En ce début d’année, de nombreux festivals annoncent leurs programmations pour l’été 2021, après une saison blanche causée par la pandémie de covid-19. Les billetteries sont même ouvertes pour certains d’entre eux. Pourtant, aucune date précise n’est encore fixée par la ministre de la Culture quand aux possibles réouvertures des salles de spectacle vivant. Comment les organisateurs se préparent-ils face à cette incertitude ?

IAM, Jean-Louis Aubert, Suzanne, Claudio Capéo… Cette liste d’artistes correspond aux têtes d’affiche prévues pour l’édition 2021 du festival de la paille (Métabief), annoncée ce midi. Ce cas est loin d’être isolé : Eurockéennes de Belfort, We love Green, No Logo et d’autres ont déjà en partie dévoilé les artistes présents pour leurs éditions de 2021. Une dynamique entamée en novembre dernier avec les 120 signatures de la tribune « Festival 2021, on y croit ! ». À l’initiative des Eurockéennes, le message était alors « la détermination de faire vivre leurs événements en 2021 ». Certains festivals ont déjà même commencé à vendre leurs billets. Le concert de Muse à Belfort, prévu pour le 4 juillet devant plus de 25 000 personnes, est déjà complet. Un pari audacieux à l’heure où les chaînes d’informations en continue débattent sur un possible reconfinement du pays.

Une forte envie de se retrouver

Ce serait un euphémisme que de dire que la culture et le monde du spectacle vivant n’ont pas vécu leur meilleure année en 2020. Cela explique sûrement l’engouement autour de l’organisation des festivals de 2021. Sébastien Piganiol, directeur du festival de la Paille, explique que ces événements sont nécessaires : « On est là pour créer du lien social. On organise une fête, où les gens se rassemblent pour rire, sourire. Tout cela a été mis à mal depuis la crise sanitaire. C’est important de ne pas lâcher l’édition de cette année. » Même discours du côté du No Logo, plus grand festival reggae de France « « on peut et on doit s’adapter à la crise car la culture doit perdurer ! » assure son directeur Florent Sanseigne.

Les festivals sont soutenus par leur public, en témoigne les très nombreux messages positifs laissés sur les réseaux sociaux du Festival de la Paille suite à l’annonce de sa programmation. Au No Logo, 70% des festivaliers ont gardé leurs billets de 2020 pour revenir cette année.

De nombreuses incompréhensions.

Les acteurs culturels contactés pour cet article dénoncent tous le manque de dialogue avec le ministère de la culture. Aucune consigne n’a encore été donnée à ce jour concernant les événements de l’été. A Besançon, du côté de La Rodia, qui organise le festival Détonation, on pointe du doigt l’incompréhension du monde du spectacle par le gouvernement. « Depuis le début, ils ont des mesures à très court terme qui ne sont pas applicables au monde du spectacle.  On ne peut pas nous dire le vendredi que c’est bon pour ouvrir le lundi » déplore Simon Nicolas, chargé de communication du festival Détonation.

Tous dénoncent également le traitement différencié entre le secteur culturel et les autres lieux pouvant accueillir du public. « Ça paraît assez anormal aujourd’hui qu’on puisse aller à l’église mais pas au cinéma. Il n’y a pas plus de risque. Que commence à s’ouvrir des petites structures comme les théâtres ou les cinémas pour que nous à l’été nous puissions ouvrir à notre tour avec plus d’expérience » demande Sébastien Piganiol. « Pourquoi un supermarché est limité à 6 000 personnes, alors qu’on ne peut se rendre dans une salle de concert à 150 personnes ? » s’interroge Simon Nicolas. « J’étais au supermarché récemment, il n’y avait pas de vigile, pas de gels, rien. On ferme les théâtres, les cinémas, alors qu’on a travaillé sur des protocoles sanitaires », regrette Laurent Sanseigne.

Une adaptation nécessaire face aux mesures sanitaires.

La plupart des festivals prévoient plusieurs scénarios pour faire face à l’incertitude de la situation sanitaire au printemps prochain. « On travaille sur deux scénarios au No Logo. Un festival normal ou alors avec une jauge réduite. Les deux possibilités sont envisagées pour ne pas tromper les festivaliers. Si jamais le festival se tient normalement, on pourra réfléchir à faire venir plus de têtes d’affiche. » Pour le festival Détonation « La programmation est bien avancée, on est dans le timing habituel. Cependant on prévoit plusieurs cas différents. On étudie de mettre moins de scènes et de bouger les bars, mais on est beaucoup plus optimistes que l’année dernière, notre jauge de 5 000 personnes est raisonnable. »

Au festival de la Paille, l’édition de 2020 devait célébrer les 20 ans de l’événement, ce qui impliquait une programmation plus dense que d’habitude. « Pour le moment on part sur une édition normale. On sait très bien que ça peut bouger, et on s’adaptera à ce qu’on nous impose. S’il faut s’adapter on sera capable de le faire » assure son directeur. Selon lui, les lieux de spectacle vivant sont les plus à même de faire respecter l’ensemble des consignes « On n’en parle pas souvent, mais depuis des années on doit composer avec le protocole Vigipirate. C’est très lourd et on arrive à gérer. On a prouvé qu’on pouvait le faire, il faut nous faire confiance et nous donner la possibilité d’organiser nos événements en 2021. »

La relance du secteur culturel.

L’annulation des festivals l’année dernière a laissé des traces. Pour Détonation et le Festival de la Paille, des finances solides permettent de voir l’avenir sans trop de craintes. « On puise dans nos réserves. Heureusement qu’on avait des finances saines depuis quelques années. Mais grâce aux aides de l’Etat, on a limité les dégâts par rapport à ce qu’on avait prévu » confesse Sébastien Piganiol. En revanche pour le No Logo la tenue, du festival cette année est vitale : « On est totalement indépendant. On ne touche aucunes aides de l’Etat ni des collectivités. On a perdu beaucoup d’argent, si on ne fait pas 2021, c’est la mort assurée. »  

Cette fragilité économique entraîne des conséquences pour de nombreux acteurs du secteur culturel. Intermittents du spectacle, artistes, tourneurs, prestataires techniques, bars, restaurateurs et associations sont des victimes collatérales de ces annulations. « Même si on doit faire une édition limitée, à perte au niveau économique, on la fera. On a besoin que la culture reprenne », assure Florent Sanseigne. Malgré toutes les contraintes, l’optimisme reste présent chez les différents organisateurs. « Nous on y croit, la balle est dans le camp des politiques. On sera prêt quoi qu’il arrive, on a de quoi faire une belle année donc il faut y aller », encourage le directeur du festival de la Paille.

Depuis quelques semaines, des concerts tests s’organisent en Europe. Les résultats obtenus notamment à Barcelone montrent qu’aucune personne n’a été contaminée à la suite d’un événement rassemblant plus de 500 personnes. L’expérience devrait être reproduite en France prochainement, de quoi peut être y voir une lueur d’espoir pour la saison 2021 de nos festivals ?

Benjamin CORNUEZ