Chercheur de Thé

Le Palais des Thés a inauguré sa boutique messine le 17 novembre. François-Xavier Delmas s’est à nouveau rendu en Lorraine, après Nancy en 2015. Portrait d’un baroudeur-entrepreneur qui vit de feuilles et d’eau chaude.

Deux personnalités sous un même crâne. Deux hommes dans un même costume. François-Xavier Delmas est de ceux-là. Qui savent gérer deux carrières tellement parallèles qu’elles finissent par n’en former plus qu’une, autour d’une passion commune : le thé.

Ici, le chercheur de thé côtoie le PDG. Mais le baroudeur semble prendre le pas sur l’homme en costume. « Je me suis fait ce métier de chercheur de thé moi-même », confie le voyageur. « Personne ne fait ce métier-là. » Une petite vingtaine de grossistes, qui achètent le thé, se partagent un marché mondial. Mais eux ne se déplacent plus. « Ils ont un carnet d’adresses et commandent toujours chez les mêmes fournisseurs. Ce sont des descendants de grandes maisons qui ont des contacts à travers le monde. » C’est une méthode à laquelle le directeur général de Palais des Thés se refuse, préférant être auprès des producteurs, sur le terrain. « Moi, si j’arrête de bouger de Paris, les gens m’oublient ! »

François-Xavier Delmas, DG du Palais des Thés
« Quand je voyage, j’oublie mes habitudes, d’où je viens. Je m’adapte complètement. » ©Lucas Hueber

Oublier pour mieux apprendre

Pour François-Xavier Delmas, le voyage est au cœur du métier. L’Asie, le Népal, le Japon. L’Afrique, le Malawi, le Rwanda. L’homme n’arrête jamais. Après l’ouverture de la boutique à Metz, il se rend au Sri-Lanka. « Je passe du temps à chercher des thés, dans les livres et après sur le terrain. C’est un peu un travail de journaliste, au final », avance le grand chercheur. Sauf que l’information, ici, est remplacée par la sensation. Qu’elle soit odorante, visuelle mais plus encore gustative. « C’est quelque chose d’extraordinaire. »

Plus précisément, qu’est-ce qu’être un chercheur de thé ? « Cela consiste à aller chercher les thés les plus rares », explique François-Xavier Delmas. « Il s’agit, plus ou moins, de trois métiers en un : la recherche, la dégustation et l’achat. » Bien connaître le terrain sur lequel il met les pieds est une dimension primordiale pour le baroudeur. « Il faut savoir comment pousse le thé, qui le fait, mais aussi comment. » Une manière de faire sur laquelle le spécialiste ne peut pas faire l’impasse. « Je ne vais pas aller à l’autre bout du monde pour acheter du thé banal en faisant croire qu’il est bon. »

Mais ce n’est pas la seule dimension de son métier bâti de A à Z, qu’apprécie le PDG. La dimension culturelle compte aussi pour le globe-trotter. « Je m’adapte en permanence à la culture locale. C’est fondamental pour moi. » Et pour s’adapter à la culture locale, rien de mieux que d’oublier d’où l’on vient. « Si je vais quelque part, c’est pour apprendre de l’endroit. » Et cela n’est pas faisable avec ses réflexes occidentaux. L’entrepreneur a même appris le hindi pour discuter avec des producteurs Népalais dans la région du Darjeeling. « La dimension humaine me semble être au moins aussi fondamentale que la dimension gustative dans mon métier. »

François-Xavier Delmas, DG du Palais des Thés
©Lucas Hueber

Parti de rien, envie de thé 

Ce métier qu’il s’est créé de toutes pièces, François-Xavier Delmas a réussi à le marier avec un autre, celui d’entrepreneur. A 24 ans, il s’ennuie dans ses études et décide, avec des amis, de monter le Palais des Thés, une boutique dans le 6e arrondissement de Paris « dans une rue un peu paumée ». « On faisait des pertes, j’ai décidé de racheter les parts des autres. » C’était en fin de siècle, il est « mauvais pour retenir des dates précises. » Il est désormais le seul maître à bord, président et directeur général, à la tête d’un empire de 45 boutiques, qui s’étendent d’Israël jusqu’en Norvège, en passant par le Japon.

Pour lui, il n’y a pas de paradoxe à aller chercher du thé, notamment en Asie, pour le redistribuer dans d’autres pays. « Les gens se demandent quelle valeur ajoutée il peut y avoir à envoyer du thé à l’étranger alors qu’on ne le produit pas. » C’est pourtant très simple. « A l’étranger, la France a un tel rayonnement au niveau de la gastronomie que nous faisons office de caution. »

Le réseau des boutiques est l’une des forces de la marque. « On pensait pouvoir en ouvrir 25 et couvrir le territoire », raconte François-Xavier Delmas. « La probabilité qui se dessine est que nous pouvons doubler le nombre actuel sans aucun problème. » Amener la passion du thé au plus grand nombre, tel est désormais le but de l’entrepreneur. « C’est ce qu’on essaye de mettre en place dans nos boutiques. Nos vendeurs sont passionnés par leur métier. »

Au final, les boutiques sont à l’image du fondateur : une passerelle vers l’initiation. « A mon niveau, j’essaye d’être une passerelle entre Orient et Occident », glisse-t-il. Un segment qu’il ne lâcherait pour rien au monde. « Plus j’ai été dans le thé, plus ça m’a passionné. Je ne me vois pas faire autre chose. »

Lucas HUEBER