Mercredi 28 octobre, le président de la République, Emmanuel Macron, annonçait un second confinement national afin d’endiguer la pandémie de Covid-19. Messins, comme les autres, voient leurs libertés de déplacement réduites aux seules sorties nécessaires. À travers l’exemple de la rue des Allemands, nous avons sondé un cœur de ville qui bat au ralenti.

Le reconfinement change le visage du centre-ville. Çà et là, les passants masqués donnent vie aux monuments emblématiques de la rue des Allemands.

En ces temps troublés, d’autres portes s’ouvrent aux messins, celles des commerces alimentaires.

Amar est l’un des épiciers de la rue des Allemands. Discret, il n’a pas souhaité être photographié. Pour lui, cette période de confinement est plus difficile que la première. « Les gens ont encore moins d’argent qu’en mars. Ils comptent leurs sous et font moins d’achats. Les attaques terroristes récentes ont peut-être aussi dissuadé les gens de sortir de chez eux », développe-t-il, dans l’incertitude face aux difficultés à venir.

À l’entrée de la boutique, Norbert sirote un expresso. Cet habitant du quartier se rappelle avec amertume l’époque où bars et restaurants vibraient et proposaient des terrasses animées. « Ce qui me manque le plus, ce sont les cafés, pour discuter, entretenir le lien avec les autres », regrette ce retraité qui a, depuis, trouvé quelques oreilles attentives à l’épicerie.

À quelques pas, Tran tient aussi un commerce alimentaire, l’épicerie La Pagode.

« Lors du premier confinement, il arrivait qu’une file d’attente se crée devant mon magasin », se souvient-il. Il est 11 h du matin et l’épicerie est vide. Pas de quoi s’inquiéter pour autant : « Mes clients viennent le matin ou le soir, avant ou après leur journée de travail. Entre les deux, c’est habituellement une période creuse. Ces instants sont propices aux livraisons et celles-ci ne sont pas chamboulées par la crise sanitaire », positive le gérant.

« Malgré le reconfinement, les rues sont remplies »

La rue des Allemands n’est pas aussi déserte que l’on pourrait l’imaginer. À gauche sur la photo, à l’angle de la rue Saint-Eucaire, la pharmacie Jochem fait partie du paysage depuis 45 ans.
Sandrine est pharmacienne, elle s’étonne de l’affluence dans la rue.

« Il y a beaucoup de monde par rapport au premier confinement. Avant, chacun restait chez soi, aujourd’hui les rues sont remplies. Ce sont surtout des étudiants qui traînent, ou le matin, des parents qui accompagnent leurs enfants à l’école », estime Sandrine, pharmacienne.

Madame Jochem est la maîtresse des lieux, son nom s’affiche sur la devanture de la pharmacie. Elle se souvient d’un premier confinement où elle voyait beaucoup de travailleurs frontaliers dans les rues : « Je pense que la moitié des habitants du quartier des Allemands exercent leur profession au Luxembourg. Ils s’installent ici pour demeurer à proximité de la gare. En temps normal, nous ne les rencontrons que le soir, vers 20h. Mais lors du premier confinement, ils étaient en télétravail, alors on les voyait sortir leurs chiens ». Pour l’heure, les autorités luxembourgeoises n’ont pas décidé de nouveau confinement. Cependant la nouvelle pourrait tomber dans les prochains jours, obligeant à nouveau les frontaliers à travailler depuis chez eux. Alors, le personnel de la pharmacie Jochem pourrait assister à des scènes similaires à celles observées il y a quelques mois.

« C’est un quartier mort »

Pendant ce second confinement, la gérante observe une minorité de commerces fermés : « Il y a beaucoup d’échoppes alimentaires par ici, qui n’ont pas eu à baisser le rideau. En revanche, le bar n’a plus le droit d’ouvrir et cela se ressent. Il y a cette coiffeuse aussi, qui avait beaucoup de succès et pratiquait des prix abordables. Elle a dû fermer temporairement ».

La pharmacienne déplore moins les fermetures exceptionnelles que la tendance générale qui touche la rue depuis quelques années. « C’est un quartier mort. Il n’y a quasiment plus de passage. Auparavant, c’était un village ici, la rue était animée, commerçante », décrit-elle avec nostalgie. Sandrine, sa collègue, acquiesce et constate « un nombre de commerce qui décline et des loyers qui baissent ».

Les messins doivent désormais se munir d’une attestation de sortie pour effectuer des achats de première nécessité.

La rue des Allemands renferme une atmosphère particulière. La vie de quartier, voire de village existe toujours pour certains habitants. Pourtant, comme souvent dans les villes de taille moyenne, les indépendants ont de plus en plus de mal à maintenir leurs boutiques ouvertes. Ce second confinement, pourrait être, pour certains d’entre eux, le courant d’air qui abaissera définitivement le rideau de fer.