Comment imaginer un monde sans abeilles ? Sans elles, pas de miel. Cela paraît évident. Mais même si ce délice nous manquerait, les conséquences seraient beaucoup plus grave. La production de miel est l’activité secondaire des abeilles, son rôle principale : la pollinisation de 80% des espèces de fleurs et plantes de la planète.

Une disparition qui préoccupe scientifiques, agriculteurs et apiculteurs. Ce phénomène de mortalité et de disparitions récurrentes des colonies d’abeilles s’appelle le « syndrome d’effondrement ». Le déclin des abeilles est une réalité dans plusieurs parties du monde. La France n’est pas exclue : près de 30% des colonies d’abeilles disparaissent, chaque année, en France.

Sans abeille, sans nourriture

La biodiversité est essentielle pour garantir la survie des abeilles – elles ont besoin d’une pluralité de pollen et du nectar des fleurs pour leur alimentation. Dans la même échelle, la biodiversité dépend des abeilles. Sans leur fonction pollinisatrice, une grande partie des fleurs et des plantes disparaîtraient. Parmi elles, des végétaux cultivés pour leur graine (colza, tournesol, sarrasin), leur fruit (poire, melon, kiwi, pomme), leur racine ou leur bulbe (carotte, radis, oignon) ou encore leur feuillage (chou, salade). On arrive vite à la conclusion que le manque d’abeilles aurait des conséquences très inquiétantes pour l’agriculture et pour notre alimentation.

Selon un rapport de l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA), les cultures qui dépendent des pollinisateurs assurent plus d’un tiers de la production mondiale de nourriture. En Europe, la dépendance est encore plus importante : 84% des espèces cultivées dans le continent sont liées à l’action des insectes pollinisateurs, qui sont à 90% des abeilles. Sans abeilles, pas de pollinisation, pas de fruits, pas de légumes. Pour vivre dans un monde sans abeilles, il faudra alors s’adapter à des plats beaucoup moins abondants.

petit dejeuner

Le manque d’abeille: une dure réalité

Dans certains pays, la situation a atteint des niveaux très graves. « Dans une contrée de la Chine, le Maoxian de Sichuan, il n’y a pratiquement plus d’insectes pollinisateurs. Le gens récoltent le pollen sur un autre territoire afin de polliniser leurs arbres à la main », explique Martine Clausset, présidente du Syndicat des apiculteurs de Metz.

Polliniser à la main des milliers de fleurs et d’arbres est une activité exhaustive et coûteuse, tandis que, réalisée par les abeilles, elle est gratuite et naturelle. Selon l’INRA, l’activité pollinisatrice des insectes représente une valeur économique de 153 milliards d’euros.

Des ennemis dangereux

Un phénomène si complexe et extensif qui ne s’explique pas par une seule cause. Les scientifiques étudient les possibles raisons et ils ont trouvé une multitude de facteurs.

Parmi les causes principales, on retrouve l’utilisation excessive de pesticides, les nouveaux pathogènes et prédateurs, les changements environnementaux et l’agriculture intensive qui abîment les sources alimentaires de ces insectes. D’autres causes sont aussi évoquées, comme l’augmentation des ondes électromagnétiques, la pollution et, indirectement, le changement climatique. Mais, pour le moment, il n’est pas possible de hiérarchiser ces causes et de définir les plus importantes. Ces différents facteurs ont tous des impacts importants et l’interaction entre eux amplifie leurs effets expliquant le rapide et violent déclin des abeilles.

Elles sont victimes d’une trentaine de prédateurs, plusieurs d’entre eux venus d’autres pays. Un tout petit acarien d’un millimètre de long, le Varroa est loin d’être inoffensif. Il est actuellement, l’un des ennemis majeurs des abeilles. Apparu en France au début des années 1980, ce parasite venu d’Asie s’accroche au dos de l’abeille et s’alimente de son hémolymphe – l’équivalent du sang chez les humains – ce qui affecte leur système immunitaire et, par conséquent, diminue leur espérance de vie.

