Pour la première fois en France, une grande rétrospective présente au public les travaux de Ronan et Erwan Bouroullec, deux designers bretons reconnus sur la scène internationale. Erwan nous explique pourquoi avoir choisi Metz pour planter son « Bivouac ».

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Ronan et Erwan Bouroullec présentent des créations issues de quinze ans de travail en commun.

Du 7 octobre 2011 au 30 juillet 2012, l’exposition « Bivouac » met à l’honneur vos travaux au Centre Pompidou de Metz. Pouvez-vous nous raconter comment est née l’idée de cette collaboration ?
Tout est parti d’une proposition du Centre Pompidou. Le concept était de proposer une rétrospective, qui réunit 15 ans de travail ; les pièces présentées existaient donc déjà. Le contenu est habituel. Malgré tout, nous avons réfléchi longtemps à l’exposition, en essayant de la penser d’une manière juste, par rapport à l’espace et au public de Metz. La sélection des œuvres et la scénographie sont spécifiques. En ce sens, l’exposition est inédite.

Comment s’est déroulé le partenariat ?

Avec mon frère Ronan, nous nous sommes déplacés souvent sur les lieux depuis plus d’un an et demi. Durant tout le mois de septembre, nous étions là un jour sur deux, et notre équipe présente sans interruption. La première priorité a été de réfléchir à la manière dont tirer parti de l’espace. Les galeries du Centre Pompidou de Metz sont particulières et très intéressantes, avec une géométrie originale, notamment cette salle en forme de grand rectangle terminé par une fenêtre qui ouvre sur le paysage. L’enjeu était de réussir à habiter cet espace tout en le respectant, de profiter de ses qualités tout en changeant radicalement l’atmosphère et la façon dont le public la ressent.

Pourquoi avoir intitulé l’exposition « Bivouac » ?
Le terme nous est venu naturellement. Il émane de l’idée que nos interventions ne sont pas définitives dans un lieu donné. Notre domaine, c’est le mobilier, et qui dit mobilier dit mobilité. Si l’installation s’est faite en 15 jours, elle peut tout à fait être démontée du jour au lendemain. Notre empreinte sur le bâtiment en lui-même est minime : quelques vis, quelques trous percés. En cinq heures, le musée peut redevenir vierge, tel qu’il l’était à l’origine. Le lien avec la notion de campement est très mince : on part dans la nature avec son fourbi, on s’installe et quand on s’en va, on ne laisse aucune trace de son passage.

En fonction de quels critères avez-vous choisi les pièces que vous exposez ?
Le design se doit d’être accessible. Cela exigeait un choix rigoureux et cohérent. Quand nous dessinons, nous essayons de rendre nos créations intelligibles par tous. L’important pour nous sur cette exposition était de montrer la diversité d’approche de notre métier, puisque nous nous inspirons aussi bien de l’industrie que de l’artisanat ou des nouvelles technologies, avec notamment l’espace consacré aux applications sur Ipad. Le public devait pouvoir comprendre immédiatement les fondements de notre travail, et trouver une logique, un fil conducteur, entre nos premières créations datées de plus de dix ans et nos œuvres les plus récentes.

Quel message espérez-vous faire passer au visiteur ?
Assez peu de spectateurs sont des spécialistes du design, ce qui est normal. Il est donc important de bien prendre les gens par la main, de leur expliquer ce qu’est ce métier. Le terme d’ « oeuvres » paraît ici peu approprié, l’ensemble des pièces pouvant se retrouver dans des magasins. Les objets, canapés, meubles ou vaisselle, sont connus, mais transformés. Il est toujours très difficile de savoir ce que pensent les gens. Globalement, parmi les gens qui viennent nous voir, il y’a deux catégories bien distinctes: ceux qui trouvent ça super et d’autres qui trouvent ça horrible. Après, les gens qui ont une lecture plus nuancée sont souvent ceux qui ne s’expriment pas.

Votre exposition offre au public l’opportunité d’interagir avec les objets. Est-ce important pour vous de laisser les visiteurs s’approprier l’art ?
L’enjeu du design est de ne créer que des pièces qui ont une fonction. Toute une partie de notre travail met en place une organisation différente de l’espace, et il est très important que les gens puissent le vivre, avec leur corps. Voir, toucher, s’assoir sur les chaises, permet de transcender les frontières. L’exposition offre la possibilité de briser certaines normes de ce type de musées, habituellement très froids, en abolissant la distance. Pour le public, c’est un peu comme une colonie de vacances. Malgré tout, il ne s’agit pas de faire de l’exposition un parc d’attractions mais juste de proposer une autre manière de percevoir la vie.

 

Erwan s’est aussi exprimé sur :

Le catalogue numérique de l’exposition

Consultable au sein de l’exposition qui met à l’honneur les travaux des deux frères, il offre la possibilité aux visiteurs qui le souhaitent de découvrir des dessins et des maquettes via une application Ipad baptisée « Cercles ».

 

L’enjeu des nouvelles technologies

Si Erwan reconnaît que les nouvelles technologies peuvent avoir des effets néfastes qui sont aussi ceux de la globalisation, il souligne également l’importance de leur existence, notamment dans ce qu’elles peuvent apporter à sa démarche artistique et à l’art en général.

 

Le choix du plastique dans les créations

Dans de nombreuses créations, Ronan et Erwan utilisent le plastique, un matériau pourtant méconsidéré. Un choix assumé qu’Erwan explique à la fois par des raisons liées au procédé de fabrication et par une volonté de changer l’image et le rapport des consommateurs à cette matière.

 

Le mensonge des objets

L’une des dérives de la société de consommation est la surconsommation. Selon Erwan, elle est responsable d’une détérioration de la qualité des produits. Ce qui lui fait dire que les objets nous mentent, en quelque sorte. En tant que designer, il affirme s’efforcer au maximum d’être franc avec ceux qui achètent ses produits.