Phénomène peu connu, les îlots de chaleur se multiplient dans les villes. Conséquence de l’urbanisation, ils contribuent fortement à l’augmentation des températures en milieu citadin. Nassima Hassani doctorante en géographie à l’université de Lorraine, explique en quoi la capitale mosellane pourrait dans un futur proche avoir un climat similaire à la ville marocaine.

Place Mazelle à Metz, les capteurs vissés sur le mât du vélo de Nassima Hassani indiquent une température dans la norme. Mais dès le premier coup de pédale qui éloigne la chercheuse de cette esplanade végétalisée, le détecteur s’enflamme et signale une augmentation de la température. Nassima vient de rentrer dans un îlot de chaleur urbain (ICU). De retour au laboratoire, la doctorante compare, analyse et interprète les résultats. La température se réchauffe, « d’ici 2070, le climat de Casablanca de Metz pourrait ressembler à celui de Casablanca » s’inquiète la chercheuse. La raison ? Le réchauffement climatique, caractérisé par la montée des températures du Sud au Nord de la France. Selon une étude de Météo France sur les normales de saison, entre 1990 et 2020, Strasbourg a adopté les normales de Lyon en vigueur entre 1961 et 1990. Un réchauffement global lié, notamment aux îlots de chaleur localisés en milieu urbain et rural. Les îlots de chaleur urbain, un phénomène citadin.

Comprendre le phénomène d’îlot de chaleur urbain

Le phénomène d’îlot de chaleur se traduit par l’emprisonnement de la chaleur dans une zone définie. Particulièrement présent en ville, il se multiplie à la même vitesse que l’urbanisation grandissante en France. Si les villes sont plus touchées, c’est à cause de la bétonisation et le manque de circulation du vent dans les rues. La journée, la chaleur est emprisonnée par les murs des bâtiments ainsi que par les sols. La nuit, la chaleur est libérée, un phénomène amplifié lors des périodes de canicule.

Grâce à des capteurs, les chercheurs relèvent les températures dans plusieurs zones d’une région définie en amont. Une fois les données récoltées, des cartes sont réalisées pour mieux visualiser le phénomène. Les projections du laboratoire de géographie montrent la différence de température entre le centre-ville et la périphérie messine. “A Metz la température entre la ville et la campagne oscille entre 3 et 4 degrés et lors de la canicule de 2019 l’écart a atteint jusqu’à 7 degrés, présente-t-elle. Dans une grande ville comme Paris, l’écart de température avec la périphérie peut aller jusqu’à 10 degrés », complète la chercheuse.

Interpolation spatiale (méthode RBF) de l’ICUmax (écarts maximaux entre les températures minimales relevées par les stations REMTHAM et la station Metz Frescaty de Météo France pendant les épisodes caniculaires de juin et de juillet 2019).

Un problème sanitaire

Si les îlots de chaleur ont une incidence sur l’aménagement des espaces ainsi que sur l’environnement urbain, en période de canicule, ils montrent aussi les disparités entre les logements. Dans un immeuble situé dans un îlot de chaleur, les habitants souffrent plus des températures, notamment en période de canicule. Les études sur les ICU montrent que certains publics devraient éviter les zones touchées par ce phénomène. La multiplication des îlots de chaleur pourrait donc conduire à une augmentation des problèmes sanitaires liés aux fortes chaleurs.

Casablanca un avant goût de Metz ?

A Casablanca, métropole de 3,36 millions d’habitants, où la densité de population est forte, les îlots de chaleur se trouvent, eux, en périphérie de la ville, dans les campagnes. « Fin juillet, début août, les moissons sont faites, les végétaux sont absents de la campagne, explique Nassima Hassani. La ville est en effet plus fraîche car elle est exposée à la brise marine et est pourvue de végétation”, ajoute-t-elle.

Température de surface du grand Casablanca entre 1984 et 2019.

Sur le territoire de Metz Métropole, l’état des lieux est un peu différent, les îlots se regroupent dans les zones urbaines du centre-ville et dans les zones industrielles. Deux zones définies où les facteurs d’augmentation de la température sont diverses. « Dans les zones industrielles de Metz (ndlr:  le Parc Technopôle, la zone d’Augny, la zone de la Maxe et Woippy), les îlots sont présents pendant la journée. Les grands parkings et bâtiments industriels en matériaux métalliques captent la chaleur tout au long de la journée, mais une fois la nuit tombée, la chaleur se dissipe rapidement, contrairement au centre-ville. Dans cette zone, l’îlot de chaleur est visible le soir quand le sol restitue la chaleur du jour”, détaille la chercheuse.

Des ICU ont toutefois été évités dans la ville de Metz. C’est le cas de la place Mazelle. La ville y a planté des arbres et arbustes et a adopté un revêtement de sol plus clair et plus poreux pour accueillir les eaux pluviales et restituer les rayons du soleil.

Les réponses face à cette multiplication

Éclairées par le travail du centre de recherche en géographie (Loterr), la commune et l’Eurométropole de Metz se disent conscients du problème d’îlot de chaleur dans la ville. Interrogé le 27 septembre, le maire de Metz, François Grosdidier (LR) a rappelé que la ville veut multiplier par dix la plantation d’arbres. La revégétalisation a une incidence directe sur la température du centre-ville.  

Une autre mesure prise par la collectivité est la désimperméabilisation des sols. Cela consiste à rendre les revêtements plus poreux pour qu’ils laissent passer l’eau. Cette technique permet un meilleur écoulement de la pluie et réduit la chaleur produite par les sols. Un exemple de réussite face aux îlots de chaleur est la Place Mazelle à Metz. Le réaménagement de cette place a permis une baisse significative de la température. Cependant, l’efficacité pour la ville est minime, dès que l’on s’éloigne de cette zone, les capteurs de température remontent aussitôt.

La chercheuse est claire “pour stopper l’effet des îlots de chaleur, il ne faudrait plus bétonner ». Bien sûr, une telle mesure n’est pas envisageable, un moyen de réduire l’impact de l’urbanisation sur les ICU est de réfléchir à une nouvelle façon de construire avec des matériaux plus innovants pour les bâtiments mais aussi les sols.