Par Omar Belkaab, Laurence Morandini & Imane Moustakir

Les réfugiés affluent aux portes de l’Europe. Pour échapper à l’horreur de la guerre qui secoue leur pays. Tenter de survivre. Mais l’arrivée en Europe ne sonne pas forcément la fin du calvaire. Face aux problèmes administratifs, de logement ou d’emploi, ils se retrouvent vite démunis et en situation de précarité. Pour y remédier, un réseau de solidarité composé d’une vingtaine d’associations voit le jour à Metz. Son objectif : accompagner les réfugiés dans leur démarche de demande d’asile et leur offrir un minimum de confort. 

Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent sur la Toile, des consciences s’éveillent, des photos choc -comme celle du petit Aylan- émeuvent. Qu’ils viennent de Syrie, de République démocratique du Congo ou du Kosovo, les réfugiés poursuivent tous la même quête : fouler le sol européen. Face à une guerre sans fin, un avenir incertain, à la précarité, les Syriens prennent de plus en plus de risques pour rejoindre l’Europe. En 2015, le Vieux Continent a enregistré 515 000 demandeurs d’asile, dont 54% de syriens. Un an plus tôt, ils étaient 87 000, soit six fois moins.
Cette crise migratoire est sans précédent. Historique. Du jamais vu depuis la seconde Guerre Mondiale. Elle traduit un changement géopolitique de taille.

A l’approche de l’arrivée des réfugiés syriens, la ville de Metz est en pleine effervescence. Armée pour accueillir 250 personnes d’ici la fin de l’année. En coulisses, le réseau solidarité se mobilise.
Créé en avril 2014, il regroupe 21 associations messines qui ont chacune un domaine de compétence spécifique. Alliant l’urgence alimentaire à l’hébergement, elles souhaitent redoubler d’efficacité par la voix d’un même réseau. « C’est une idée qui a jailli entre trois copines [membres de la société civile]. On a proposé cela aux autres associations en leur disant que s’ils avaient aussi des difficultés à avoir des réponses à leurs lettres, on pouvait se constituer en réseau », explique Geneviève Grethen, membre du réseau solidarité et présidente de la Ligue des Droits de l’Homme. Et comme l’union fait la force,  » le réseau va nous donner une puissance bien supérieure pour voir les instances décisionnelles ».

Aujourd’hui, le réseau travaille main dans la main avec la mairie de Metz en faveur de l’accueil des réfugiés syriens.  « Des associations se sont déclarées prêtes à les accueillir et il y a eu un appel à bénévoles pour qu’on puisse multiplier les cours de français et les efforts au niveau de l’accompagnement de ces derniers dans les démarches administratives » poursuit Geneviève Grethen.

Les réfugiés syriens en passe d’arriver à Metz seront logés de manière groupée et devront bénéficier du droit d’asile au bout de quelques mois. Les associations sont déjà en ordre de bataille. Pourtant, aucune consigne ne tombe. Elles savent qu’ils arrivent, mais ignorent quand.

La mairie et le réseau solidarité, un travail de concert

Docteur en médecine, anesthésiste réanimateur, ancien médecin militaire, professeur agrégé et conseiller municipal délégué à l’urgence sociale humanitaire et sociale à Metz. Des casquettes, Raphaël Pitti en a pléthore. Très impliqué dans la problématique des réfugiés syriens, il est en contact constant avec les associations du réseau de solidarité. En tant que conseiller municipal, il a pour objectif de sensibiliser la population messine au sort de ces migrants. Raphaël Pitti estime qu’il est important de comprendre les conditions de vie déplorables que ces derniers cherchent à fuir et qu’il est naturel de les accueillir en Europe.

Pour l’ancien médecin militaire, l’accueil des réfugiés « ne doit pas être institutionnalisé par la municipalité ou le département. Il faut vraiment que ce soit un mouvement du citoyen ». C’est pourquoi il œuvre à la mobilisation des différentes associations messines. Raphaël Pitti est d’ailleurs l’un des organisateurs de la rencontre entre ces dernières et les citoyens messins qui a eu lieu à l’Hôtel de ville mercredi 14 octobre dernier (voir vidéo).
Raphaël Pitti s’est rendu en Syrie à treize reprises en trois ans. Il est témoin du drame humain provoqué par la guerre civile. Amer, la voix étouffée par l’émotion, il revient sur l’indifférence générale dont souffrait le conflit syrien. « Tant de journalistes ont donné leur vie pour faire des reportages, des photos d’enfants morts il y en a eu énormément. Et une simple photo (la photo du petit Aylan, ndlr) suffit à mobiliser le monde entier. D’un seul coup on découvre le drame syrien aujourd’hui. C’est purement de la sensiblerie, mais certainement pas du raisonnement car si on voulait s’informer – dieu sait qu’on en avait les moyens- on pouvait le faire ».
Ainsi, pour montrer que Metz n’est pas insensible au conflit syrien, il a convaincu, en 2013, le maire Dominique Gros de signer une charte d’amitié avec Alep et de rencontrer chaque année le comité civile de cette ville, élu démocratiquement. Malgré nos multiples relances auprès de nos interlocuteurs, nous n’avons pas pu lever le voile sur la question du financement alloué à l’accueil des réfugiés.

