Nouvelle série de HBO mettant en scène deux flics à la recherche d’un serial killer aux mises en scènes macabres, True Detective nous plonge dans un univers noir. Une série policière qui ne renverse pas les codes du genre, mais qui est portée par deux acteurs magistraux et une narration singulière.

Paysages ternes dans une Louisiane désindustrialisée. D’entrée de jeu, True Detective fleure bon l’homicide esthétique. En plein dans le mille, le grain d’image utilisé rappelle l’ambiance de The Walking Dead (autre grosse série à succès). Le pitch, deux flics aux prises avec un serial killer qui ne se contente pas de tuer, mais assortit ses forfaits mortels d’un rituel sordide (bois de cerf habillant la victime, dessins cryptiques, mise en scène…). Une enquête qui va s’étendre sur pas moins de 17 ans et va avoir d’importantes conséquences sur la vie des deux hommes.

True Detective, écrite et réalisée par le romancier néo-orléanais Nic Pizzolatto, (Prix du Premier Roman étranger de l’Académie Française en 2011 avec Galveston) est une anthologie. La logique de diffusion est calquée sur la série American Horror Story. En effet, au terme de sa première saison de huit épisodes (d’une heure environ), elle reprendra tout à zéro, avec de nouveaux personnages et une nouvelle histoire. Pas le temps pour la frustration d’un dénouement qui n’arrive jamais donc.

Si elle ne déroge pas aux codes du genre policier, l’atmosphère et les plans ne sont pas aussi galvaudées que les séries policières à succès ( la série joue la lenteur et un certain statisme, à l’image des plans fixes des interrogatoires des deux anciens flics), où l’intrigue s’essouffle vite, quand elle n’est pas « téléphonée » et où la justice finit toujours par triompher. Bien malin celui qui est en effet capable de prédire le dénouement de l’intrigue de True Detective, la faute (ou plutôt grâce) à un schéma narratif où le flashback règne en maître.

Une narration originale

Deux temporalités se font face dans la série :

– le présent (2012) où Rust Cohle (Matthew McConaughey) et Martin Hart (Woody Harrelson) sont interrogés indépendamment par des flics sur le déroulement d’une affaire, qu’ils ont traitée plus de quinze ans auparavant

– le passé (1995) où l’on suit l’enquête à proprement parlé.

Voici une série à infusion lente, très lente, puisqu’elle couvre plusieurs décennies à la fois. Au moins trois. Le premier épisode installe un mode de narration navigant tranquillement entre 2012 et 1995. Des ellipses qui sèment le doute et le faux-semblant dans l’enquête, préservant ainsi le suspens initial.

Deux acteurs, deux gueules

Le succès que connait la série (outre les très bonnes audiences, un livre évoqué dans plusieurs épisodes et qui fait référence au meurtrier s’est vendu comme des petits pains au point qu’Amazon est en rupture de stock !)  est aussi dû en grande partie au formidable jeu d’acteurs de Matthew McConaughey et Woody Harrelson. La voix rauque et les répliques cinglantes d’un homme qui semble lire dans l’âme humaine d’un seul regard ne peut laisser indifférent le spectateur. Le rôle campé par McConaughey (récemment vu dans Dallas Buyers Club ou le Loup de Wall Street) confirme son statut d’acteur talentueux. Sous les traits de Rust Cohle, un ancien flic infiltré, cynique, froid et d’une intelligence peu commune, Matthew impressionne par sa performance. Quant à Woody Harrelson, habitué aux rôles de cinglés ( ZombielandLes brasiers de la colèreThe Messenger ou encore Sept psychopathes…)  il n’est pas en reste. Un peu creux dans les premiers épisodes, son jeu prend de l’ampleur au fur et à mesure de l’avancée de la saison.

C’est l’antagonisme entre les deux personnages qui  ajoutent du piquant à True detective. Deux flics et deux hommes aux méthodes et aux vies diamétralement opposées : Cohle est un ancien drogué qui a  passé quatre ans à infiltrer le milieu des trafiquants. Obsessionnel et perfectionniste dans le travail, il n’arrive pas à se remettre d’un drame familial. Hart est un bon gars du sud des États-Unis, le genre à un peu abuser quand il va boire un coup avec ses copains et qui trouve le repos en trompant sa femme. Le duo est assez incroyable, d’une complémentarité qui force le respect. Des hommes mal dans leur peau à des niveaux différents, mais qui se rejoignent totalement dans cette incapacité à être heureux.

On attend désormais avec impatience l’épisode six.  A en croire sur son compte Twitter le créateur et scénariste de True Detective Nic Pizzolatto, cet épisode conclura le deuxième acte de la saison, promettant un double épisode final en forme d’épilogue explosif.