« Le monde se divise en deux catégories : ceux qui ont un pistolet chargé et ceux qui creusent… ». En France, nous ne sommes pas dans « Le bon, La brute et le truand », on a donc préféré creuser… la question de la détention légale d’une arme. Qui peut détenir une arme ? Quel est réellement l’encadrement autour de cet équipement ?

Ils sont 1.4 million en 2013 à être titulaires d’un permis de chasser, 160.000 licenciés dans un club homologué de tir sportif, selon le ministère de l’intérieur. S’ajoutent les armuriers et les collectionneurs. Actuellement, environ trois millions d’armes à feu circulent en France, selon France info. Acquérir une arme à feu en une matinée, c’est ce que promet sur Internet, nombre de forums survivalistes et youtubeurs douteux. Dans leurs vidéos, la solution pour détenir légalement son passeport d’arme est « simplissime ». Alors, avoir une arme de catégorie B légalement en quatre heures, est-ce vraiment possible ? pour le savoir, nous avons essayé de nous en procurer une.

[toggle title= »Une arme de catégorie B, c’est quoi  ? »]

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« Avoir une arme, ce n’est pas pour tout de suite »

En tant que simple civil, pour détenir légalement une arme chez soi, il faut s’inscrire dans un centre de tir sportif. Pour nous, les premiers pas dans ce club font fi des stéréotypes. Le tir attire aussi bien les femmes, les jeunes que des hommes plus âgés. On est bien loin du film américain où les tireurs, les deux mains vissées sur le pistolet, réalisent un carton, 10 balles par seconde. Le tir sportif est un « art martial », garantit le président de notre club. Concentration et maîtrise de soi sont les clés du succès. Sur le pas de tir, l’ambiance est calme, presque silencieuse, rythmée seulement par les détonations feutrées des tirs au plomb. Ici, on ne parle même pas de « cibles » mais de « visuels ». Pour son premier cours, une retardataire convoite un revolver, le président réplique du tac au tac : « on n’est pas dans un western ». Bye bye Clint Eastwood !

Lors de la première séance d’essai, le président est clair et n’hésite pas à briser nos fantasmes : « avoir votre propre arme, ce n’est pas pour tout de suite ». Et même sans la détenir à la maison, on n’aura pas immédiatement le droit d’avoir le précieux calibre entre les mains. Pour le moment et pour -au moins les six prochains mois-, nous devrons nous contenter du plomb et, surtout, apprendre les nombreuses normes de sécurité. Ne s’amuse pas avec une arme à feu qui veut. Votre médecin traitant devra également vous délivrer un avis favorable.

Depuis 1991, le nombre de licenciés en club sportif ne cesse d’évoluer. On remarque au premier coup d’œil une augmentation flagrante depuis 2011, passant de 136.6 millions d’inscrits à 164.6 millions en 2013. Si les statistiques officielles de 2014 ne sont pas encore communiquées, nos interlocuteurs, qu’ils soient dans les clubs sportifs, dans les armureries ou à la préfecture confirment unanimement : l’explosion des licences à la fédération française de tir pour cette année. Elle entraînerait également un accroissement des armes vendues.

Notre premier test de tir au plomb

En 2014, 693 autorisations de détention d’arme ont été délivrées par la préfecture de Moselle à Metz et son agglomération contre 653 en 2013. Une même personne peut acquérir jusqu’à 12 armes.

Les 20 étapes pour avoir une arme

Pour détenir une arme, pas de roulette russe ! Le système est rigoureusement encadré. Le licencié doit passer une vingtaine d’étape avant de pouvoir ranger chez lui, dans un indispensable coffre-fort, son arsenal. Après 6 mois de tir, il passe un certificat de contrôle des connaissances. Un examen sous forme de QCM sur les règles de sécurité, le vocabulaire du tir sportif avec des questions éliminatoires. Mais pas de panique nous assure un armurier : « les réponses sont sur Internet, ça serait dommage de le louper pour si peu ». En effet, après vérification, une simple requête sur la toile permet de retrouver le corrigé de l’examen. Cependant, un peu de logique suffit pour répondre correctement à la majorité des questions et une lecture du livret obtenu lors de l’inscription complète le tout. Pas de stress, on ne vous demande pas de repasser le bac de philo !

« C’est au cas par cas »

Une flopée de documents doit être envoyée à la préfecture : carnet de tir, contrôle médical, facture du coffre-fort… La liste est longue. Une véritable enquête se dessine. Le licencié est passé au crible : vérification du casier judiciaire, des antécédents psychiatriques auprès de l’agence régionale de santé, facture du coffre-fort où sera conservé son calibre…

Conformément à l’article L312-3 certains cas interdisent la détention d’une arme.

Les demandes s’étudient « aux cas par cas ». Ces vérifications durent de 2 à 3 mois et la demande de détention d’une arme doit se réitérer tous les ans. Après avoir reçue la notification, la personne a trois mois pour acquérir celle correspondant à la catégorie autorisée. « Passé ce délai, l’autorisation est caduque », rappelle la préfecture.

Une saisie temporaire de l’arme peut également être engagée pour une personne ayant des troubles passagers (tentative de suicide, conflit conjugale…). Elle pourra récupérer son/ses calibre(s) avec un certificat de son psychiatre.

Une fois l’arme obtenue, les règles restent strictes : elle doit être démontée lors de son transport ou équipée d’un dispositif rendant son utilisation immédiate impossible (verrou de pontet par exemple). A domicile, elle doit être conservée dans un coffre-fort. Mesdames, Messieurs, impossible donc de dormir l’arme chargée sous l’oreiller !

[toggle title= »L’exception : ce que dit la loi« ]

Une exception existe quant à la détention d’une arme. « Un particulier majeur, exposé à des risques sérieux pour sa sécurité du fait de la nature et du lieu de son activité professionnelle, peut être autorisé à acquérir et détenir une arme de poing (avec 50 cartouches par arme). »

La détention d’une 2ème arme de poing (et des cartouches) est également autorisée pour les mêmes raisons avérées de sécurité au domicile du demandeur ou dans sa résidence secondaire ». [/toggle]

Obtenir une arme n’est donc pas une affaire si aisée. Pour nous, manque de temps, ce fut même un échec. Ce parcours dure plus d’un an et il n’existe pas “d’obtention provisoire” comme l’affirment des youtubeurs peu scrupuleux. « D’après les professionnels, seraient vendues chaque année quelques milliers d’armes de poing ou d’épaule aux 140.000 tireurs sportifs ainsi que 15.000 carabines et 80.000 fusils aux 1.400.000 chasseurs », peut-on lire sur le site du Sénat. Soit un total d’environ 2.800.000 armes soumises à un contrôle administratif. Toujours d’après le Sénat et les chiffres de l’INSERM « le nombre de décès par armes à feu se serait élevé en 1995 à 3.650, dont 80% de suicides (2.943) et 20% d’homicides et d’accidents. Ce nombre de décès aurait diminué de 25% depuis. »

Le Sénat étudie actuellement un projet de loi sur les dispositions relatives aux armes et munitions. Il tend à « renforcer la réglementation de l’acquisition et de la détention d’armes. » Il met notamment en relief la confusion quant à la réglementation des armes et au « contrôle insuffisant de la part des préfectures. »

Marie-Lorraine Atamaniuk, Aurélien Glabas & Nolwenn Mousset