L’Italie s’invite en Lorraine. La 34ème édition du Festival du Film italien de Villerupt a débuté le 28 octobre et s’achèvera le 13 novembre. L’occasion pour les spectateurs de découvrir ou redécouvrir la ville de Naples à travers une quinzaine d’oeuvres. Rencontre avec le Délégué artistique du festival, Oreste Sacchelli.

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Oreste Sacchelli est Délégué artistique du Festival du Film italien de Villerupt depuis 1979.

 

Pourquoi mettre à l’honneur la ville de Naples cette année ?
De plus en plus de films traitent de la ville de Naples. Le thème avait déjà été abordé lors de la 17ème édition, mais dans les grandes lignes. Depuis 1993, chaque nouvelle édition du festival proposait au moins deux films ayant la ville pour cadre. Il était donc primordial de rebâtir quelque chose autour de cela. De plus, plusieurs films sortis récemment en salles se focalisent sur Naples. C’est d’un commun accord que nous avons décidé de réactualiser la thématique.

« Voir Naples et sourire (?) » est un intitulé un peu mystérieux…

Il s’agit d’un clin d’œil au film « Voir Naples et mourir ». Dans ce documentaire, le réalisateur Roberto Burchielli évoque les nombreux problèmes de la ville. Transformer « mourir » en « sourire » fait référence aux deux faces que connait Naples : la violence et la joie de vivre. Le point d’interrogation entre parenthèses permet de laisser libre court à l’imagination du public.  Il ne s’agit ni d’une affirmation, ni d’une négation ; nous n’imposons rien.

Quelle est la particularité du cinéma napolitain ?

Naples est porteuse d’une tradition artistique très ancienne et d’une grande richesse culturelle. Au 18ème siècle, c’était la ville de l’opéra. Les cinéastes napolitains ont beaucoup de choses à dire, leur regard sur leur ville d’origine est plus juste et souvent très drôle. Ils sont donc les plus à même d’en parler. En France, le cœur du cinéma est Paris. En Italie c’est différent : chaque région porte une empreinte spécifique. Les films napolitains sont marqués par les grandes passions, la force de la jalousie, l’honneur lavé à coups de couteaux. Tout s’exprime brutalement et à découvert. Cela n’empêche pas ces films d’être pleins d’humour.

Naples est fortement marquée par sa dualité…
Celle que l’on appelle « la Capitale du Sud » a deux visages. D’une part celle de la violence véhiculée par la Camorra, la mafia urbaine, où règnent la contrebande et la concurrence entre les gangs de quartiers. Cette réalité est mise en avant par le film « Gomorra ». Mais « Benvenuti al Sud », le remake italien du succès français « Bienvenue chez les Cht’is », montre lui un côté  beaucoup plus lumineux et chaleureux, celui de la dolce vita. Une vision bien différente de celle de la montagne de déchets qui noie Naples depuis 15 ans. Le personnage de Polichinelle, d’apparence gentil mais qui peut se montrer cruel et sournois, est l’emblème de la ville. Avec son masque cachant son visage, il symbolise bien cette ambivalence et ce contraste.

Espérez-vous réhabiliter la ville via cette rétrospective ?
La programmation est large et permet d’exprimer une réalité au-delà des formules un peu surfaites. Mais c’est au public de se forger son propre avis sur la question. Les visiteurs doivent s’interroger et ne pas prendre l’un des deux extrêmes pour argent comptant. L’objectif est de montrer comment Naples est représentée au cinéma, pour sortir des clichés. Les stéréotypes ont la vie dure. Il y a quelques années, je me suis rendu à Naples accompagné de gens du métier, et l’un deux m’a demandé quel vaccin faire avant de partir !

Les affiches du festival sont toujours très travaillées. Qu’en est-il de celle de cette année ?
C’est au dessinateur de BD Baru qu’a été confiée la conception de l’affiche. Baru est un peu notre « conseiller image ». C’est la 7ème fois qu’il apporte sa contribution au festival, autant dire qu’il le connaît bien. Une fois le thème livré, il a eu carte blanche pour créer l’affiche. Il lui a donné sa vision de Naples. Les personnages chantants et la mandoline, instrument de musique typiquement napolitain, semblent inviter le public. Mais sur la droite, Toto, l’un des plus fameux acteurs napolitains, en noir et blanc, pose sur cette scène de convivialité un regard suspicieux. Comme si lui, un gars de la ville, était le seul à connaître la vérité…

 

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