Rencontrer Vanessa Leiritz et Alexandre Gibert, fondateurs du Soundtastic Studio et de l’Imagerie, c’est plonger au cœur du doublage et de la post-production audiovisuelle. Ils racontent leur parcours et livrent leur vision face à l’évolution de l’intelligence artificielle, perçue comme une menace grandissante pour leur métier.

Fondateurs du Soundtastic Studio et de l’Imagerie, Vanessa Leiritz et Alexandre Gibert font partie des visages incontournables du doublage et de la post-production audiovisuelle au Luxembourg. 

Leur parcours témoigne d’une passion de longue date : Vanessa découvre le doublage par hasard après des études en langues à Metz, tandis qu’Alexandre baigne dans ce milieu depuis l’enfance par le biais de ses parents. 

Ensemble, ils ont développé un studio reconnu pour la qualité de son travail, sa rigueur et ses relations dans le milieu, avec des projets emblématiques en post-production et en doublage pour Netflix ou l’anime à succès Your Name.

Entre technicité et passion

La post-production, expliquent-ils, couvre toutes les étapes après le tournage : étalonnage, montage son, sound design et réenregistrements. Le doublage exige également beaucoup de technique : incarner un personnage uniquement par la voix, synchroniser la parole avec l’image, adapter le ton selon les différences culturelles et respecter les intentions du réalisateur. 

Vanessa souligne l’énergie nécessaire et le professionnalisme que cela demande : “Être comédien de doublage ça ne n’improvise pas, il faut pouvoir s’oublier pour se projeter dans le personnage qui est à l’écran et par sa voix, faire passer tout son être pour incarner au mieux ce personnage. Il faut aussi faire résonner sa voix au bon moment en se fiant à la rythmo qui s’affiche à l’écran. Synchroniser sa voix avec l’image en action, c’est pas évident pour tout le monde. C’est un exercice qui demande de l’entraînement.”, dit-elle avec passion. 

Elle insiste sur ce point en constatant que beaucoup de personnes pensent qu’être comédien de doublage se résume à “s’amuser devant un micro”

“Je ne conseillerai pas à quelqu’un d’essayer de faire carrière dans le doublage malheureusement”

Face aux avancées de l’IA, le couple exprime ses inquiétudes. Si cette technologie permet de gagner du temps et de réduire les coûts, elle ne remplace pas la créativité ni la finesse humaine : “Le domaine artistique c’est tout de même l’apanage de l’humain. Enlever cette humanité pour de l’IA serait triste. Il y a des métiers où son usage peut être intéressant parce que cela soulage l’humain. Mais artistiquement l’IA propose de le remplacer, c’est beaucoup plus grave”, explique-t-elle. 

Certains protagonistes, comme Amazon, remplacent déjà des doublages par des voix artificielles, et la qualité de l’IA actuelle suffit pour certains contenus destinés aux enfants. Vanessa et Alexandre ont d’ailleurs signé la pétition “Touche pas à ma VF” pour défendre le doublage humain. 

Selon eux, sans régulation, la machine finira par remplacer totalement l’humain, même si le lien entre le public et les comédiens de doublage reste intact, comme on peut le constater lors de conventions pop-culture.

Pourquoi a-t-on recours à l’IA au cinéma ? 

Dans le domaine de la post-production, l’IA est également très / trop utilisée. Alexandre Gibert explique que les producteurs de film ont recours à l’IA pour avoir des résultats plus rapides et moins coûteux. 

Deux notions très importantes dans un monde où “tout doit être produit très vite” : “De nos jours les sorties sont plus rapprochées, donc tout doit aller très vite. C’est-à-dire que lorsqu’un distributeur achète un film, les droits du film pour le distribuer en France ou en Europe doivent très vite être rentabilisés. Le distributeur souhaite donc un retour sur investissement très rapide. Alors entre le moment où le distributeur a acheté les droits et la sortie cinéma, il y a un temps qui représente notre temps de travail.”, complète-t-il. 

Pour ce couple, la présence de l’IA dans le domaine artistique est une menace pour l’humain et sa fibre créative. Malgré ce constat, Alexandre Gibert et Vanessa Leiritz ne perdent rien de leur passion. Ils continuent de réaliser des productions locales, nationales et internationales tout en prouvant que la sensibilité humaine est irremplaçable. Bien que nous soyons dans un monde où les métiers sont robotisés, les voix et les cœurs derrière chaque production doivent continuer de transmettre des émotions et de créer du lien.