Cela fait des semaines qu’il est la source d’un débat houleux. Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution est actuellement examiné par le Sénat. Porté par la députée socialiste de l’Essonne Maud Olivier, le texte prévoit notamment de faire payer aux clients de prostituées une amende de 1.500 euros. Proposition qui est loin de faire l’unanimité auprès de celles qui sont sur le trottoir . Reportage entre talons aiguilles et bas résilles, au cœur du quartier de la gare à Metz. 

[toggle title= »Que prévoit la loi ? »]

D’ores et déjà adopté à l’Assemblée nationale (268 voix pour et 138 contre), le projet de loi est actuellement étudié au Sénat. Quels sont les points principaux abordés ?

Pénalisation du client 

La mesure phare du projet de loi. Elle prévoit de sanctionner d’une amende de 1.500 euros les clients ayant recours à la prostitution d’une personne majeure. Une amende qui double pour atteindre 3.750 euros en cas de récidive. Un stage de sensibilisation est également prévu visant à la lutte contre l’achat d’actes sexuels.

Délit de racolage supprimé 

Instauré par Nicolas Sarkozy en 2003 lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, le délit de racolage public est passible d’une amende de 3.750 euros. Le texte proposant l’abrogation du délit de racolage a été validé par le Sénat le 28 mars dernier.

Accompagnement social des prostituées 

Une instance de coordination de l’action sera mis en place. Elle regroupera les services de polices et de gendarmerie, les services préfectoraux, les élus locaux et les associations. L’instauration d’un système de protection et d’assurance pour les victimes de proxénétisme. Dans ce cadre, un parcours de sortie de la prostitution sera créé pour celles qui en font la demande. Elles pourront bénéficier d’une aide financière à l’insertion sociale et professionnelle.

20 millions d’euros pour la prévention

La loi prévoit également la création d’un fond pour la prévention de la prostitution et l’accompagnement social et professionnel des prostituées.

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Sécurité des prostituées : des chauffeurs les surveillent contre quelques billets

 Portrait. Tour de piste d’une fille de joie

Entre les longues rues sombres du quartier de la gare, un cycliste enchaine les tours à l’infini. S’hasardant sur les trottoirs, son vélo apparait dans les faisceaux  jaunâtres des lampadaires. A visage couvert, il accélère la cadence avant de freiner subitement à chacune des interactions de l’artère. Il hésite, pose un pied à terre puis tête baissé sur son guidon, reprend sa course comme si on lui avait marqué les fesses au fer rouge. Ce petit manège amuse les prostituées du rempart Saint Thiebault depuis maintenant quatre heures.

On entend rire dans un coin, grogner à un autre, les voitures s’arrêtent et les sacs à main se ferment. En claquant la portière, Claudia réajuste sa jupe, resserre son manteau et reprend son poste. Cela fait dix ans que la Mexicaine se prostitue et même s’il a fallu distribuer et recevoir les claques au début, elle sourit en observant celle qui maraude sur le trottoir d’en face. Les yeux plissés sous sa frange noire, elle nous explique que cet hiver, les clients boudent un peu plus ses services, qu’avec le froid et cette nouvelle loi, on ne tapine plus en paix. Son téléphone vibre dans sa main et un 4X4 blanc passe encore devant nous. Après son service, elle rejoindra un appartement où elle s’entasse avec d’autres filles. Elles sont trois à payer le loyer, trois à faire le même métier. « On s’entraide toutes », nous confie Claudia, « Je prends souvent des nouvelles d’une amie espagnole qui bosse plus près de la gare. On parle la même langue, c’est plus facile d’être amie. On se parle beaucoup. » Dans un milieu où les embrouilles se font à l’œil et où la drogue est aussi répandu que les talons aiguilles, savoir s’entourer est un moyen de survie.

Souvenirs et routine

Metz est décrite comme une ville paisible par la prostitué. Loin des routes du sexe belges ou allemandes et plus reposante que les allées du quartier de Gerland à Lyon, elle peut y travailler sans avoir à se méfier de ce qui se cache réellement dans le pantalon des clients. D’autant plus que la police semble avoir effacé le plus vieux métier du monde de ses priorités. Le vélo s’immobilise à nouveau pendant de longues minutes. En remettant du Rimmel sur ses cils, Claudia évoque ses projets. Son désir de retourner au Mexique, de retrouver son fils de 17 ans, d’apprendre un travail « normal » et de sortir du piège du trottoir. Mais c’est en essuyant son maquillage humide, qu’elle ravive les souvenirs de son mari dont le décès a coïncidé avec ses premiers pas dans le métier. Il est plus de minuit, le téléphone vibre à nouveau. Perché sur cinq centimètres, elle nous demande de partir avec son accent qui écorche chaque mot. Une voiture s’immobilise et des talons résonnent nonchalamment. La petite place redevient déserte et le cycliste poursuit son chemin.

[toggle title= »Pour le Mouvement du Nid, cette loi est une bome »]Implanté dans toute la France, le Mouvement du Nid est une association luttant contre la prostitution et agissant depuis de nombreuses années directement auprès des femmes. Pour la directrice de l’antenne messine, Vivianne Wagner, cette loi va permettre aux prostituées de sortir de la délinquance et retrouver une vie « plus stable ».ette loi est une bombe »]


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