« Le soleil, ce matin du 10 février 2014, se lève différemment pour l’équipe du Miroir Mag. » Le pure player dijonnais s’autorise un peu de lyrisme sur son site et on ne saurait le leur reprocher : le site local publie ce mois-ci son premier magazine papier.

Alors que la presse écrite traverse une crise sans précédent et que la presse en ligne peine à se trouver un modèle économique, la nouvelle met du baume au cœur. Héritière direct de DijonScope, pure-player régional qui avait dû tirer sa révérence en mai 2013 faute de rentabilité, l’équipe du Miroir se donne les moyens de poursuivre son rêve de reportage et d’enquête sur le papier.

Interview de Nicolas Boeuf, un des six jeunes fondateurs.

 

Les six membres de l’équipe du Miroir Mag, le soir du lancement du magazine papier. Pourquoi ce signe de la main ? « On vous aime » en LSF »…

 

Les médias papier commencent prudemment à basculer sur le web. C’est le moment que choisit Le Miroir Mag pour’investir sur le papier. Après tout juste huit mois d’existence, c’est un gros défi à relever. Pourquoi cette décision ?

En région, les gens ne sont pas encore prêts à payer pour du virtuel, pour de l’information en ligne. C’est l’enseignement que l’on a tiré de l’expérience de Dijonscope. Le site était devenu payant, mais ça n’a pas marché.
Or le journalisme que l’on propose sur Le Miroir Mag, c’est de l’info à valeur ajoutée. On ne fait pas de bâtonnage de dépêche AFP (de la reprise de dépêches d’agences NDLR), on se concentre sur l’enquête, le reportage. Ce sont des choses qui prennent du temps et de l’argent. Passer à un magazine imprimé nous permettrait d’assurer notre modèle économique. Mais on croit aussi encore à la force du papier, à l’attrait de « l’objet » magazine. D’autant plus qu’il y a un créneau à prendre sur cette ligne : il n’existe aucun mensuel d’actualité dans la région.

 

Jusqu’ici, Le Miroir Mag avait un statut associatif et était financé à 100% avec la publicité. Aujourd’hui, comment comptez-vous fonctionner ?

Depuis le lancement du site, l’objectif était de se diriger vers un modèle hybride. D’un côté, le site internet toujours gratuit, où l’on héberge de la publicité, et où on met en avant un contenu différent, plus axé sur le multimédia et le data journalisme. De l’autre, le mensuel papier, payant, où l’on publie de longues enquêtes et reportages. Les deux supports sont complémentaires.

A terme, notre objectif est d’avoir 3/4 de rentrée publicitaire, et un quart de rentrée vente. Nous sommes passés en SARL SCIC (société à responsabilité limitée société coopérative d’intérêt collectif NDLR) et pour le moment elle appartient aux six journalistes de la rédaction. Mais on compte progressivement laisser des lecteurs et des partenaires prendre quelques parts dans l’activité, à hauteur de 5000 euros maximum.

Concrètement, pour le moment, on ne dégage pas encore réellement de profit et chacun assure les postes de journaliste, mais aussi commercial, chef d’entreprise, maquettiste… Si l’on atteint une vitesse de croisière, là on pourra peut-être  penser à embaucher.

 

Dans votre édito de présentation, vous promettez « un regard renouvelé sur l’information », vous signalez que vous avez signé la charte des slow media. Ce sont de beaux idéaux pour vous démarquer, mais comment cela se traduit-il sur le papier ?

Le but du mensuel est de faire du grand reportage, mais en région. De prendre le temps d’enquêter, de traiter chaque sujet correctement, en se remettant souvent en question sur le format et le choix des sujets. On n’invente rien, on traite l’info comme elle devrait l’être. Face à nous, la presse quotidienne régionale est vieillissante, elle se repose sur ses acquis. Même si on n’est pas là pour prendre leur place : on n’ira pas faire de compte-rendu d’association locale, de match de foot, ou de faits-divers. On essaie de se libérer de l’agenda médiatique et d’ouvrir les yeux, de prendre des initiatives, pour montrer aux gens dans quelle société ils vivent.
Aujourd’hui, le titre est connu, la ligne éditoriale est installée. On compte jusqu’ici 3000 vues par jour, ce qui fait de nous un des plus gros pure player régionaux. A titre de comparaison, avant sa fermeture Carré d’Info faisait 2500 vues au bout de trois ans d’existence.

 

Pensez-vous que votre modèle pourrait inspirer d’autres pure-players locaux ?

Tout reste à prouver. Pendant les trois prochains mois, ça va être très dur. C’est deux fois plus travail, on ne dort plus en ce moment. Et on n’a pas le droit à l’erreur sinon tout s’effondre.
On a eu des moments de doute, mais aujourd’hui on est plutôt confiant. Dans tous les domaines, si on s’efforce de proposer du bon boulot, du contenu de qualité, ça finit par marcher. C’est peut-être naïf de notre part… Mais on essaie de rééduquer les gens à l’info, de publier des papiers qui font un peu marcher notre cerveau. Si ça peut inspirer d’autres médias, on verra ça dans six mois ou un an !

 

Le premier numéro est en kiosque depuis lundi, dans 130 points de vente, à 4,5 euros le numéro de 84 pages. Quels sont les premiers retours ?

Il est encore trop tôt pour dresser un bilan sur la vente au numéro. On en a imprimé 5500 dans une imprimerie coopérative locale. Les abonnements commencent à prendre, et c’est le plus important. C’est ça qui assurera notre indépendance.
En tout cas, on a eu de super bon retour sur le contenu de la part des premiers lecteurs. On a sorti une interview en exclusivité de Robert Poujade. L’ancien maire, un figure tutélaire de Dijon, accorde une interview pour la première fois depuis des années. C’est un bon début pour notre numéro 0 !

 

La carte des pure-players locaux

Le nombre de pure players régionaux ne cesse d’augmenter. Leur ligne éditoriale et leur modèle économique diffère souvent, mais ils ont majoritairement pour ambition de fournir une information locale différente de la presse traditionnelle. Tour d’horizon des principaux titres (en bleu, les rédactions les plus solides, avec une équipe de journalistes) :