Lundi 22 janvier, la Cour des comptes a présenté un rapport sur le marché du travail. Il est dévoilé alors que les partenaires sociaux doivent renégocier, dans les prochains mois, la convention d’assurance chômage. Les rapporteurs se sont penchés sur les trois piliers de la politique de l’emploi en France : indemnisation du chômage, aides à l’insertion ou à la réinsertion et formation professionnelle des chômeurs. L’ensemble de ces mesures représente 50 milliards d’euros de dépenses chaque année. Que faut-il en retenir ?

Le constat
Le régime d’indemnisation chômage est jugé “plus protecteur” que dans la plupart des pays européens. La durée maximale d’indemnisation (deux ans) est bien plus élevée en France que chez ses voisins (6 mois au Royaume-Uni, 8 mois en Italie et 12 mois en Allemagne pour les demandeurs d’emploi de moins de 50 ans).

Cela fragilise le système française d’indemnisation chômage  : son endettement a doublé depuis le début de la crise, passant de 9 milliards d’euros en 2010 à 18,5 milliards en 2013. La part de chômeurs indemnisés est pourtant en baisse (44,8% des demandeurs d’emplois en 2011), avec de plus en plus de chômeurs en fin de droits.
Les instruments de politique de l’emploi sont “obsolètes” et “inadaptés dans  un contexte de chômage durablement élevé”. La Cour fustige notamment le recours aux emplois aidés dans le secteur non-marchand, une spécificité bien française. La formation professionnelle (qui coûte plus de 30 milliards d’euros par an) en prend aussi pour son grade : elle “reproduit les inégalités observées sur le marché du travail” en bénéficiant d’abord aux demandeurs d’emplois les mieux formés”.
La Cour observe enfin que les employeurs ont préféré avoir recours aux licenciements secs plutôt qu’au chômage partiel, ce qui explique que la hausse du chômage soit plus forte en France depuis 2009 que dans la plupart des autres pays européens.

Les propositions

Parmi les 26 « recommandations » émises par la Cour figurent quelques mesures-phare.
– redresser les comptes de l’assurance chômage en s’attaquant notamment au régime des intermittents du spectacle et des travailleurs intérimaires
– taxer les employeurs abusant des contrats courts (en écho à l’accord signé par les partenaires sociaux sur la flexi-sécurité)
– remettre à plat les prestations versées aux demandeurs d’emplois, en réduisant le niveau maximum d’indemnités (lire l’encadré « Les cadres se sentent visés » ci-dessous)
– réserver  les contrats aidés aux publics prioritaires.

Michel Sapin : « il faudra prendre des mesures sur l’assurance chômage »
Interrogé sur RTL ce matin, le ministre du Travail a réagi à la publication du rapport de la Cour des comptes.


Michel Sapin répond à Jean-Michel Aphatie par rtl-fr

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La Cour des comptes ne propose pas une baisse généralisée des indemnités chômage, mais cible les « hauts revenus ». Elle préconise de « mettre en place un taux de remplacement décroissant des prestations pour les niveaux d’indemnisation les plus élevés, à l’image de ce qui existe dans la ­plupart des pays européens ». Autrement dit, abaisser le plafonds d’indemnité maximum (plus de 6000 euros par mois pour les anciens cadres qui gagnaient 11000 euros et plus).

FO, dans un communiqué, rappelle que « l’indemnisation du chômage est un mécanisme assurantiel où chacun cotise en fonction de son salaire et est indemnisé en fonction du préjudice qu’il subit ». «Revenir sur ce principe c’est provoquer une instabilité juridique préjudiciable aux droits des salariés» juge le syndicat. «C’est aussi la meilleure façon d’engager une privatisation rampante de l’assurance-chômage en poussant les cadres vers le marché concurrentiel afin d’y trouver les produits assurantiels à même d’assurer leur protection sociale; aujourd’hui l’assurance–chômage, demain les retraites. Une solution qui ne manquerait pas de pénaliser les principes de solidarité, de mutualisation et de stabilité des régimes de protection sociale».
Même levée de boucliers côté CFE-CGC, syndicat des cadres. «À salaire élevé, cotisation élevée qui alimente substantiellement l’UNEDIC. Lorsqu’un incident survient, domestique, de voiture, d’habitation… il ne vient à l’idée de personne de mettre en cause le niveau d’indemnisation ! Les primes d’assurance ont été payées en conséquence. La CFE-CGC met en garde contre le risque d’explosion de nos systèmes d’assurances sociales basés sur la mutualisation et la solidarité. Faire payer toujours davantage certains pour de moins en moins de droits va conduire ceux-ci à vouloir sortir du système pour s’assurer individuellement».
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L’intégralité du rapport est à lire ici :