Ce 30 septembre, lors du colloque « Télévision, information et numérique. Pratiques et publics » organisé par l’université de Lorraine, la doctorante au Carism Gulnara Zakharova a présenté ses travaux sur l’étude des publics de la chaîne RT France. Elle observe une mobilisation importante du public de la chaîne, malgré l’arrêt de diffusion suite à son interdiction dans l’Union européenne.

9h45. Gulnara Zakharova prend la parole dans la salle Ferrari. Ces derniers mois, cette doctorante au Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias (Carism) a interrogé des lecteurs militants de RT France qui ont signé la pétition contre sa fermeture. Des travaux menés dans le cadre de sa thèse qui porte sur les publics de la chaîne après son interdiction dans l’Union européenne.

RT France est une chaîne d’information en continu faisant partie du holding international RT financé par l’État russe. Elle commence à diffuser en décembre 2017, mais son site web est opérationnel depuis 2014. Considérée comme un outil de la diplomatie publique russe, la chaîne rencontre des critiques depuis son lancement. Le président de la République, Emmanuel Macron, l’a qualifiée « d’organe d’influence et de propagande mensongère », en présence de son homologue Vladimir Poutine lors d’une conférence de presse à Versailles en 2017.

Le 2 février dernier, l’Allemagne a interdit la diffusion de la chaîne suite à l’invasion russe en Ukraine. La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a élargi cette mesure au niveau européen le 28 février sur Facebook et Instagram. Cette interdiction touche la France et s’est étendue à Youtube, Telegram ainsi qu’au site internet de la chaîne. « Depuis l’arrêt de la diffusion en France, les publics se transforment en publics militants », constate Gulnara Zakharova.

Deux types de public

« Au sein de ces publics militants, j’ai distingué deux catégories différentes. La première est constituée de ceux qui soutiennent RT « pour la liberté d’expression », sans être pro-russes. La deuxième soutient ouvertement la Russie pour qui la marginalisation russe par l’Occident fait écho à leur propre marginalisation dans la société », indique la chercheuse. 

Se mettent en place différentes actions militantes des publics de RT France. Ceux qui vivent en dehors de l’Union européenne partagent les articles de la chaîne Telegram pour que les autres continuent de suivre les contenus. Certains lancent des pétitions, d’autres appellent au boycott collectif en ligne du média France 24. « La chaîne devient un symbole de résistance pour ces publics qui se considèrent comme marginalisés, précise Gulnara Zakharova. Pour eux, il s’agissait d’une plateforme où ils pouvaient trouver des personnes qui partageaient les mêmes opinions, valeurs. Selon des commentaires que j’ai pu étudier sur Youtube, RT est vue comme un îlot de liberté ».

Une porte de sortie

Certains consommateurs contournent la sanction européenne en utilisant des réseaux privés virtuels ou VPN. Cette stratégie leur permet d’avoir accès à la chaîne. Et cette dernière compte bien se défendre. Depuis le 10 août, la diffusion en direct reprend sur Odysee, plateforme de diffusion de vidéos où la chaîne n’est pas censurée. Selon Le Monde, RT France cherche des nouvelles opportunités en ciblant notamment l’Afrique. « Le 15 septembre, la présidente et directrice d’information de la chaîne, Xenia Fedorova, a annoncé sur Telegram que la chaîne a commencé la diffusion au Cameroun, ajoutant que les audiences sur ce continent dépassent 36,5 millions de téléspectateurs », souligne la doctorante.

Marie Vin et Aurélie Cordonnier ont interrogé la doctorante lors du colloque « Télévision, information et numérique. Pratiques et publics »