Un an après la mort de Rémi Ochlik et Marie Colvin lors d’un bombardement en Syrie, Hollywood s’intéresse à leur trajectoire. L’actrice et productrice sud-africaine Charlize Theron a acheté les droits d’un article de Vanity Fair consacré à la correspondante de guerre américaine. Dans ce long récit documenté baptisé “la guerre privée de Marie Colvin” (à lire ici), la journaliste Marie Brenner dresse un portrait poignant d’une journaliste au fort tempérament qui a sacrifié sa vie personnelle pour pratiquer son métier.

Ce n’est pas la première fois que le cinéma s’intéresse aux destins de correspondants de guerre. Plusieurs metteurs en scène ont traité les choix et conflits moraux de journalistes propulsés sur des champs de bataille. Avec plus ou moins de finesse et de pertinence. A travers ces tentatives, plusieurs portraits-types de journalistes se détachent.

Le téméraire

“Salvador” d’Oliver Stone est la quête initiatique d’un jeune photoreporter, interprété par James Wood. Il part tête baissée couvrir la sanglante guerre civile au Salvador, à la recherche du scoop qui lancera sa carrière. Tour à tour cynique et empathique, le jeune homme va voir ses certitudes ébranlées par l’expérience.
Oliver Stone, dans l’un de ses premiers films coups de poing (sorti en 1986, juste avant Platoon et Wall Street) capture avec justesse le mélange de folie et de lucidité qui anime les reporters de guerre, ces trompe-la-mort au service d’un idéal de vérité.  Le réalisateur américain saisit parfaitement  la psychologie complexe de ces “mercenaires” de l’information.
“L’année de tous les dangers” de Peter Weir (1982), avec Mel Gibson et Sigourney Weaver, et “La déchirure” de Rolland Joffé (1984) traitent de la même problématique mais sur deux terrains différents : l’Indonésie et le Cambodge.

L’idéaliste

Héros ou zéro, voilà à quoi est souvent réduit le personnage de reporter de guerre dans la fiction. Dans “Under fire” (1983)  qui évoque la crise sandiniste au Nicaragua, Roger Spottiswoode ne choisit pas son camp et fait tomber les stéréotypes. Derrière le vernis du film d’aventure à grand spectacle se cache une véritable réflexion sur le métier de journaliste. Le film casse les codes habituels du “genre” et s’interroge sur la responsabilité morale du correspondant en zone de guerre, son implication passive ou active sur les combats qu’il couvre. Un film passionnant porté par un casting prestigieux : Nick Nolte, Ed Harris, Gene Hackman et Jean-Louis Trintignant dans son premier rôle américain.

La cible

Arrêtés, torturés, pris en otage… les journalistes sont aussi des cibles pour les ennemis de la liberté et de l’information. Plusieurs films témoignent d’enlèvements de reporters. Ils sont la plupart du temps inspirés d’histoires vraies.
Le film “Hors la vie”, réalisé par Maroun Bagdadi en 1987,  est librement inspiré du témoignage du reporter français Roger Auque, sur son année de captivité au Liban. La reconstitution est minutieuse, l’atmosphère oppressante, avec la guerre du Liban en toile de fond. Hypollite Girardot incarne ce journaliste coupé du monde, libéré après de mois de détention savoir pourquoi ni par qui il a été séquestré.
Même ambition pour le drame “Un coeur invaincu” de Michael Winterbottom (2007), sur le calvaire du journaliste Daniel Pearl, exécuté au Pakistan par un groupe djihadiste en 2001. Ici, on suit Marianne Pearl, journaliste elle-aussi, enquêter sur les circonstances de la mort de son mari et sur l’investigation qu’il menait au Pakistan avant sa disparition. Comme le livre qui l’a inspiré, le film ne tombe pas dans le mélodrame, mais rend un vibrant hommage à la dignité et au courage du journaliste du Wall Street Journal sauvagement assassiné.

Le dommage collatéral

Où s’arrête le devoir d’informer et où commence le voyeurisme ? Peut-on revenir indemne d’un terrain de combat ?  Et comment reprendre une vie “normale” après avoir été témoin de l’insoutenable ? “Eyes of war” de Danis Tanovic, sorti en 2009,  traite du traumatisme d’après-guerre chez les reporters de guerre. On y explore l’esprit torturé d’un photojournaliste (interprété par Colin Farrell) à son retour du Kurdistan. L’un de ses collègues n’est pas revenu du front, lui seul sait pourquoi ; le film va plonger dans son cerveau pour remonter aux sources du mal. Un voyage mental éprouvant.

Le témoin impuissant

Sans être privé de liberté, il arrive souvent que le journaliste de guerre se sente inutile face à l’absurdité des situations qu’il rencontre. Par l’humour noir, le cinéaste Danis Tanovic traduit bien ce sentiment d’impuissance dans “No man’s land”, prix du meilleur scénario au festival de Cannes en 2001. Le film “Le faussaire” du cinéaste allemand  Volker Schlöndorff (1981) traite du même trouble, dans un registre beaucoup plus sombre, au coeur d’un Beyrouth ravagé par la guerre.

Le justicier

Dans “Welcome to sarajevo” de Michael Winterbottom (1997), le héros perçoit lui aussi  les limites de son métier de journaliste. Confronté au silence de la communauté internationale face aux atrocités qu’il dénonce, il va oublier les règles déontologiques et s’impliquer personnellement. Il décide de sortir une fillette d’un orphelinat pour la ramener avec lui à Londres.
Le journaliste a-t-il un devoir d’ingérence quand ses mots sont inutiles ? Doit-il prendre du recul lorsque la charge émotionnelle est trop forte ? Questions auxquelles sont confrontés tous les reporters de guerre et qu’aborde le film avec intelligence.

Les parcours de  journalistes continuent d’inspirer les scénaristes et réalisateurs. Daniel Radcliffe incarnera prochainement le photojournaliste Dan Eldon dans le biopic “The journey is the destination” (le voyage est la destination) du réalisateur anglais Bronwen Hughes. D’autres projets sont en préparation, comme une biographie de Robert Capa (qui a d’ailleurs inspiré le personnage du héros de “Fenêtre sur cour” de Hitchcock) et un portrait de Gary Webb, journaliste américain qui s’est suicidé après avoir révélé l’implication de la CIA dans le trafic de drogue.

Ci-dessous, retrouvez quelques extraits des films évoqués auparavant :


Les reporters de guerre au cinéma par WebullitionMetz