En 2017, il n’avait recueilli qu’1.2% des voix. Pourtant, Jean Lassalle, député de la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques, se lance dans une nouvelle course à la Présidence de la République. Après avoir posé les bases de son projet dans son livre  « Aurore ou crépuscule – Résistons ! », le député est bien décidé à aller jusqu’au bout en 2022. Entretien.

Vous annonciez dès 2018 votre candidature pour les prochaines élections présidentielles. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Je n’ai pas changé d’avis. Et je ne changerai pas d’avis sur un sujet aussi grave, important et surtout sublime. J’ai quelques soucis de santé depuis l’épisode de ma grève de la faim mais je devrais pouvoir tenir le cap.

Mon projet est de rassembler notre grand et illustre pays qui aujourd’hui ne se connaît plus. Je veux le retaper. Je prépare cette campagne avec ma fidèle équipe qui n’est certes pas pléthorique mais déterminée. Pour enrichir ma candidature, je me sers des débats parlementaires, des problèmes que je rencontre dans mon immense circonscription, de mes déplacements fréquents à travers la France. Je tiens aussi compte de mes lectures, des changements que je ressens dans notre époque.

Je serai de nouveau le candidat de mon mouvement « Résistons ! », mais pas uniquement. Ce mouvement à l’immense mérite de rassembler une France miniature. Les profils y sont multiples. On y retrouve toutes les anciennes sensibilités, de droite et de gauche, qui aujourd’hui ne représentent plus rien. Sa singularité réside dans un point : la moitié de nos militants ne votaient plus, depuis trente ans pour certains.

Vous aviez obtenu 1.2% des suffrages en 2017. Qu’est-ce qui vous fait penser qu’en 2022 vous pourriez aller plus loin ?

Rien. Je candidate toujours passionnément. Je n’ai perdu qu’une élection dans ma vie, les présidentielles. Avant cela, j’en avais gagné une vingtaine.

Il n’est pas possible de se présenter à cette élection sans avoir de convictions, sans avoir un idéal sacré, un cœur qui soit un véritable volcan. Il n’est pas possible non plus de se présenter sans avoir un cerveau aussi froid que la terre si elle n’avait pas connu des millions d’années de réchauffement climatique. Il faut savoir garder les pieds sur terre, mais aussi s’en remettre au panache. Il y a une véritable beauté dans le débat et dans le combat. C’est contribuer à faire vivre la démocratie à une époque où elle est bafouée, vilipendée, abandonnée.

Où en êtes-vous concrètement dans votre campagne ?

En pleine France confinée, nous avons considéré que ce n’était pas une très bonne idée d’enquiquiner les maires avec des histoires de parrainages. D’autant qu’en cette période, ils ne savent déjà plus où donner de la tête.

Néanmoins, comme d’autres candidats ont déjà commencé à aller voir les élus pour obtenir des signatures, nous allons devoir nous y mettre. Obtenir 500 parrainages d’élus est une chose très difficile et il ne faudrait pas laisser passer le train. Mais nous sommes confiants car, sans les avoir sollicités, nous avons déjà reçu quelques soutiens de maires.

Quelles seraient vos premières décisions, si vous étiez élu président ?

C’est assez difficile de le dire. Il reste encore beaucoup de temps avant l’élection. Aujourd’hui notre pays et l’humanité évoluent très rapidement et de manière préoccupante. Nous sommes dans un pays qui ne s’aime plus, un pays qui se fragmente et se recommunautarise.

La seule chance de réussir pour le nouveau président sera de toucher au cœur notre grand peuple. Il faudra lui parler de cœur à cœur – on va sans doute me piquer cette expression – et le convaincre qu’il n’est pas obligé d’être comme un troupeau de mouton dispersé par la foudre. Notre peuple est capable de grandes choses lorsqu’il est à nouveau en phase avec lui-même, avec son histoire, lorsqu’il retrouve la plénitude de son immense talent.

