse de l’époque qui réclamait, alors, à corps et à cri la tête du monstre. Vingt-sept ans plus tard, ces noms-là raisonnent encore à la manière de ceux présents au générique d’un film dont tout le monde se souvient – un film noir, on en conviendra. Moins nombreux cependant sont les esprits au sein desquels raisonnent encore le nom d’Henri Leclaire. Jusqu’à aujourd’hui.

Henri Leclaire en eaux troubles

Ce que l’histoire a peu à peu occultée, c’est que Patrick Dils n’a pas été le premier à avouer les crimes de Montigny avant de se rétracter. Un autre homme, bien loin de l’archétype du gamin un peu attardé, facilement impressionnable, qu’incarnait le jeune Dils, a tout d’abord avoué les meurtres de Cyril et d’Alexandre avant de faire machine arrière. Cet homme s’appelle Henri Leclaire et nous lui devons l’ajournement du procès Heaulme en début de semaine. Pourquoi ? Grâce au témoignage surprise d’une femme de 51 ans, clerc d’avocat de profession, qui a affirmée à la cours juste avant le début du procès avoir recueilli la confession de Leclaire alors qu’il lui livrait ses courses, voilà deux ans de ça. Un nouveau point d’interrogation vient donc garnir les questionnements qui pullulent autour de l’affaire de Montigny : pourquoi cette personne, si sûre de ses dires, a-t-elle attendue l’aube d’un nouveau procès pour se manifester ?

Deux victimes, deux tueurs ?

Et si, dans l’affaire de Montigny, il y avait de la place pour deux dans le box des accusés ? On le sait, le modus operandi de Francis Heaulme n’est pas incompatible avec la présence d’un comparse : il a déjà tué en duo par le passé. On le sait, Heaulme était bel et bien présent à Montigny le jour du drame. On le sait, l’endroit où travaillait le manutentionnaire Henri Leclaire à l’époque donnait sur le talus où l’on a retrouvé les corps des deux enfants. On le sait, Heaulme, en dépit de sa psyché labyrinthique, a clairement confié avoir vu Henri Leclaire sur les lieux. De là à imaginer que l’un sait peut-être quelque chose sur l’autre, il n’y a qu’un pas. Toujours est-il que, pareil à un ourobouros destiné à se mordre éternellement la queue, l’enquête va reprendre là où elle a commencée il y a près de trente ans : avec Henri Leclaire. Pour résumer, sur Montigny, tout ou presque a été dit. Et peut-être même, entre deux coups de Trafalgar, la vérité a-t-elle éclatée sans que personne ne s’en aperçoive. Et c’est sans doute ça le pire.