Tour à tour délinquant, ouvrier, S.D.F., détenu, photographe, écrivain, puis chômeur… La vie de René est agitée, hors-du-commun.

Il est 23h00. A quelques encablures de la Place de la République de Metz, il pose ses sacs poubelles et son appareil photo. René fait partie de ces gens que l’on ne remarque que la nuit quand les rues se vident, que le silence s’installe et que la vie ralentit. Si le poids des années se lit sur son visage, caché par ses longs cheveux blancs, ses yeux bleus, eux, ne laissent rien paraître. « Je suis un pauvre type », répète-t-il en roulant une énième cigarette.

En 1963, à seulement onze ans, les services sociaux le placent dans un foyer après multiples vols et cambriolages. Le jeune délinquant se retrouve dans une famille qu’il qualifie de « Thénardier ». Il quitte l’école cinq ans plus tard et entre à l’usine.  Emancipé à 20 ans, il se « jette à corps perdu dans le mariage ». Une vie qui ne lui convient pas et qu’il a besoin de fuir rapidement. Prise de conscience brutale : il quitte son travail, son domicile et sa femme enceinte pour aller vivre dans la rue. Il a 24 ans.

« Aucun regret mais j’en ai bavé »

Sans domicile, il découvre la lutte pour survivre, surtout après le coucher du soleil. « Je marchais toute la nuit. Je marchais pour ne pas crever de froid. Ensuite, je cherchais un train en stationnement ou une épave pour dormir un peu ». Après trois ans de galère et six mois de prison, il débute sa réinsertion comme animateur de spectacles à l’association L.S.D. (Le soleil dominerait), prenant en charge des toxicomanes. A cette époque, il vit dans sa camionnette Porte des Allemands à Metz, et part à la rencontre des S.D.F, armé de son appareil photo.

« Je dois beaucoup à Denis Robert »

Sa rencontre avec Denis Robert, journaliste à Libération, s’avère providentielle. René se souvient : « je l’ai rencontré presque par hasard en allant au CDI d’un bahut de Woippy pour exposer mes tirages de clodos. Je l’avais vu à la télé l’avant-veille et je l’ai reconnu. » C’est à partir de ce moment-là qu’ils collaborent en publiant  l’ouvrage « Portrait de groupe avant démolition » en 1997. Les photos de René Taesch et les textes de Denis Robert en font un livre puissant et reconnu sur la misère en France.  La notoriété de Denis Robert ouvre des portes à René, c’est ainsi qu’il écrira son autobiographie dans l’ouvrage « Rue des singes » aux éditions Florent Massot. De temps en temps, il dégaine même son appareil pour Libération et Le Monde.

Mais en 2001 arrive « l’affaire Clearstream », emportant Denis Robert dans un tourbillon judiciaire et l’éloignant de René. « Dans un sens, je suis aussi une victime de Clearstream. » Retour à la galère, qu’il ne quittera plus. Aujourd’hui 60 ans et chômeur, il vit avec 460€ par mois et a honte de demander de l’aide.  Seul échappatoire : la musique, qu’il pratique trois nuits par semaine avec son groupe de rock Les De Wendel. Leur spécificité : ils chantent en platt, le patois local. Comme une nouvelle preuve que la vie de René ne sera jamais banale.