L’Anses a publié mardi 15 octobre un rapport sur l’effet des ondes électromagnétiques sur la santé. Malgré des conclusions peu alarmistes, certaines personnes sont directement touchées par les sources émettrices d’ondes. Madeleine Moine, retraitée vivant à Metz, est électrosensible, c’est-à-dire hypersensible aux ondes. Sa vie a été bouleversée par les antennes relais, pourtant sa pathologie n’est pas reconnue.

Madeleine Moine souffre d’électro-sensibilité depuis 2012.
Pourtant, sa pathologie n’est pas reconnue comme une maladie.

En quoi êtes-vous électro sensible ? Quels sont les symptômes ?

Ça fait plus de 40 ans que nous sommes dans notre appartement, mon mari et moi, et en janvier 2012, ça nous est arrivé dessus comme ça, en même temps. Lui est plus costaud que moi donc il l’a moins perçu. […] C’est un sifflement permanent. Vous ne dormez plus, vous êtes hypersensible, agacé, toujours sur les nerfs, vous ressentez des maux de nuque, comme si quelqu’un vous tapait en permanence… Les ondes, ce ne sont pas des bruits qui se mesurent en décibel, ce n’est pas perceptible, ça agresse à l’intérieur de l’oreille et c’est strident. C’est une horreur.

Comment vous êtes-vous rendu compte qu’il s’agissait d’électro-sensibilité ?

Au début, je me demande « qu’est-ce que c’est ? », je vais à l’hôpital me faire ausculter les oreilles. « Vous n’avez rien », me dit-on, après, c’est : « à ton âge, tu as des acouphènes ». C’est quoi des acouphènes ? (rires). Je n’avais jamais entendu ce mot. « Quand on est vieux on entend du bruit dans les oreilles. » Sauf que quand je quitte Metz et que je vais à la campagne, je n’ai plus ce bruit dans les oreilles, donc ce n’est pas les acouphènes.
On passe tout l’immeuble en revue, l’ascenseur… Il y a douze antennes-relais près de chez moi, à quelques mètres. Le service sanitaire de la mairie a effectué des mesures dans l’appartement et m’a dit que tout allait bien. Tout le monde me disait que ce n’était pas ça.
J’ai discuté avec mes voisines. Une d’entre elles me dit qu’elle ne dort plus depuis janvier, qu’elle prend des cachets pour la dépression. Elle était vraiment mal, elle pleurait tout le temps. C’est elle qui m’a dit que c’était la faute des antennes. Puis j’ai entendu parler de l’association Robin des toits à Strasbourg.

« On va se battre »

Au quotidien, comment vivez vous avec cette gêne ?

Pour pouvoir vivre, je me sauvais de chez moi vers 13h30 tous les jours et je revenais à 19h30, parce que si je restais, j’étais lessivée, mal… Alors que dans la ville, dans la nature, ça allait.
La nuit, c’est fort… Parce qu’ils forcent leurs antennes ! Et le matin, dès que je sortais de mon lit, j’allais dans ma baignoire. Sans le savoir, j’ai développé un réflexe naturel puisque l’eau coupe les ondes. C’est ce que m’a dit la personne que j’ai contactée à Robin des toits.

Comment combattez vous votre hypersensibilité ?

L’association m’a donné des conseils de vie : pas de portable, pas de sans fil dans l’appartement, pas de micro-onde, pas de wifi. J’ai commencé des travaux en octobre pour pouvoir dormir chez moi. J’ai installé des plaques d’aluminium sur les murs, des rideaux anti-ondes sur les baies vitrées, j’ai tapissé la porte et le placard en papier anti-ondes. Ces travaux ont été très très chers et entièrement à ma charge. Quand on sait qu’un mètre carré de papier coûte 250 euros… J’en ai eu pour 1 200 euros rien que pour les rideaux.
Je partais également dans des zones blanches, à la campagne. J’y allais au moins une fois par mois pour me ressourcer, retrouver le sommeil.

Comment réagissez-vous au fait que l’électro-sensibilité ne soit pas reconnue comme une maladie en tant que telle ?

J’aimerai que ça soit reconnu. Cette maladie, c’est un mal-être du modernisme, que chacun perçoit différemment. Nous les électro-sensibles, on est laissés pour compte, mais on va se battre. Le rapport de l’ANSES est vaseux, ils ne veulent pas s’attaquer aux opérateurs puissants.
En plus, tout le monde connaissait mon problème et ils rigolaient ! Ils ne me croyaient pas ! Je me disais que je ne m’en sortirais pas…

Pour finir, allez-vous mieux aujourd’hui ?

Oui ! Avec les travaux, mon mari et moi avons retrouvé le sommeil et c’est très important. Avant ça, on était épuisés. Aujourd’hui, je ne suis pas libérée du problème, certes, mais je suis libérée parce que je ne suis pas la seule. Je peux parler avec des gens qui ont le même souci que moi, qui parlent la même langue que moi. Et quand on parle la même langue que quelqu’un, on se sent fort !