Étudiants et enseignants se sont retrouvés à l’Université de Lorraine, sur le campus du Saulcy. Une rencontre marquée par les restrictions liées à la pandémie de Covid-19. Dans un contexte mêlant cours en présence et à distance, les relations entre professeurs et étudiants évoluent.

Les cours à distance font partie intégrante du système mis en place par les universités pour éviter les classes surchargées. Photo: Antoine Poncet

Le campus messin de l’île du Saulcy a des airs d’île dépeuplée. Pandémie de Covid-19 oblige, seuls quelques petits groupes peuplent le parvis du bâtiment dédié aux sciences humaines et sociales. Quant aux couloirs, ils sont quasiment vides et pour cause, il est interdit de stationner dans les allées. Dans ce calme étrange, bien loin de l’agitation propre aux premiers jours de septembre, il est  également difficile de trouver des professeurs. Les étudiants frappent aux portes des bureaux, sans toujours recevoir de réponse. Rares sont les enseignements dispensés en présence, la “mode” est aux échanges sur des plateformes de visioconférence. 

“Beaucoup de chose se sont perdues dans ces relations à distance. L’écran reste une barrière. Quand je donne un cours et que quelqu’un décroche, je ne le vois pas.” déplore Léonard Dauphant, responsable de la Licence 3 Histoire. La porte de sa permanence est ouverte, une façon de se rendre visible de ses étudiants pour organiser des entretiens individuels. Le maître de conférences spécialisé en Histoire médiévale admet qu’il est plus compliqué de gérer une promo à l’heure du Covid-19. Il explique : “Je ne peux pas les voir en même temps. Ils sont séparés en deux groupes et cela rend la circulation des informations plus difficile. Il n’y a pas d’unité, nous avons davantage de mal à faire connaissance, ce qui affecte la convivialité”.

Derrière une deuxième porte entrouverte, Barbara Houbre, professeur de psychologie, commence sa pause déjeuner. Entre deux bouchées, elle évoque les inconvénients de l’enseignement à distance. “C’est perturbant de parler à un écran ! On peut facilement perdre le fil et j’ai du mal à rester concentrée lorsqu’il n’y a personne en face de moi”.

Cette déshumanisation des rapports conduit parfois à un manque de patience, voire à une “certaines agressivités”, déplore Gaïane Hanser, professeur d’anglais, qui a reçu plusieurs e-mails virulents. “Il arrive qu’il y ait des erreurs ou des dysfonctionnements sur les exercices en ligne, c’est normal, on est humains après tout !”, plaisante-t-elle. 

Dans des enseignements où le discours oral est essentiel, les professeurs de langue subissent de plein fouet les changements dus à la pandémie. “Avant, on formait des petits groupes pour encourager les échanges. L’enseignant circulait entre les tables, participait aux conversations et pouvait corriger instantanément. Aujourd’hui je ne vois pas comment on peut travailler l’oral à distance. C’est impossible d’avoir trente personnes qui parlent en même temps, je ne peux ni les entendre, ni les aider”, regrette Caroline Pernot, professeur d’allemand. 

“Les étudiants partagent des Gifs, l’ambiance est détendue”

Contraint à l’adaptation, la plupart des professeurs et étudiants se montrent compréhensifs. “Chacun comprend la difficulté de cette situation, alors d’où qu’ils viennent, on apprécie les efforts réalisés” se réjouit le professeur d’Histoire. Et d’ajouter : “Quand je fais cours en ligne, j’ai le sentiment que tout le monde fait preuve de patience”. Des propos que confirme Barbara Houbre :  “Le fait que l’on soit tous dans la même galère rend presque l’ambiance plus chaleureuse. Les étudiants se désinhibent une fois derrière leurs écrans. Ils partagent des Gifs, l’ambiance est détendue, je rentre dans leur monde et c’est assez agréable”.

Difficile de savoir comment les relations entre les professeurs et leurs étudiants vont évoluer. La professeur de psychologie remarque que les étudiants se montrent particulièrement loquaces : “Ils posent des questions sur le chat en ligne et discutent entre-eux”. Sur ce point, Gaïane Hanser ajoute que “la frontière entre la sphère privée et la sphère universitaire a tendance à devenir floue”. Si elle précise que l’ambiance reste pour le moment courtoise, on peut redouter de potentiels abus.

Entre virtualité et réalité, cette rentrée fait valser les habitudes et redessine les liens entre professeurs et étudiants. 

Léo Mazzarini & Antoine Poncet