Passant occasionnel ou régulier sur le pont de la cité universitaire, l’œil est toujours attiré par une forme postée à toute heure dans le ruisseau ou sur les berges de la promenade du Saulcy à Metz. La forme, un héron cendré a établi son campement de jour.

« Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où, Le Héron au long bec emmanché d’un long cou. Il côtoyait une rivière. » Quand Simone, retraitée, flâneuse quotidienne évoque le héron, les mots de Jean de la Fontaine, appris et récités à l’école lui viennent sans peine. « Il est assez hautain et fier », commente-t-elle. Sur un banc, Nathan, étudiant en langues, un sandwich à la main et quelques pigeons à ses pieds, décrit l’oiseau « il est plutôt grand, assez majestueux, mais pas peureux ».

Ce héron cendré, au plumage bien étoffé à dominance grise est haut perché sur ses longues pattes fines. Il est à l’affut du moindre poisson. Planté dans le ruisseau, ou posé sur les berges de la promenade du Saulcy, l’oiseau a établi parmi les poissons son garde-manger à proximité des autres pêcheurs, eux amateurs. « Ce n’est pas étonnant de le voir ici, c’est un endroit propice pour la nourriture, note Jacques Stankiewicz, président de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) 57 (Moselle). Il vit grégaire, sauf pour manger », poursuit le passionné. Le ruisseau est un véritable théâtre de pêche abondé par l’ouverture du barrage. Au bonheur de l’oiseau et ses petits nourris grâce à la pêche des parents. « Les petits poissons, ablettes, gardons et rotengles remontent le ruisseau et vont là où il y a le moins d’eau », souligne Pierrick, pêcheur coutumier de ce passage d’eau. Une aubaine pour le héron qui, immobile, n’a plus qu’à plonger son bec pointu dans l’eau. Positionner sa proie au milieu, la tête la première dans le gosier, l’étouffer et l’avaler.

Par sa vision latérale et frontale, le héron est aux aguets.

L’échassier aux yeux jaunes, toujours réactif à son environnement et prêt à s’envoler à la moindre insécurité, au moindre passant trop téméraire qui s’introduit dans son espace vital, s’accorde le temps d’une sieste. Un peu de répit. La tête enfoncée sous son aile duveteuse ou étendue comme un cormoran qui se prélasse au soleil. « Il faisait très beau et devait se sécher, il paraissait serein », se souvient Simone. Une attitude qui ravit les passants comme les amateurs de photos, friands des postures de ce héron en pleine ville.

« On le remarque surtout quand il se déplace », commente Nathan. Malgré son allure longiligne et discrète, sa grande envergure ne laisse pas indifférent, « l’ampleur de ses ailes peut aller d’un mètre soixante à deux mètres, comme un humain », précise le président de la LPO. Si le héron n’a pas de chant, c’est au moment de l’envol que l’oiseau, silencieux sur terre, crie. Un « craaa » qui, selon Jacques Stankiewicz, se fait bien entendre.

En fin de journée, au son des cloches de la cathédrale de Metz, la partie de pêche du héron se termine. D’une impulsion, le cendré déploie ses ailes, forme un S avec son cou et prend son envol pour retrouver sa colonie juchée en haut des arbres en pleine nature. Il reviendra le lendemain avec le même objectif, trouver de la nourriture pour sa tribu et faire le beau auprès des étudiants de l’île du Saulcy.