Au-delà de cela, le Varroa est un vecteur de virus pour les abeilles et aujourd’hui il y en a plus de 20 espèces qui menacent ces insectes. « Les virus ont toujours été une menace pour les abeilles, mais avant l’arrivée du Varroa, ils étaient présents d’une façon ponctuelle. Ce parasite transmet des maladies très rapidement », explique Anne Dalmon, chercheuse dans l’Unité Abeilles et Environnement à l’INRA d’Avignon. Martine Clausset confirme le danger de ce parasite : « Si on n’intervient pas, une ruche peut être décimée en quelques semaines ».

Les insecticides sont aussi un ennemi des abeilles. En France, en 1994, les insecticides ¨néonicontinoïdes¨ ont fait leur apparition. Ce type d’insecticide agit sur le système nerveux central des insectes et a une toxicité inférieure chez les mammifères. Depuis son utilisation, la mortalité des abeilles est passée de 5 à 30%. Par conséquent, la production française de miel est aussi affectée: elle est deux fois moins importante qu’il y a 20 ans. Face à ce problème et à l’importance de ces insectes pour l’environnement, la Commission Européenne a retiré du marché, à la fin de l’année 2013, quatre molécules d’insecticides, reconnues dangereuses pour les abeilles.

Malgré l’exposition plus basse aux insecticides, l’INRA a déterminé que les conséquences sont tout aussi graves. Les abeilles ne succombent plus mais s’affaiblissent : elles sont moins capables d’apprendre ou de retenir des informations, leur communication est touchée (elles se trompent pour déterminer la distance et direction d’une source de nourriture). Les abeilles souffrent aussi d’un manque de coordination dans les battements des ailes et elles ne peuvent pas maintenir une constante dans leur température corporelle. Ces effets affectent toute la survie de la colonie.

Metz: une ville fleurie et privilégiée

La présidente du Syndicat des apiculteurs de Metz, Martine Clausset mène, avec le Rucher École de Metz, des actions pour informer le grand public et notamment les enfants pour leur faire prendre conscience de l’importance des abeilles. « On essaye de montrer que c’est une question mondiale, nous sommes tous concernés» explique t’elle.

 

Même si le phénomène est bien visible, elle avoue qu’à Metz les abeilles sont privilégiées. La variété des fleurs et arbres dans la ville permet une alimentation riche et variée aux abeilles.  Elles ont une meilleure défense immunitaire pour lutter contre les dangers extérieurs. « Le manque de biodiversité ne va pas la faire mourir, mais va l’affaiblir. C’est comme pour nous, si on mange seulement des pâtes, à un moment donné on va avoir des carences alimentaires ».

 

Et alors, quoi faire?

La santé des abeilles répond à plusieurs facteurs, c’est pour cela que la lutte pour qu’elles ne disparaissent pas de notre écosystème est si difficile. La Commission Européenne, face à la situation, a mis en œuvre quelques outils pour améliorer le panorama futur.

En ce qui concerne les apiculteurs, l’UE soutien son travail avec des programmes nationaux et des moyens de développement rural. La Politique Agraire Commune plaide aussi pour une agriculture qui fait attention à l’environnement et à la préservation de la biodiversité.

Comme on a déjà précisé, la fragilité et la disparition des abeilles n’a pas une cause claire et unique. L’UE a aussi créé des groupes d’investigation pour clarifier ce problème. En 2015 ils ont publié une liste des espèces qui sont en danger de disparition, pour pouvoir appliquer les moyens nécessaires pour sa préservation.

C’est, peut-être, le moyen de lutte le plus polémique : l’utilisation de pesticides. Selon la Commission Européenne la loi détermine que seulement les produits qui ne sont pas préjudiciables pour les abeilles peuvent être utilisés. Après plusieurs études, une liste de produits est désormais interdit d’utilisation. C’est le cas de certains insecticides (néonicotinoïdes et fipronil) qui ont été identifiés comme très dangereux pour les abeilles. En revanche, les apiculteurs pensent que tout le monde de respecte pas ces restrictions et que ces dispositions sont trop tardives.