Ce jeudi 7 novembre, l’association Mäi Wëllen Mäi Wee organisait une soirée à Strassen (banlieue Luxembourgeoise) à l’occasion des 10 ans de l’application de la loi sur la fin de vie. Les ministres de la famille et de la santé étaient présentes, ainsi que Bock Carlo, un médecin oncologue. Cette soirée était l’occasion de faire un point sur la loi, son application et ses évolutions.

Qu’est-ce que la loi de 2009 ?

L’euthanasie est un terme vous évoque peut-être quelque chose. Mais de quoi parle-t-on lorsque l’on parle d’euthanasie, de suicide médicalement assisté ? Les questions de fin de vie ont du mal à se faire une place dans les débats de société. Et c’est ce manque d’information qui mène à des incompréhensions, et des peurs parfois.

l’euthanasie : un acte pratiqué par un médecin qui met fin à la vie d’une personne à la demande expresse et volontaire de celle-ci.

Assistance au suicide : « un médecin aide intentionnellement une autre personne à se suicider ou procure à une autre personne des moyens à cet effet, ceci à la demande expresse et volontaire de ladite personne »

définition de Carlo Bock

en mars 2009, la loi sur la fin de vie a été promulguée au Luxembourg. Depuis cette date, les médecins ont le droit d’accompagner les patients dans leur volonté de mourir. Ce droit ne s’applique que si le patient est

  • majeur, conscient et capable
  • volontaire de sa demande sans pression extérieure
  • dans une situation médicale sans issue
  • souffrant de manière constante et insupportable, sans amélioration envisageable
  • (a) consigné sa demande par écrit

A la différence de la Belgique, l’euthanasie des mineurs est interdite. Il suffit d’avoir un médecin traitant luxembourgeois qui accepte de l’effectuer pour en bénéficier.

« la loi n’est pas parfaite, mais il vaut mieux avoir une mauvaise loi que rien du tout »

Jean-Jacques Schonckert, président de l’association Mäi Wëllen Mäi Wee
crédit : Anaïs Draux

« la loi n’est pas parfaite, mais il vaut mieux avoir une mauvaise loi que rien du tout » déclarait le président de l’association Mäi Wëllen Mäi Wee Jean-Jacques Schonckert lors de son discours d’ouverture de la soirée. En effet depuis 10 ans la loi existe mais son application reste à améliorer. Tous les participants s’entendent sur ce point.

Le docteur Bock déplore que « toutes les personnes qui veulent une euthanasie n’y ont pas le droit ». Au regard des chiffres annoncés le constat est sans appel, l’euthanasie reste une pratique minime. En 10 ans, 71 personnes ont bénéficié d’une euthanasie, durant l’année 2017, cela ne représentait que 0,26 % des décès. Ces chiffres ne sont pas réalistes au regard des 2 à 3 % constatés en Belgique.

Mais à quoi cela est-il dû ? A un manque d’information, de formation et de services à disposition des patients.

« Si on appliquait la loi hospitalière ça serait déjà pas mal »

Carlo Bock, docteur au sein de la commission sur l’euthanasie
crédit : Anaïs Draux

Pour le Docteur Carlo Bock, il existe toujours des patients qui voudraient bénéficier d’une euthanasie et qui n’y ont pas accès. En 10 ans, la loi a eu du mal à se faire connaître pour être effective. Le président de Maï Wellen Maï Wee considère que le grand public ne connaît pas la loi. Il assure également que dans certains hôpitaux, les patients ont reçu de mauvaises informations sur leurs droits.

D’après le docteur Bock, « si on appliquait la loi hospitalière, ce serait déjà pas mal », mais le chemin reste long. La clause de conscience fait également obstacle à l’application de la loi. En effet, l’euthanasie est un droit pour le patient mais pas un devoir pour les médecins. Ils ont absolument le droit de refuser une euthanasie à un patient. Le docteur regrette qu’ils ne soient pas obligés de les rediriger vers un médecin qui accepte l’acte, comme c’est notamment le cas en Belgique.

D’autres pistes sont à l’étude, comme la mise en place d’un cercle des médecins qui acceptent de pratiquer l’euthanasie, pour que leurs effectifs soient connus et que les patients aient accès à leur contact. Le docteur Bock avance aussi l’idée de demander aux patients s’il existe des dispositions de fin de vie lors de l’admission d’un patient à l’hôpital ou en maison de long séjour. Cette mesure est actuellement en préparation.

« tout le monde est concerné et devrait être informé, dès le plus jeune âge »

M. Cahen, ministre le la famille au Luxembourg
crédit : Anaïs Draux

La ministre de la Famille et la ministre de la Santé s’accordent sur une chose : si la loi n’est pas suffisamment appliquée, c’est parce que les Luxembourgeois ne se sentent pas suffisamment concernés et ne sont pas au courant de leurs droits.

Pour Corine Cahen, ministre de la Famille, il faut inciter les gens à en parler : « La société luxembourgeoise est prête pour mener une action à tous les niveaux » pour sensibiliser à la question de fin de vie, « tout le monde est concerné et devrait être informé, dès le plus jeune âge ». La ministre avance une idée de spots publicitaires diffusés dans les salles de cinéma. Elle insiste : « Tant qu’on est en bonne santé, on évite le sujet de la mort. Mais justement, c’est quand on est en bonne santé qu’il faut y penser ». En effet, les dispositions de fin de vie concernent également les accidentés de la route et donc les jeunes.

Dix ans après la promulgation de la loi, des progrès restent à faire mais tous les acteurs sont mobilisés pour que le droit à l’euthanasie devienne une réalité de fait.