De Metz à Munich, un seul fil rouge : la bière. On suit des Messins qui troquent leurs terrasses place Saint-Louis pour les tentes géantes de l’Oktoberfest. Spoiler : ils s’y perdent… mais pas leurs pintes
Chaque automne, Munich se transforme en capitale mondiale de la bière. L’Oktoberfest rassemble six millions de visiteurs, près de sept millions de litres engloutis, et une ambiance qui fait passer la plus grosse fête de Moselle pour un apéro de quartier. Né en 1810 pour célébrer le mariage du prince héritier Louis de Bavière, le festival devient un mastodonte culturel : un mélange improbable entre patrimoine folklorique et parc d’attraction. Une superproduction où le houblon tient le premier rôle.


C’est dans ce décor que Maxime (24 ans), Thibault (31 ans), Anaïs (26 ans) et moi arrivons. Le voyage commence serrés dans un Blablacar : quatre heures coincés entre une glacière, des costumes et un conducteur qui répète qu’il « déteste la bière ». Tous portent déjà leurs habits bavarois. Lederhosen* pour Maxime et Thibault, Dirndl* pour Anaïs. J’arbore moi aussi un Lederhosen commandé sur Internet, plus proche d’un déguisement de carnaval que d’une pièce traditionnelle. À Munich, la règle est simple : sans tenue, on passe pour un figurant.
« On a l’air d’un groupe de cosplayeurs paumés », sourit Maxime.
À l’arrivée, la ville nous submerge. L’odeur sucrée du malt colle à l’air, les fanfares martèlent le sol et la foule compacte nous aspire sans préavis. Partout, des chapiteaux aux noms imprononçables Armbrustschützenzelt, Schützenfestzelt, Bräurosl s’élèvent comme des cathédrales éphémères.
« On dirait qu’ils ont tapé très vite et au hasard sur un clavier », lâche Thibault.
À l’intérieur, la densité surprend. « À Metz, une grande terrasse c’est 200 personnes. Ici, une tente en fait 10 000 » souffle Maxime, encore sonné.
Très vite, le rythme nous avale. On grimpe sur les bancs, on chante sans comprendre, on frappe du poing sur la table au même moment que tout le monde. Les verres s’entrechoquent dans un fracas sec, comme un feu d’artifice de verre.
Thibault résume : « En fait, juste un “cheers” et t’as dix nouveaux potes. »

Anaïs retrouve sa correspondante allemande rencontrée au collège : « On riait comme si on s’était quittées hier. Dans cette foule, tout paraît démesuré, mais paradoxalement ça rapproche. »
À quinze heures, la fête change de rythme. Les pelouses deviennent un dortoir à ciel ouvert. Des dizaines de corps allongés, Lederhosen tachés de bière et Dirndl froissés, forment un patchwork improbable. Je finis par m’écrouler moi aussi, entre Maxime et un Espagnol inconnu.
« On cuve avec le peuple ! », sourit Thibault.

Anaïs conclut : « On aurait dit un festival techno, sauf qu’au lieu du latex… t’avais des Bavaroises endormies en corset. »
La nuit se poursuit dans les campings géants. La plupart des jeunes étrangers dorment sous tente, via des organismes comme Stokes Travel, qui vendent le pack clé en main : toile, petit-déjeuner et afters. Le réveil est brutal : les basses anglaises remplacent les fanfares, et l’inconfort devient un folklore à part entière.
Pas besoin pourtant d’aller à Munich pour lever une chope. Metz aura son Village Oktoberfest du 17 octobre au 2 novembre 2025, place de la République : choucroute, poulet rôti, bière à la pression et orchestres. Pour les amateurs de houblon plus curieux, le Metz Beer Fest à Bliiida mise sur les brasseries artisanales et les IPA* fruitées.
« Munich, c’est Fast & Furious. Metz, c’est un film d’auteur », sourit Maxime.
À Munich comme à Metz, on change les décors et les accents, mais jamais la vérité : la bière fabrique en une heure ce que la société n’arrive plus à créer en dix ans — du lien.
Ryan Baruchel
Notes NDLR :
Lederhosen : habit traditionnel bavarois pour homme
Dirndl : habit traditionnel bavarois pour femme
IPA : India Pale Ale, bière à haute fermentation