Durant les trois jours du festival du livre à Metz, ce sont plus de 200 auteurs internationaux qui ont foulé la place de la République. Trois d’entre eux se sont livrés sur les contraintes du métier : sources d’inspiration, peur de la page blanche, rituels d’écritures… et les joies de se retrouver nez à nez avec un lecteur assidu !

Portraits

Paris Emission Au Field la nuitÉcrivain, éditeur, rédacteur en chef et chef d’entreprise. A 29 ans, Adrien Bosc multiplie les initiatives et les expériences. Et ça marche ! Il a reçu le Grand Prix du roman de l’Académie Française 2014 pour son livre Constellation. Un roman qui traite des victimes de l’accident du vol Paris-New-York d’Air France le 28 octobre 1949 aux Açores.

sorj chalandonSorj Chalandon a été correspondant de guerre pour Libération pendant plus de 20 ans. Il est l’un des rares reporters occidentaux à avoir été témoin du massacre de Sabra et Chatila en Palestine. Une expérience douloureuse qui constitue une source d’inspiration pour son récit autobiographique Le quatrième mur, primé au prix Goncourt des lycéens de 2013.

Cedric_GrasGéographe de formation, Cédric Gras a abandonné sa thèse en doctorat pour pouvoir assouvir son désir de voyage. Tombé amoureux de la langue russe, il foule depuis 8 ans les immensités du monde slave. Dans son dernier livre, L’hiver aux trousses, le baroudeur raconte sa traversée de l’Extrême-Orient russe. Un bout du monde loin des rigueurs académiques.

Confessions

C’était le week-end, il faisait (plus ou moins) beau et les visiteurs se sont massés au Festival du livre… mais est-ce qu’il aime ça les bains de foule, l’écrivain ?

Adrien Bosc : évidemment ! Lorsqu’on écrit un livre, c’est pour qu’il fasse écho, qu’il soit discuté, critiqué. Et c’est aussi pour que le lecteur nous apporte d’autres éléments de réflexion. Mon livre est né de cette interaction ! Il y a toujours des échanges réjouissants avec les lecteurs. Je me rappelle avoir participé à une rencontre… Deux écrivains chevronnés débattaient de mon livre. C’est alors qu’une personne dans l’assistance a pris la parole et mis tout le monde d’accord. Il avait défendu le livre mieux que je ne l’aurais fait moi-même.
Cédric Gras : j’aime toujours l’interaction avec le public. J’avais déjà eu cette expérience avec mes deux précédents livres. C’est très intéressant, d’une part, d’échanger avec les gens qui connaissent la Russie. Et d’autre part, je suis heureux quand ceux qui ne la connaissent pas et qui ne la verront peut-être jamais me disent qu’ils ont voyagé le temps d’une lecture. Cela récompense une démarche littéraire.
Sorj Chalandon : vous savez, aucun de mes livres ne m’a aidé à me soigner de mes maux ou mes peurs. Mon livre sur la trahison ne m’a pas libéré de la trahison, mon livre sur le bégaiement ne m’a pas libéré du bégaiement, mes livres sur la guerre n’ont pas mis fin à mes cauchemars… mais je les partage ! Et alors, j’ai la sensation que les lecteurs m’aident à endosser une partie du sac de pierre lourde que je porte. Quand on m’a attribué le prix Goncourt des lycéens, des élèves m’ont dit « monsieur ! Vous n’êtes pas entré seul à Sabra et Chatila : nous sommes là avec vous ».

Ce festival, c’est aussi l’occasion de faire connaissance avec vos pairs et de tenter de s’imprégner de leur extraordinaire puissance créatrice. Quelles sont vos sources d’inspiration ? 

Cédric Gras : c’est une question qui demande de faire son autocritique ou sa psychanalyse (rire). Ma source d’inspiration, c’est la Russie (ndlr: la Russie est le théâtre de ses trois ouvrages). Les gens ont parfois du mal à comprendre cette fascination : il y fait froid, les populations y sont rudes… Mais il y a une alchimie entre l’histoire de cette région et sa géographie qui m’a touché. Je pense que c’est une destination qui correspond parfaitement à ma sensibilité un peu décalée.
Adrien Bosc : j’ai été un peu élevé dans le surréalisme, c’est un style d’écriture que j’affectionne particulièrement. Je ne manquerai pas de citer Norman Mailer, André Breton, Robert Desnos.
Sorj Chalandon : je n’ai pas besoin de chercher très loin : mon inspiration, c’est ma douleur. Tout ce que j’ai écrit me vient d’une blessure intime. Mon vécu est une matière première dont je fais des objets littéraires de fiction.

On dit les écrivains superstitieux. Accompagnez-vous, vous aussi, l’écriture de vos livres de quelques rituels occultes ?

Sorj Chalandon : journalisme le jour, roman la nuit : c’est mon seul rituel. La nuit, tout est paisible. Je peux convoquer mes fantômes, et alors même les mots qui hurlent murmurent.
Adrien Bosc : en fait, non ! Si ce n’est que j’écris toujours le matin, à mon bureau.
Cédric Gras : je me suis posé la question avec L’hiver aux trousses car c’est le premier voyage que j’ai fait avec une réelle intention littéraire. Mes deux autres ouvrages ont été écrit a posteriori. Pour vous répondre, quand je pars en voyage, je tiens à jour un petit carnet de route. Mais j’ai peu de temps pour y écrire. Alors, dedans, j’inscris des mots-clés, des codes, qui par association rappellent des idées. Je me remémore tout ça une fois rentré. Ce n’est pas évident et je vous avouerai qu’il y a parfois des pertes (sourire).

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