Au bord d’une route, avec une devanture marquée par le temps, il y a un lieu où la chasse, Georges Brassens et Chirac peuvent – presque cohabiter. On vous raconte tout ça en images.

« Ici, vous ne trouverez rien sur la chasse », alerte l’écriteau dès l’entrée de la boutique. Vous êtes prévenus, Gérard Schlemaire n’aime pas ça, et il ne manquera pas de vous le rappeler avec un sourire. Preuve à l’appui, il comptabilise même tous les accidents de chasse de l’année, exposés derrière son comptoir. « La Sainte Vierge apparaît à un chasseur, il tire ! » lance avec ironie une affiche un peu plus loin. Gérard, lui, est plutôt branché Brassens. « Quand Margot dégrafait son corsage Pour donner la gougoutte à son chat, Tous les gars, tous les gars du village, Étaient là, la la la la la la … ». Ces paroles, il les connaît par cœur. Rien de bien étonnant, le CD du chanteur passe en boucle depuis des heures. Depuis tout l’après-midi, en fait. Comme la veille. Et tous les autres jours de la semaine.

Pour Gérard Schlemaire, pas question de changer de musique. Ses clients le lui interdisent. C’est un peu pour ça qu’ils viennent dans sa boutique. Pour entendre le célèbre Français, et acheter de vieux bouquins. Des Zola aux Steinbeck, en passant par des livres un peu loufoques. Gérard est un peu comme ça : il collectionne de tout. Des montagnes d’encyclopédies et des livres sur la région, à gauche de l’entrée. Des vieilles séries dignes des mauvais feuilletons à l’eau de rose, un peu plus loin. Des policiers un peu kitchs des années 50. Et là, calés près du poêle, il y a ces livres sur la parapsychologie. « Superstitions », « Les techniques et pouvoirs de l’occultisme », « Ovni », « Vies antérieures », bref, bien plus original que l’éternel Le Rouge et le Noir de Stendhal, rangé de l’autre côté de la boutique, avec les autres classiques. On en tire un au hasard, bonne ou mauvaise pioche. On se fraye un passage entre les montagnes de livres exiguës, avec bonne ou mauvaise agilité.

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« C’est la caverne d’Ali Baba, comme ils l’appellent », aime rappeler le patron, lunettes sur le nez et sourire toujours aux lèvres. Depuis le 7 juin 1971, ce bouquiniste de Clouange vend ses trouvailles pour quelques centimes seulement. Par passion du livre, et après plusieurs années éprouvantes passées à travailler dans les usines de chaussures de Bataville et Metz. Les sélections parfois farfelues de ce passionné d’archéologie, comme un guide pour célibataire, font l’unanimité. Mais la bio de Bill Clinton, ça, non, il n’en veut pas. Les années vertes de Chirac termine aussi dans un vieux carton, direction la poubelle. Le bouquiniste préfère garder précieusement L’œuvre du socialisme, qui ne contient que des pages blanches. Mais pas question, non plus, de le vendre. Ça, c’est sa plus belle trouvaille. Il la cache d’ailleurs sous son comptoir. Les vieilles caricatures de Charlie Hebdo, elles, ont par contre bien leur place sur plusieurs murs de la boutique. On y voit du sexe et surtout beaucoup de chasse, évidemment. Ça le fait rire, même quand des mères protectrices font les yeux ronds devant les affiches, leur gosse lisant un Picsou pas bien loin. « J’adore Charlie, mais je me suis un peu fâché avec eux », indique Gérard, pour la première fois très sérieux. La faute à un Charb qui taclait un peu trop Brassens. Gérard vous racontera sûrement la lettre qu’il a envoyée au rédacteur en chef, et qui est restée sans réponse. Sinon, il vous lira probablement un passage de son livre illisible. Et surtout, avant de partir, n’oubliez pas de lui lancer un mot sur la chasse.

Gérard le bouquiniste from Marc-Antoine Pelaez on Vimeo.

Juliette Redivo & Marc-Antoine Pelaez