L'entrée du Fort de Queuleu

Laissé une vingtaine d’années à l’abandon, le Fort de Queuleu connaît un regain de vie en 1970 grâce à l’Association des anciens détenus. Depuis sa création, toutes sortes de dégradations s’acharnent sur le lieu : actes de vandalismes, nature intrusive, vols, … mais cela n’empêche pas l’Amicale des anciens déportés du Fort de Queuleu de redoubler d’efforts pour faire de ce site un lieu de mémoire.

 

Début novembre des tags ont été réalisés sur une partie du Fort. Jean-Pierre Burger, Président de l’Association du fort de Metz-Queuleu pour la mémoire des internés-déportés et la sauvegarde du site, dénonce ces peintures venant saccager un lieu de souffrance et d’histoire. Ce n’est pas tant l’art du graff qu’il remet en question, ni sa beauté. « Ça peut être beau, je suis complètement d’accord mais il y a le lieu où c’est fait et la qualité des graffs ». Il déplore le fait que ces gestes prémédités viennent saccager un site que des centaines de bénévoles s’efforcent de restaurer depuis plusieurs années. Jonathan Jesson, vice-président de l’organisme, déplore également ces tags. « Aujourd’hui il y a des informations partout sur le Fort de Queuleu qui explique la triste histoire de ce site » a-t-il affirmé en constatant les dessins. Les actes de vandalisme sont récurrents comme celui en 2012 où des individus avaient détruits le petit musée créé pour les visites. Des objets avaient également été volés la veille de la commémoration pour la Journée Nationale du souvenir de la déportation et un feu avait été allumé.

Diaporama des derniers actes de vandalisme.

« Nous ce qu’on attend c’est qu’ils viennent sur le lieu, qu’ils viennent nettoyer. Et puis qu’ils manifestent un peu de regret sur ce geste un peu hasardeux » explique Mr Burger.« Et que les choses soient remises en état », ajoute-t-il. Et le Président de l’Association sait de quoi il parle. Cette remise en état du lieu est ce pourquoi il travaille dur. À l’aide de bénévoles, de plus en plus nombreux, le but final est de pouvoir rouvrir complètement le site aux visiteurs et de coller à la perfection avec le Fort d’avant : ne pas changer la réalité c’est ce que souhaite Jean-Pierre Burger et tout ceux qui l’accompagne. Même si toute la volonté du monde est présente entre les murs du Fort de Queuleu, les membres de l’association ne se font pas d’illusions : les collectivités doivent faire quelque chose. Jean-Marc Todeschini, le secrétaire d’État aux anciens combattants, avait clairement condamné ces graffitis et avait demandé aux collectivités locales de trouver une solution durable pour une surveillance plus accrue du terrain. Mais encore trop peu d’avancées sont présentes, et les promesses engagées ne voient pas encore de concrétisation.

Le Fort de Queuleu est devenu la priorité des bénévoles de l’Association depuis plusieurs années. Hormis les intrusions récurrentes, les dégradations sont également d’ordres naturelles : arbres, mousses et déchaussement sont venus recouvrir le lieu.

[toggle title= »En savoir plus sur les bénévoles »]Les bénévoles présents sur place sont très différents les uns des autres ; des retraités venant ici pour remplir leur journée, des jeunes en recherche d’emploi, des hommes et des femmes de la région mais pas seulement, et même des détenus. Venus de la maison d’arrêt de Maurice Bares, ces jeunes en semi-liberté viennent prêter main forte à l’Association tous les jeudis et dimanches dans un but d’intégration à la vie collective. Ils se rassemblent tous sur leur temps libre.

Des géocacheurs se retrouvent également pour aider au maintien du site et à son environnement dans un contexte ludique de chasse au trésor. Christian aka Bucheman, informaticien de métier, nous explique son passe-temps depuis quatre ans.

http://www.geocacheurs.fr/[/toggle]

 

Tout ne peut pas changer du jour au lendemain 

Malheureusement les bénévoles n’ont pas assez de compétences quand il s’agit de fondations ou pour sécuriser les bâtiments. Un maître d’ouvrage est nécessaire à la reconstruction de ces pièces sous les décombres et de nombreux projets de chantiers sont en suspens depuis quelques temps. Comme l’a expliqué Jean-Pierre Burger, des éboulements importants ont eu lieu en 1944 après les bombardements sur le Fort de Queuleu. Une partie des couloirs reliant le poste de garde de l’entrée et la Casemate A est effondré depuis.

