Louis Warynski aka Chapelier Fou a sorti son troisième opus, « Deltas », le 22 septembre dernier. A cette occasion, l’artiste messin est revenu pour nous sur la naissance de cet album onirique et subtil, toujours dans une lignée exclusivement instrumentale.

La lettre delta est utilisée en mathématiques pour décrire des changements et signifie « différence » en grec… Qu’est-ce qui a changé dans ce troisième opus?

« Sur tous mes disques, je jouais seul. J’avais inventé un système dans lequel j’évoluais et dans lequel j’avais mes repères. C’était super intéressant, enrichissant, mais je me suis dit qu’il était temps d’aller dans une nouvelle direction et d’expérimenter d’autres choses. J’ai fait un break de tournée, j’ai commencé à faire de la musique de film et des projets avec des amis. Puis je me suis remis à faire un disque, quand je l’ai senti. Je suis parti directement dans un travail de studio classique, toujours en restant isolé mais en mettant plein d’instruments là où je le sentais, sans obéir à la contrainte d’être seul par la suite sur scène. Je me suis dit que je verrais après, et une fois que ça c’est fini, j’ai trouvé les musiciens avec qui jouer, en fonction de vieux rêves que j’avais, d’opportunités, de rencontres… »

Vous aviez besoin d’une coupure avant de refaire un album ou vous vouliez passer à autre chose ?

« Franchement, j’ai envie de faire des musiques de commande. Des choses pour des films, éventuellement pour des publicités, pour de la radio et des installations d’art contemporain. L’idée de commande m’intéresse. C’est hyper motivant parce que ça te force à bosser en respectant des contraintes, des problématiques toujours différentes aussi bien de timing, d’interactivité que de messages… J’aime bien ce genre de défis et c’est une très bonne manière d’apprendre. C’est aussi moins vertigineux que de se dire du jour au lendemain : « je vais faire un album ». »

La présence rare de paroles, de textes, de mots, ne semble pas être un obstacle à votre expression. L’utilisation unique de son, de sample, vous satisfait pleinement ?

« La musique vocale ce n’est pas la vérité. C’est mieux pour la radio, ça parle plus aux gens, mais ça n’a pas plus de valeur que la musique instrumentale. J’aurais presque même tendance à dire que ça en a moins. Par certains aspects, la musique vocale, c’est la facilité. En tout cas, ce n’est pas ce qui m’intéresse. Ce qui me passionne fondamentalement, c’est la musique et comment manier son langage. Pour l’explorer, le mieux c’est de faire de l’instrumentale. La musique chantée est moins propice à aller loin musicalement. Dans l’instrumentale, on n’a pas le choix : on est obligé d’inventer beaucoup de choses. Faire de belles mélodies ou de beaux textes, c’est un autre métier, dans l’instrumentale, on ne se cache derrière rien. »

Dans une récente interview pour France 3, vous parlez de « Deltas » comme un album « plus abordable » que ses prédécesseurs. Est-ce que c’est une contrainte que vous vous êtes donné ou le simple fruit du hasard ?

« C’est juste que je me suis débloqué à un moment, je me suis moins pris la tête, mais je ne sais pas vraiment s’il est plus abordable. Je le dis parce qu’on me pose la question. Après un morceau comme « Grand Artica », il n’y a rien dedans, ça fonctionne musicalement, mais il n’y a rien. D’un autre côté, il y a des trucs plus fun que sur les albums précédents, pour moi « Tea Tea Tea » c’est ultra drôle ! Les gens trouvent ça torturé mais pour moi c’est juste drôle. »

Dans le clip “Tea tea tea”, vous associez des rites traditionnels comme la cérémonie du thé à la technologie , c’est finalement ça Chapelier fou ?

« Il y a de ça. Mais je ne suis pas maître, les clips ce sont Greg Wagenheim et le studio Super5 qui s’en occupent. Ce n’est pas entièrement mon projet mais c’est sans doute la vision de mon travail qu’à Greg. On se connaît bien, on a vécu ensemble. Le clip se voulait synthétique de choses qu’on avait fait avant (le clip montre de façon déguisée les pochettes des précédents albums, ndlr). Ce mélange collait bien à mes problématiques de rythmiques et de superpositions. C’était très intéressant de voir ça avec Greg parce que c’est aussi un super musicien. »

Les pochettes des albums, le clip « Tea Tea Tea » ainsi que le teaser de « Deltas » sont extrêmement graphiques. Comptez-vous transposer cet univers visuel sur scène ?

« Non, je ne suis pas un adepte de la mise en scène parce que je n’y suis pas à l’aise. Je préfère jouer sobrement, la musique est suffisante. Je n’ai pas envie qu’on vienne à un de mes concerts en se disant qu’on va en prendre plein les yeux. Je n’ai pas envie de foutre des écrans et de la vidéo juste parce que tout le monde le fait. Ça distrait les spectateurs. Et puis, c’est beau des musiciens qui jouent. Si les gens ne sont pas contents, ils n’ont qu’à regarder les clips et ne pas venir à mes concerts. »

Vous avez des rêves de collaboration ?

« J’aimerais beaucoup bosser avec Robert Wyatt ou Mark Hollis, le chanteur de Talk Talk (groupe de pop-rock britannique des années 80, ndlr). Robert Wyatt, c’est un touche à tout. Il joue aussi bien du jazz, du rock que de la musique électronique. Il a notamment joué dans Soft Machine (groupe de rock psychédélique britannique, ndlr). Il y a au moins trente albums, il faut se jeter là-dedans ! Robert Wyatt doit jouer d’une trentaine d’instruments… Il y a aussi Brian Eno, avant qu’il ne meure… Parce-que oui, un jour il va mourir. »

Pouvez-vous nous parler du “Geek-end”, qui se déroulera le 25 et 26 octobre prochain à la BAM. Vous y avez Carte Blanche…

« Je suis en résidence à Metz en Scène qui réunit l’Arsenal, les Trinitaires et la BAM. Il est donc de tradition de faire un concert mais là c’était l’occasion de faire plus. Ça m’intéressait de programmer des installations, de faire plus que simplement programmer des groupes. Du coup, il y a un atelier « synthétiseur » avec Oliver Gillet. On va fabriquer, monter des kits et ensuite de « taper le bœuf » avec ces synthétiseurs. C’était l’occasion aussi d’inviter Dimlite, un musicien suisse et Pierre Bastien qui fabrique des machines musicales. Je vais y présenter aussi le Végétophone , une de mes installations

que j’ai fabriqué lors d’une résidence à Rennes avec une école primaire, c’est une installation ludique et pédagogique pour faire découvrir la musique aux plus jeunes. Il y a aussi Maxime François et son installation psychédélique « Turtle ». C’est un week-end ou l’on va pouvoir discuter son, logiciel et des différentes façons d’approcher la musique de façon singulière. »

 

A écouter « Tea Tea Tea », premier single de « Deltas ».

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