Près de 80% des demandeurs d’asile en France déboutés

Si les réfugiés syriens arrivant en France ont la quasi-certitude d’acquérir un titre de séjour, ce n’est pas le cas des autres demandeurs d’asile. Durant les six premiers mois de 2015, la France a enregistré la demande d’asile de 30 000 personnes. Même avec la crise migratoire, ce chiffre reste en stagnation depuis 2014. Pourtant, seuls 20%  des demandeurs d’asile réussissent à avoir leur titre de séjour.

Confrontés à des difficultés administratives, les dossiers de ces demandeurs d’asile sont généralement étudiés au bout de 18 à 24 mois par l’OFPRA -Office français de protection des réfugiés et apatrides-. « Tous ceux qui arrivent, que ce soit du Monténégro, du Kosovo, de Syrie ou d’Afghanistan ou de Syrie, demandent tous l’asile. C’est pratiquement la seule façon de déposer un dossier. Quand on vient d’Afghanistan, trouver un boulot à l’avance en France est presque impossible »,  explique Geneviève Grethen.

Telle que stipulée par les conventions internationales, la demande d’asile permet d’accéder à des droits tels que le logement et une indemnité de 300 euros par mois. « Durant la première année, ils n’auront pas le droit de travailler. Cela dit, rares sont ceux qui réussissent à se faire embaucher après leur première année à cause des contraintes imposées aux employeurs » poursuit Geneviève Grethen.

Pour les personnes déboutées du droit d’asile après plusieurs recours, soit à peu près 80% des demandeurs d’asile, la situation devient de plus en plus difficile. Selon Geneviève Grethen, même s’ils ont l’obligation de quitter le territoire, la majorité d’entre eux demeure en France. « Ils passent dans la clandestinité. La plupart reste et ils créent une économie parallèle sans aucun droit », conclue Geneviève Grethen.

Les démarches d’obtention du droit d’asile donnent aux candidats du fil à retordre. Un véritable parcours du combattant.

Comsyr : « Les aider sur place pour qu’ils vivent le mieux possible »

Fournitures scolaires, produits d’hygiène, matériel médical, l’association Comsyr ne relâche pas ses efforts. Sur le front, plus mobilisée que jamais, elle poursuit sa collecte dans les supermarchés pour les enfants syriens d’Alep. Ce samedi matin, elle fait le pied de grue à l’entrée du Simply de Montigny-lès-Metz. Elle compte sur la générosité des clients du magasin. Aujourd’hui, cahiers, stylos et classeurs remplissent les caddy prévus à cet effet.

Alors que la plupart des associations du réseau solidarité aident les réfugiés ici, Comsyr tend la main à ceux restés là bas en Syrie.«  Le but est de les aider sur place pour qu’ils vivent le mieux possible. Tout le monde ne peut pas venir en Europe. Certains ne veulent pas d’ailleurs ».
Si l’association est autant liée à la Syrie, c’est parce qu’elle a signé Charte d’Amitié avec Alep en 2013. Mais les liens noués avec Alep dépassent largement le papier.

Faut-il que les catastrophes soient rendues publiques pour éveiller les consciences ? Selon Delphine Dyon, membre de Comsyr, le déferlement médiatique autour de la problématique des migrants a un impact. Il booste la générosité des citoyens. « Suite à la crise des migrants et la diffusion de la photo du petit Aylan, il y a eu un regain des dons. Mais cela dépend vraiment de l’actualité immédiate et du lieu ».

[toggle title= »L’association Comsyr »]

Naissance : octobre 2012 à l’initiative de Raphaël Pitti, médecin urgentiste et conseiller municipal de Metz.

But : prêter assistance et soutien au peuple syrien, sensibiliser à ses souffrances, notamment celles des plus exposés comme les femmes, les enfants, les réfugiés et les blessés.

Missions: en priorité l’organisation d’actions de secours médicaux à la population syrienne en formant des secouristes et des médecins sur place. La collecte de produits d’hygiène, de couvertures, de matériel médical, de fournitures scolaires etc…
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