Le couloir faisant auparavant le lien entre les postes de garde et la Casemate A s'est effondré en 1944 sous les bombardements. Aujourd'hui rien n'est encore réalisé pour reconstruire la pièce. Crédit photo : Uranie Tosic
Le couloir faisant auparavant le lien entre les postes de garde et la Casemate A s’est effondré en 1944 sous les bombardements. Aujourd’hui rien n’est encore réalisé pour reconstruire la pièce. Crédit photo : Uranie Tosic

A l’intérieur du Fort, la salle sous la butte a été rebouchée pour plus de sécurité. Jean-Pierre Burger a déploré le fait qu’une partie du bâtiment soit encore fermée. Mais sécurité oblige ! les trous formant les latrines font plusieurs mètres de longueurs ce qui peut être très dangereux.

À l'intérieur du Fort de Queuleu, les latrines sont fermées au public pour des raisons de sécurité. Si quelqu'un venait à tomber dedans, il y aurait peu de chance qu'il soit entendu par d'autres personnes. Crédit photo : Uranie Tosic
Les latrines sont fermées au public pour des raisons de sécurité. Si quelqu’un venait à tomber dedans, il y aurait peu de chance qu’il soit entendu par d’autres personnes. Crédit photo : Uranie Tosic

Même scénario à l’extérieur, aux abords des murs : des fosses sont dans le sol, barricadées à la hâte avec des planches de bois pour éviter les accidents. Mais ces mesures sont assez partielles et viennent plutôt cacher les problématiques au lieu de les résoudre. Ces niches peuvent parfois atteindre 20 mètres de profondeur, ce qui justifie que tout ne soit pas encore accessible au public.

Ces fossés sont profonds de plusieurs mètres ce qui est très dangereux. Quelques barricades de fortune y ont été placées pour les bénévoles. Crédit photo : Uranie Tosic
Quelques barricades de fortune sont placées pour une meilleure circulation des bénévoles. Crédit photo : Uranie Tosic

 

Restaurer pour ne pas oublier 

Le Fort de Queuleu, faisant parti de la ceinture de fortification militaire de Metz, est construit en 1868, par les français pour se défendre face aux intentions douteuses de Bismarck. C’est en 1870 lorsque la région est annexée par l’Allemagne, que les Prussiens poursuivent sa construction dans leurs intérêts jusqu’en 1873. A partir d’octobre 1943, le Fort se transforme en camp d’internement nazi pendant le seconde Guerre Mondiale, où tortures, violences et vies brisées s’entremêleront. Mais pourquoi continuer à déblayer, reconstruire, restaurer ce lieu ? « Dans un premier temps pour la mémoire. Et on se rend compte que de plus en plus de visiteurs viennent nous rejoindre pour nous aider le dimanche après-midi » s’enthousiasme Jean-Pierre Burger, Président de l’Amicale des anciens déportés depuis le mois de novembre 2014. Et cela semble logique quand on sait qu’il porte l’histoire du Fort au sein de sa famille. Deux de ses oncles y ont été internés dont le plus connu Jean Burger. Prêtant son nom à plusieurs rues dans la ville de Metz et les alentours, Jean Burger a été le chef du groupe des résistants Mario. Professeur et communiste à l’époque, il rentre dans le mouvement résistant en 1941 pour ensuite entrer dans le camp spécial en octobre 1943 comme beaucoup d’autres. C’est une histoire de famille parmi tant d’autres démontrant encore une fois la nécessité de garder le Fort de Queuleu dans les esprits mosellans.

La vie difficile des détenus.

Après la guerre, se sont les Français qui réquisitionnent le lieu pour y enfermer des « présumés » collaborateurs, des civils et soldats allemands mais également des sans-papiers toutes nationalités confondues. Ces détails ne sont que très peu divulgués  et ceux qui le savent n’ont pas trop envie d’en parler. Il y a encore beaucoup à faire car, malgré le travail acharné des bénévoles, le temps n’a pas épargné le Fort. Pourtant, ce lieu est encore bien vivant. Là où des camions de soldats SS passaient auparavant, le pont du Fort voit circuler aujourd’hui des coureurs et visiteurs. Et pour les plus chanceux, chevreuils et sangliers sont au rendez-vous dans un environnement boisé et en pierre de jaumont.

L’un des artistes contactés n’a pas voulu répondre aux questions que j’ai voulu lui poser afin d’avoir sa perception des événements et ses (re)sentiments sur les graffitis en question.