Le retour au pays de l’otage / prisonnier est en train de s’imposer comme une nouvelle forme de spectacle télévisuel, avec ses codes et ses règles. Exemples et analyse.

L’atterrissage. L’attente interminable. L’apparition. Le “coucou main”. Les étreintes. Les sourires. La marche triomphale. La forêt de micros. Les premiers mots. Les œillades complices. Le retour à la vie. Tel est désormais le storyboard incontournable de toute séquence de “retour de héros” qui se respecte. La formule est reproduite à l’identique à chaque come-back d’otage en France. L’ex-détenue Florence Cassez n’était pas otage, mais a eu droit à la même scénographie, générant le même type de commentaire journalistique. Le système médiatique ne s’embarrasse guère de nuances.

Les ex-captifs semblent contraints de suivre les rails d’une communication téléguidée, se livrant (malgré eux ?) aux diktats du breaking news et de la communication politique.
L’effet visuel est troublant. Il rappelle, pêle mêle, ces comédiens plongés dans un marathon promotionnel avant la sortie d’un film, enchaînant les “junkets” ou les photocalls, éblouis par la lueur des projecteurs. L’esthétique évoque aussi les codes de la  télé-réalité d’enfermement, lorsque les candidats quittent leur bulle aseptisée pour retrouver “le vrai monde”, livrant leurs premières impressions “à chaud”. On scrute alors à la loupe les transformations physiques du “sujet”, son mode d’élocution, la largeur de son sourire – en un mot, les stigmates de son expérience traumatique.

L’ex otage, tout comme l’acteur en promo ou le candidat de télé-réalité, est généralement un bon client  et se prête volontiers au jeu : souriant, volubile, disponible. Villacoublay, la Plaine Saint-Denis, même combat.

Une fiction américaine (adaptation d’une série israélienne) a su capturer cette esthétique : “Homeland”. Elle met en scène le retour au pays d’un soldat américain après huit années de détention. Le parallèle est saisissant : même scènes d’atterrissage d’avion, mêmes séquences de retrouvailles familiales, mêmes discours attendus. La série a le mérite d’aller au delà de ce cérémonial figé, de révéler les blessures et faux-semblants derrière les apparences.

Cette collision d’images interroge : est-ce la mise en scène des chaines info qui a inspiré la fiction ? Ou l’inverse ? La différence entre catégories de programmes – information, divertissement – s’estompe au profit d’une dictature universelle : celle de l’émotion immédiate, de l’image-choc. A chaque “retour de héros”, la mise en scène provoque les mêmes mouvements de fascination / répulsion.  Les éditions spéciales battent des records d’audience tandis que les critiques pleuvent sur l’indécente “’hystérie médiatique” (quelques exemples ici ou ). Un grand 8 médiatique qui donne le vertige.