Hugo Watrinet, responsable chez Brendy

A l’angle de la rue de Ladoucette et En Fournirue, on se retrouve plongé dans une faille amenant à l’époque de nos parents : une esthétique chinée dans des vide-greniers, des brocantes et autres palais des trésors tant kitsch que raffinés.

En poussant la porte de Brendy, on ressent tout de suite cette ambiance cosy créée par les arrivages de dernières minutes du matin, les lampes à lave, les vinyles… La boutique étant étroite, on tombe rapidement sur une des âmes animant les lieux : Hugo Watrinet, 24 ans. Ce n’est pas juste un humain, c’est surtout un top Vivienne Westwood des années 2000, un perfecto en cuir, un baggy Dolce Gabana et une paire de Globes. « En tout, j’en ai eu pour une cinquantaine d’euros », scande-t-il.

Fier et fringant dans son « outfit » du jour, il semble être l’homme de la situation. Après une licence InfoCom et une année de master écourtée en création numérique et communication de mode, c’est à Lyon qu’il prend la décision de faire de sa passion son métier. Il rêve de concrétiser son amour pour la mode et le style : « autant lier l’utile à l’agréable ».

Depuis maintenant plus d’un an les messins viennent le voir pour « discuter, demander des conseils sur un vêtement, une marque et même me prendre en photo », souligne-t-il en pouffant de rire. En début d’année il a été promu responsable. C’est ce qui lui a donné un véritable sentiment d’indépendance par rapport à ses débuts. La boutique et Hugo convergent pour ne faire qu’un.

Les jours se suivent, mais ne se ressemblent pas

« 65kg de pantalons en velours ? Mais c’est littéralement mon poids », s’étonne le jeune homme devant une des cargaisons journalières de la boutique. Tous les matins, en arrivant dans l’antre, il se charge des nouveaux arrivages et des commandes inattendues de son patron, dont il n’a pas eu vent. Armé d’une cisaille, il se met à la tâche et défait avec force le colis.

Déballer, porter, sortir, démêler, laver, steamer : « les gens ont tendance à penser que ce n’est pas un métier technique ou physique mais s’ils me voyaient… », glisse-t-il en allant derrière sa caisse, décorée de vinyles. À peine les vêtements récupérés, il doit déjà s’occuper de l’autre partie de la boutique : les idées cadeaux. Des tasses du créateur Loïc Prigent aux messages universels, aux 1000 pièces signés Sempé, notre responsable doit opérer avec rigueur dans l’étiquetage. Ce qui est une tâche répétitive dans un magasin conventionnel ne l’est pas ici puisqu’ici c’est « soit une journée avec 10 clients soit avec 250 qui vont tous acheter ». Et c’est justement ce qui plaît au chineur : une vie mouvementée, avec son lot quotidien de fantaisie.

Bien qu’il ne soit pas le maître des lieux, il a été l’instigateur de changements dans ce petit endroit. Une boutique à deux étages, un seul responsable, aucune caméra et dix cintres curieusement vides, il ne lui en fallait pas plus pour investir dans des portiques à 3000€, « bien vite rentabilisés, crois-moi ». Cet investissement est une de ses touches dans la friperie mais il rêve d’aller plus loin. Son but ultime ? Ouvrir son propre temple du chinage.

Un empire à son image

Dans le 35m² qu’il partage avec sa moitié, les vêtements accumulés deviennent presque des colocataires. Sa grande hâte : pouvoir transférer le tout dans sa boutique. Au cœur de la rue des jardins, chef-lieu de son futur bazar, les démarches administratives sont « sans fin ». Il reste optimiste quant à la création de son « bébé » car il partage le calvaire avec son copain. Celui-ci est le « monsieur paperasse » de l’affaire, tandis qu’Hugo se sert de son passé d’InfoCom pour gérer la communication : prendre en photo les tenues, les rendre attrayantes, partager sur les réseaux…

Toutefois, il a une crainte : les fournisseurs. Mais également et surtout Jonathan Frip’s et Eureka, deux mastodontes de la fripe devenus les premiers intermédiaires de France. Si en tant que nouvel entrepreneur il tente de donner un prix aux vendeurs, les deux colosses « donneront le double pour acheter tes fournisseurs », déplore-t-il. 

Conscient des hauts et des bas auxquels il devra faire face dans le grand bain, il ne recule pas face au défi. Baignant dans la mode depuis « quasiment toujours », c’était inenvisageable pour lui de ne pas sauter le pas. Avant de partir pour sa pause méridienne, il renchérit avec assurance : « Je sais ce que je vaux, les gens me regardent et je m’en fiche ».

Simon IUNG