L'éclairagiste s'assure du bon déroulement du concert depuis la régie. Photo Aurélien Baechel

Le rappeur Gazo a clôturé sa tournée ‘‘Zénith Tour’’ au Galaxie d’Amnéville, samedi 15 novembre. Une série de concerts conçue par Atfull, dont les équipes mettent du cœur à l’ouvrage pour imaginer un show flamboyant. Parmi elles, Matthieu Etignard, light designer, véritable homme de l’ombre… et de lumières.

« Un maximum de bruit pour les équipes techniques. » C’est le mot de la fin qu’a eu Gazo, à destination de ses techniciens, opérateurs, monteurs, etc. Dans les rangs de ces artisans de l’ombre, se trouve le light designer, Matthieu Etignard. Au sein d’Atfull, société qu’il a créée avec trois associés, l’éclairagiste conçoit la lumière et les images, en étroite collaboration avec les autres pôles artistiques et techniques. Son métier, devenu une véritable passion, nécessite un travail en amont conséquent dans la création.

Quel rôle joue la lumière dans le processus de conception d’un concert ?

« Tout part d’une base, avec les idées voulues. En principe, le plan de feu arrive après la scénographie. Si un élément change d’endroit sur la scène, il faut pouvoir l’éclairer. Le projecteur devra peut-être être déplacé. »

Comment choisissez-vous les mises en place ?

« Cela dépend déjà des demandes de l’artiste. Souvent, le travail se fait avec l’artiste qui a des demandes, qu’il essaye d’exprimer comme il peut. L’objectif est de les retranscrire du mieux possible, avec une proposition de tableaux par la suite, pour savoir si cela lui plaît. Après, c’est juste un choix. Partir sur une tonalité bleue à un moment donné, c’est parfois un simple ressenti. Chacun éclaire différemment, avec sa vision de la lumière. »

De quelle manière parvenez-vous à trouver le juste milieu ?

« Lors de la création, la mise en scène de départ est souvent chargée, puis épurée petit à petit. Le processus passe par de nombreux essais. »

Combien de temps faut-il pour construire un concert ?

« Cela varie selon les tournées. Si tu veux partir sur une grosse scénographie, tu peux commencer un an avant à dessiner, imaginer la scénographie, puis concevoir le design lumière. En résidence, les équipes disposent d’une semaine dans un lieu comme celui-ci. Tout le show y est créé. Avant la résidence, un peu de 3D est réalisée, pour montrer à l’artiste ce qui est envisagé. Sur place, chaque tableau se construit un par un, pendant que l’artiste répète. Tout ce qui est confectionné la journée est montré le soir à l’artiste. »

Comment se passe la collaboration avec les artistes ?

« Elle s’effectue surtout pendant la création. Gazo nous laisse plutôt les pleins pouvoirs et m’accorde sa confiance, ce qui est appréciable. D’autres artistes seront à côté de moi, comme Laylow par exemple. Il était à mes côtés nuit et jour. Tout se faisait ensemble, ce qui rendait l’expérience tout autant agréable. À la sortie du show, tu sais que l’artiste est vraiment satisfait. Du coup, tu l’es également. »

Quelle approche préférez-vous entre ces deux-là ?

« Cela dépend, mais je préfère travailler aux côtés de l’artiste. Travailler seul, c’est rester dans son idée. Il y a peut-être une autre solution que quelqu’un va te donner, mais tu ne l’as pas, car tu es à fond dans ton projet. Celui à côté de toi va peut-être te dire de changer un détail, et te faire comprendre que ça rend bien. Cela donne d’autres idées. »

Où allez-vous puiser votre inspiration ?

« C’est en partie par rapport aux autres concerts. C’est en allant voir plein de concerts que tu vas te dire : ‘‘c’est cool ce qu’il a fait là, pourquoi ne pas le refaire différemment ?’’. L’inspiration est mutuelle. Je suis aussi fréquemment au théâtre. C’est une lumière différente de celle en concert live, mais qui est souvent plus travaillée, car ils disposent de plus de temps. »

Les réseaux sociaux ont-ils modifié votre manière de travailler ?

« Avec les réseaux sociaux, les artistes voient les choses. Avant, ils ne pouvaient pas remarquer les erreurs, il n’y avait que toi qui les repérais. Donc si, ça a changé à fond. Je trouve ça plutôt cool, parce qu’au moins, il peut regarder et te dire : ‘‘ah regarde là tu as vu, on aurait peut-être pu changer, viens on modifie ça’’. C’est intéressant, parce que sinon il est sur scène et ne voit rien de ce qu’il se passe. »

Est-ce qu’il vous arrive de modifier des éléments pendant une tournée ?

« À fond. C’est la dernière date ce soir, je fais encore des modifications différentes, en me disant : ‘‘je peux essayer ça et voir si ça marche mieux’’. La plupart de la base reste fixe, mais il y a un tas de légères modifications. Je change au moins une petite partie d’une chanson quasiment tous les jours. »

Comment cela s’est-il passé pour cette tournée, divisée en deux parties avec une au printemps et celle-ci en automne ?

« Entre les deux parties, la scénographie a entièrement changé. La première partie se déroulait sur la scène ‘‘Apocalypse’’, en référence au titre de l’album. Gazo ne voulait plus repartir sur l’album, sorti depuis longtemps, et finir autrement. C’était leur volonté de changer et d’en avoir deux différentes. »

Il vous arrive de concevoir des grosses dates, comme cela a été le cas pour Gazo et son concert à La Défense Arena. Cela vous demande davantage de travail ?

« C’est sûr. Tu as ton spectacle initial, mais tu agrandis tout. D’autres jours de résidence ont été organisés, pour l’adapter à la salle. Il y a plus de travail, mais c’est aussi ce qui est positif. Si tu fais toujours la même chose, tu t’ennuies un peu au bout d’un moment. »

Vous avez travaillé dans la plus grande d’Europe, mais aussi dans des petites salles. Qu’est-ce que cette différence vous apporte ?

« La petite salle c’est limite plus intéressant, parce que le matériel n’est pas le même à chaque date. Pour cette tournée, la lumière est montée à la même hauteur tous les jours. C’est assez simple en soi. J’ai juste deux-trois retouches à faire. Dans les SMAC [scènes de musiques actuelles], le matériel est limité, donc tu amènes un peu ta scénographie et lumière au sol, en t’adaptant aux éléments de la salle. Tu penses différemment ton show. »

Quand vous créez des concerts uniques, comme les deux dates à Bercy de Laylow en 2022, plus que saluées par le monde du rap, est-ce que cela change la façon de voir les choses ?

« Performer à Bercy représente en général la finalité d’une tournée. Dans le cas de Laylow, seules ces deux dates ont eu lieu, rien de plus. Cela a permis de proposer un spectacle unique. Cela correspond à beaucoup plus de travail. Sur les deux premières dates d’une tournée de zéniths, tu sais qu’il y aura des petits défauts, que tu vas remarquer et modifier. Sur un concert unique, les erreurs ne sont pas permises. Elles sont visibles, sans pouvoir les modifier. »

Comment accueillez-vous les réactions du public ?

« Quand le public est chaud, quand tu l’entends applaudir ou dire ‘‘waouh’’ à l’apparition d’un effet lumineux un peu classe, tu le ressens. Le public est plongé dans l’expérience. À ce moment, notre mission est accomplie. »