Du 28 février au 1er mars, la ville d’Épinal accueillait Senyu, une convention dédiée à la culture geek. Comme dans les autres rassemblements de ce type, les visiteurs sont venus déguisés à l’effigie de leur personnage de fiction préféré, devenant ainsi les héros du Concours Cosplay du week-end.

Depuis la diffusion de la série Goldorak à la télévision française en 1978, la culture nipponne a progressivement envahi le pays d’Astérix. Aujourd’hui, nous sommes les 2e consommateurs mondiaux de mangas après le Japon. Difficile de s’étonner donc lorsque 250 000 personnes se rassemblent dans des conventions spécialisées comme Japan Expo. Une tradition caractérise ces gigantesques rassemblements de fans : celle de se vêtir comme son personnage de fiction préféré.

Le cosplay, un phénomène mondial

Cette coutume nous vient tout droit des Etats-Unis. En 1939, un américain du nom de Forrest J. Ackerman a la drôle d’idée de débarquer en homme du futur dans une convention de science-fiction. Les fans de Star Trek et de Star Wars adoptent le concept et contribuent largement à la diffusion de cette pratique. Ces héros d’un jour sont appelés des « cosplayers », du mot-valise « cosplay », contraction des mots anglais « costume » et « play » (comprendre « jeu de déguisement » en français).

Mais c’est au Japon que le phénomène va prendre toute son ampleur. A Tokyo, dans le quartier branché de Harajuku, tous les dimanches, les amateurs se réunissent déguisés pour le « Kosupure ». « Comme Halloween, le Kosupure nippon a plusieurs fonctions : celle liée à l’ambiance festive du carnaval et au relâchement temporaire des règles et des statuts sociaux ; le droit de flirter avec les limites de l’acceptable voire de l’interdit au quotidien ; la liberté d’apparaître, de ressembler, de se sentir, pour un moment, autre que l’image que l’on donne d’habitude de soi-même. » explique Joëlle Nouhet-Roseman, chercheuse en psychologie.

Le cosplay, l’art de changer de peau

Le cosplay a pour berceau un pays aux normes sociales particulièrement rigides : le Japon. Les vêtements y reflètent l’appartenance sociale, le port de l’uniforme est obligatoire dans la plupart des établissements scolaires. Apparaitre différemment, c’est donc devenir quelqu’un de différent. Les cosplayers ne se contentent pas d’imiter l’apparence de leur personnage, ils reproduisent aussi son attitude.

« Le cosplay c’est se libérer, être quelqu’un d’autre ! » confie une jeune femme déguisée en Lilith du jeu vidéo Borderlands, à la convention Senyu d’Epinal. Certains poussent la logique encore plus loin : ils choisissent de prendre les traits d’un héros du sexe opposé, c’est ce qu’on appelle le « crossplay ». La dimension « playing » du cosplay le différencie du simple déguisement. Le jeu d’acteur fait partie intégrante des critères de jugement des différentes compétitions en la matière.

Les cosplayers, ces stars d’un jour

Si le cosplay est une tradition intrinsèque des conventions nippones, celle de prendre en photographie les cosplayers l’est tout autant. Chaque rassemblement possède son lots de photographes officiels et son espace dédié à la mémorisation sur pellicule des costumes de la journée.

« Pour une fois que j’attire les regards… » se livre timidement la Chun-Li d’un jour au chercheur Etienne Barral. Les cosplayers sont acclamés par le public complice du « concours cosplay », le clou du spectacle de ces rassemblements de fans. Le meilleur cosplay est récompensé à la fin de la cérémonie, à condition qu’il soit façonné à la main. La compétition internationale se joue au Japon et regorge de costumes à la technicité pointue.

« C’est du boulot, on est fier de montrer tout le travail qu’on fournit tout au long de l’année sur un cosplay. » ajoute Lilith. Plus que de la reconnaissance, les cosplayers recherchent ici un sentiment d’appartenance. Les fans d’une même série se reconnaissent à travers un déguisement, les conventions comme Senyu se transforment alors en forums de rencontres et d’échanges. Finalement, ce sont les personnes non déguisées qui se sentent presque étrangères dans ce royaume de l’extravagance.