Plus concrètement, ma première décision pourrait bien être le retrait de nos forces militaires de tous les théâtres d’opération dans lesquels elles se trouvent aujourd’hui sans trop savoir ni pourquoi ni comment et surtout pour quel résultat. Avec cela, j’acterai notre sortie immédiate de l’OTAN, qui nous coûte les yeux de la tête. Je souhaiterais aussi relancer notre magnifique diplomatie qui a fait des prodiges tout au long de son histoire.

Quels seront les grands axes de votre candidature ?

Je reprendrai les grands points de ma campagne de 2017. Je veux réactualiser le programme du général de Gaulle. C’est-à-dire une Europe des nations, une France qui ait une grandeur. Il faut redonner une fierté à notre peuple, pas une fierté nationaliste à la con. Mais le sentiment d’appartenir à un pays singulier porté par une langue hors du commun, difficile à apprendre et à utiliser mais porteuse d’espérance.  Il faut que la France retrouve sa capacité à agir. Aujourd’hui elle ne fait que subir.

La France a souvent aidé des voisins à trouver des solutions. Il faut trouver de nouvelles formes de contrats, notamment avec l’Afrique. Je voudrais que la France devienne le premier pays occidental à comprendre et respecter l’Afrique pour ce qu’elle est. Il ne faut pas laisser ce continent à son désarroi entre les mains de dirigeants chinois ou américains qui pillent toutes les ressources humaines et matérielles, celles du sous-sol, celles de la terre. C’est un véritable projet que nous devons construire avec l’Afrique. La France est bien placée pour le faire, elle n’y a pas laissé que de mauvais souvenirs. C’est une très grande source d’espérance. Il faut nouer des amitiés plus sincères avec le monde entier.

Plusieurs fois, vous avez affiché votre soutien au mouvement des gilets jaunes. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les gilets jaunes ne voulaient pas être récupérés par qui que ce soit et j’ai respecté cela. Dès le premier samedi je suis allé les retrouver dans un endroit improbable : sur un rond-point. A première vue, il n’y a rien de plus con qu’un rond-point. Les véhicules y passent à toute vitesse, ça tourne en rond, il y a beaucoup de gaz carboniques. Ce choix d’investir les ronds-points est en réalité un acte symbolique très fort : il exprimait leur volonté de se réapproprier le territoire.

Je ne suis pas un simple soutien des gilets jaunes, je suis beaucoup plus que ça. Je considère qu’ils ont déjà gagné l’histoire de notre pays. Ils sont le dernier fait révolutionnaire en date. Ils nous ont plus enseigné sur les disparités, les inégalités, l’injustice qui avaient cours dans notre pays que n’ont pu le faire les politiciens en trente ans. Pour tout cela, les gilets jaunes font déjà partie de notre histoire mais ils ne sont pas morts pour autant.

Je suis le seul, dans des circonstances difficiles, à avoir revêtu un gilet jaune à l’assemblée nationale, alors que 80% des français soutenaient le mouvement. J’ai obtenu une suspension de séance mais aussi des mots violents et une amende.

Porterez-vous leurs revendications durant la course à la présidence ?

Avant le RIC, j’instituerai la reconnaissance du vote blanc. C’est ce dont le peuple a besoin pour se faire entendre. Trois présidents ont voulu le faire mais aucun ne l’a fait : Chirac, Sarkozy et Mitterrand. Macron n’en a même pas parlé. Si on reconnaissait le vote blanc, le prochain vainqueur aux présidentielles serait « Monsieur Blanc ». Des cohortes de Français qui ne votaient plus pourraient aller voter pour dire « je ne me reconnais dans aucun programme qui m’est présenté ». Il faudrait alors tout remettre sur la table.

Pour autant, je suis favorable au RIC depuis le départ. Mais il est bien plus facile d’instaurer la reconnaissance du vote blanc, cela peut être fait très vite.

Mais plus que tout cela, je pense que la priorité des gilets jaunes est de retrouver le chemin d’une certaine forme de vérité. Cela fait 30 ans que le pouvoir ment et fait l’inverse de ce qu’il promet. Il faut que tout cela cesse. Il faut mettre cartes sur table.

