La sécheresse exceptionnelle de cet été 2022 et le manque de pluie de l’hiver dernier joue inexorablement sur le niveau des cours d’eau qui se retrouvent pour certains à sec. La Moselle n’est pas épargnée et ce déficit pluviométrique a un impact sur les populations piscicoles, principalement dans les ruisseaux et rivières. Les acteurs de ce secteur font face à un défi inouïe.

Un grand nombre d’affluant de la Moselle manque cruellement de débit. ©FERRY Kévin

Il suffit de se promener dans les campagnes et d’observer les petits cours d’eau pour s’en rendre compte. Rivières et ruisseaux sont à un niveau d’étiage rarement vu. Fin juillet, l’Observatoire national des étiages publiait sa carte de situation de l’état des cours d’eau dans l’Hexagone. Un état des lieux, fruit des observations visuelles réalisées par les agents départementaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) pendant la période estivale sur l’écoulement des cours d’eau.

Une carte qui établit que sur les 3 250 cours d’eau suivis en Métropole, 29 % sont répertoriés comme « assecs », c’est-à-dire dont l’eau est complètement évaporée ou infiltrée, et 10 % ne présentent aucun écoulement visible. Une situation extrême qui se retrouve aussi en Moselle, le département ayant été victime d’un manque important de précipitations l’hiver dernier. En effet, parmi les 40 cours d’eau répertoriés, 6 ont un écoulement non visible, 14 sont quant à eux totalement à sec. Au total, selon les agents de l’OFB, 50% des cours d’eaux de la Moselle sont aujourd’hui en un état critique. Ces conséquences directes de la sécheresse ont malheureusement un considérable impact sur la faune aquatique.

Carte de l’Observatoire national des étiages sur la situation des cours d’eau en Moselle en septembre 2022 • © Capture écran Observatoire national des étiages

Une faune aquatique en déclin

Les conséquences de cette sécheresse sur les populations piscicoles sont désastreuses. Les moyennes et petites rivières, à faible débit, sont des lieux destinés à devenir inhabitable pour les salmonidés. « L’augmentation des températures de l’eau, le manque de tenant en oxygène et les cours devenant lactique, sont autant de raisons pour stimuler une compétitivité entre les espèces. Certaines d’entre-elles, comme la lamproie ou encore le chabot, ne sont nullement conditionnées à de telles dispositions, et meurt asphyxié » assure Johan KUSMIERKI, agent de développement pour la fédération de la Moselle pour la pêche et la protection du milieu aquatique.

Passionné par les thèmes environnementaux depuis son plus jeune âge, il dévoue sa vie entière pour assurer la pérennité de ces milieux. Pourtant, il semble aujourd’hui désemparé. Malgré un travail acharné, il avoue que les événements estivaux sont particulièrement difficile à appréhender. « Aucune espèce n’échappe à cette féroce rivalité, encore moins les juvéniles, peinant à en survivre » poursuit-il. Le saumon de fontaine, qui doit quant à lui remonter les affluents afin de frayer, ne peut malheureusement pas respecter le cycle de vie qui est le sien. Une situation générale actant un déclin généralisé de la faune aquatique.

Un effet domino

Cette intense canicule risque donc de mettre en péril des générations entières de poissons. « Une sélection génétique s’est d’ores et déjà mis en place » nous confie Steve BLIND, guide de pêche en Lorraine depuis 5 ans. À l’image de Johan KUSMIERKI, Steve se sent lui aussi impuissant face à cette situation. Malgré une activité professionnelle reposant sur la pratique de la pêche de loisir, il estime que des arrêtés sont nécessaires, comme cela est arrivé sur les rivières de Manderen et Montenach, afin de réduire la pression humaine, et les risques planant sur la faune. Également afin de minimiser les effets domino de cette sècheresse, qui inquiète eux aussi nos spécialistes.

Les hérons profitent du manque d’eau pour se nourrir aisément. ©FERRY Kévin

« Le manque d’eau et d’oxygène favorisent le développement des cyanobactéries, micro-organismes colonisant les plans d’eaux, et dégageant de la toxine. Ces bactéries intoxiquent assez facilement les poissons, qui en succombent en quelques heures » énonce Johan. La santé de ces derniers se détériorent donc, devenant, pour une plupart majorité d’entre eux, impropre à la consommation. Les facteurs humains, à leur tour, sont plus impactant qu’à l’accoutumé, au vu des conditions. Le nitrate, substance chimique émanant de la pollution, se répand bien plus aisément qu’auparavant. « La prédation naturelle a elle aussi gagner en intensivité. Les hérons ou les cormorans chassent commodément, par rapport au passé » prolonge le salarié de la fédération. « Il nous faut avoir un éveil des consciences, afin de s’impliquer davantage dans ces problématiques. Le grand public n’est pas encore écocitoyen, et les choses devront s’accélérer assez rapidement, sous peine de nous voir dépasser par les événements » conclut-il.