Wilfried, 57 ans, est vendeur chez « Discover » une boutique de vinyles et de CDs au centre-ville de Metz. Rencontre avec ce passionné de funk et de soul pour qui être commerçant c’est aussi avoir une démarche artistique et culturelle.

Dans des bacs en bois, des CDs, des cassettes et des vinyles sont classés par ordre alphabétique, par genres et par époques. Au milieu de ces rayons, derrière un bureau gris, entouré d’affiches des années 70 et 80, de cartes postales, de post-it et d’une photo de David Bowie, Wilfried range ses disques dans leurs pochettes.

Baskets, jean, et sweat à capuche gris, il se tient prêt à conseiller ses clients. « Chez un disquaire indépendant, une partie de la démarche c’est déjà de venir fouiller dans les bacs, c’est une activité à part entière et c’est une activité qui ne sera jamais remplacée par le streaming, une partie du plaisir est dans la recherche ! »

« Chercher la pépite » c’est la mission qui intéresse le plus Wilfried. Assis sur le rebord de la vitrine, cigarette à la main, un bouc poivre et sel et de long cheveux grisonnants, il raconte avec passion son rapport à la musique et son métier de disquaire « en voie de disparition »

Cartons de CDs

La musique est importante dans sa vie. Mais c’est le micro qui attire en premier Wilfried, alors âgé de 15 ans, dans le monde de la FM. Par la force des choses dans cette époque des radios libres, en s’occupant des hits parades et de la programmation, une formation musicale va s’offrir au futur disquaire qui se qualifie « d’autodidacte formé sur le tas. »

« Autre temps, autre mœurs » le jeune animateur va travailler pendant 18 ans sur différentes stations et principalement pour Metz FM, une radio qui a fait partie du service presse de la ville avant la fin de sa présence sur les ondes en 1998.

Après s’être baladé sur toutes les tranches horaires et à travers tous les styles musicaux, « sauf l’accordéon », précise-t-il ironiquement. Il y a 2 ans, Philippe Gilkin, l’un des plus grand collectionneur de vinyles de France tombe malade et ne peut plus s’occuper de la boutique dont il est propriétaire, fondée il y a 32 ans. Avec sa collection de plus de 45 000 disques, le patron du « Discover » demande à un fidèle client de l’aide pour gérer le magasin. Wilfried devient disquaire par hasard. Pourtant, il ne se considère pas comme vendeur mais plutôt comme l’animateur de ce commerce : «  Je ne suis pas là pour refourguer ma came, c’est les clients qui font le boulot, après il s’agit de les suivre et de trouver leur bonheur, je suis là pour discuter avec les clients de ce qu’ils aiment et éventuellement les aiguiller en fonction de ce que j’ai en ce moment. »

Audiophiles en quête d’une « pépite » musicale

Chez « Discover » , on retrouve majoritairement des disques originaux remastérisés. Wilfried rachète des albums d’occasions, les restaure avec des machines à ultra-sons avant de les reproposer à la clientèle : « dans la mesure où chaque jour réserve ses propres surprises, je ne sais jamais ce que je vais avoir à vendre la semaine suivante. Je compare souvent ma boutique à une épicerie, certaines semaines j’ai de belles salades, d’autres j’ai de belles tomates. On ne sait jamais ce qu’on va avoir ! »

Mais c’est ce qui fait l’avantage d’un disquaire indépendant face à la concurrence « colossale et déloyale » du streaming. Selon Wilfried, les plateformes d’écoute proposent une série de niches au gré des maisons de disques. Son indépendance lui permet d’avoir la liberté de mettre en avant ce qu’il veut et ce qu’il aime.

Le streaming est néanmoins une porte d’entrée pour une clientèle plus jeune qui a été formée à la musique numérique et qui se tourne vers les formats physiques. A contrario certains n’ont jamais abandonné le vinyle. Il y a des « audiophiles » amateurs de musiques qui recherchent le plaisir d’une simple écoute de qualité et des « collectionneurs » qui cherchent une édition en particulier en ayant des goûts très pointus. Mais la clientèle est diversifiée et s’étend sur trois générations.

Parfois, à la tenue, Wilfried arrive à conseiller les clients : « quelqu’un qui porte un T-shirt des Guns N’Roses, y’a quelques indices… » En général, il faut recouper des styles, des goûts, pour faire découvrir des nouveaux albums et des nouveaux groupes « par rapprochement et par habitude » explique-t-il.

Il termine sa cigarette, et arrive à la fin de ses explications. Wilfried se lance dans un mot de la fin : «  ce qui est important c’est l’échange, parce que véritablement il y a une communauté d’amateurs de musique et d’amateurs d’objets. Être attaché aux supports physiques, vinyles ou DVD c’est ce qui créé des échanges et c’est une dimension qui est d’avantage demandée depuis le covid. On est revenu à une recherche de fond, de sens de discussion entre les individus, je suis à l’endroit idéal pour faire des rencontres aussi bien musicales qu’humaines entre passionnés. »