Que proposez-vous pour traiter les problématiques auxquelles les jeunes doivent faire face en France ?

Il faut parler aux jeunes, c’est une de mes grandes priorités, ce sont les grands oubliés de notre époque. Je propose aux étudiants de nous mettre immédiatement au travail ensemble. J’ai besoin de m’imprégner de leurs problématiques que je ne connais pas dans leur entièreté. Je ne connais pas aujourd’hui l’aspiration profonde des jeunes.

Mais je sais que beaucoup d’entre eux m’apprécient et m’invitent. J’ai fait les amphithéâtres des plus grandes écoles de France, et même d’Europe. J’ai besoin d’aller à la rencontre de la jeunesse et de l’écouter. Ma génération n’en a plus que pour quelques années. Demain c’est eux qui seront aux manettes.

Mon seul objectif est donc la transmission d’un certain nombre de savoirs, peut-être de valeurs aussi. Il faut comprendre une jeunesse qui est très différente de la nôtre. La nôtre était très politisée. La jeunesse aujourd’hui se méfie beaucoup de la politique. Elle ne porte pas en très grande estime les hommes politiques et préfère l’action. Elle aspire à rencontrer l’autre et à voyager quand elle le peut.

De nos jours les grands diplômés Français sont obligés de partir à l’étranger. Je veux qu’on les garde et je veux qu’on puisse attirer toutes les jeunesses du monde. La hausse des frais universitaires pour les étudiants étrangers était une connerie, une insulte à l’intelligence et à l’espoir.

Comment jugez-vous la manière dont le gouvernement a géré la crise sanitaire ? Une telle catastrophe humaine et économique était-elle évitable ?

Si on regarde la crise en elle-même, l’effet de sidération, je ne sais pas qui aurait mieux fait dans ce contexte que le président actuel. Tous les pays du monde ont connu des difficultés pourtant les gouvernements étaient tous très différents.

Mais comment a-t-on pu se laisser surprendre à ce point ?  Il n’est pas normal qu’on n’ait pas eu d’autres solutions face à ce fléau que de recourir aux mêmes armes que face à la grippe espagnole il y a 80 ans. Le problème est d’avoir suspendu l’effort de recherche depuis les années 70, nous qui étions le pays le plus avant-gardiste du monde. C’est la recherche qui fait progresser l’Homme, qui le transcende.

Dans d’autres domaines, c’est la même chose. Il n’y a pas eu suffisamment de recherche sur les énergies renouvelables car il y avait une volonté de continuer à profiter du pétrole, des ventes d’armes… A cause de cela, la France s’est retrouvée complétement démunie face à la pandémie. J’ai marché, j’ai chanté, j’ai fait la grève de la faim pour dire tout ça mais je ne suis pas arrivé à me faire entendre.

Et puis, la communication gouvernementale tourne au bourrage de crâne, il n’y a plus de débat. Si vous ne partagez pas le même sentiment que les personnes habilitées à dire la « vérité », vous êtes tout de suite considéré comme un complotiste. Si j’avais été président, j’aurais essayé de parler de notre malheur avec plus d’empathie, plus d’humanité et sans ce côté martial.

Vos interventions dans la presse se font rares…

Je considère que ce n’est pas un très bon indicateur de la santé de notre démocratie lorsqu’une pensée unique s’impose. Je n’adhère pas à cette pensée et je n’ai donc plus accès à aucune radio, aucun plateau de télévision. Je les connais pourtant toutes.  J’ai fait les plus grandes émissions. Je suis maintenant obligé de faire une croix sur Le Monde, Le Figaro, Libération, L’Obs…

Les journaux commencent à commander des sondages et je ne suis apparu que sur l’un d’entre eux, celui du JDD. Je leur suis très reconnaissant même si je suis sans doute apparu sur ce sondage par mégarde.

Propos recueillis par Yann MOUGEOT