Le 15 décembre 2021, Sami Sediki est assassiné à Maizières-lès-Metz devant son immeuble. Deux suspects sont interpellés un an plus tard, ainsi qu’un troisième homme, poursuivi pour un délit connexe. Le procès se tient cette semaine, du 7 au 10 octobre devant la Cour d’assises de la Moselle, à Metz. Mais ce premier jour d’audience a obscurci davantage l’enquête.

Neuf heures du matin, rue Haute Pierre à Metz, trois femmes et un homme pénètrent dans la salle d’audience et s’installent sur les bancs de la partie civile. Ces nouveaux arrivants arborent chacun.e un t-shirt blanc floqué du visage d’un homme, la vingtaine, cheveux rasés. Le portrait souriant est celui de la victime, Sami Sediki, figé sur les vêtements de ses sœurs et de ses parents. Le mercredi 15 décembre 2021, Sami Sediki est abattu devant chez lui, route de Thionville à Maizières-lès-Metz.

Dans la salle d’audience, face à sa famille, la cage de verre des accusés est encore vide, quand débarquent menottés deux jeunes hommes, la vingtaine. Sur le banc des accusés, les styles vestimentaires dissonent. Alexis Goby, cheveux plaqués, est vêtu d’une chemise et d’un pantalon droit, son acolyte, Julien Adam, coupe mi-longue, porte quant à lui une veste de jogging. À leur vue, l’une des femmes explose en sanglot, elle est raccompagnée dans le couloir par les deux autres. La douleur provoquée par la mort de Sami Sediki est encore vive pour sa famille.

L’enquête a duré un an avant que la gendarmerie ne parvienne à remonter jusqu’aux auteurs présumés des faits. Concernant le mobile du crime, le dossier judiciaire fait état d’un règlement de compte, en lien avec un trafic de stupéfiants. Les proches de la victime en doutent. Les quatre ans qui séparent le procès du meurtre n’ont pas permis de lever le voile sur toute l’affaire et ce premier jour d’audience a encore davantage brouillé les pistes.

Un portrait peu flatteur de la victime

Célibataire au moment des faits, Sami Sediki s’était installé en Moselle sept ans au paravent pour suivre son ex-femme. Il exerçait depuis plus de quatre ans le métier de chauffeur de taxi. Les membres de l’association des chauffeurs indépendants, dont il faisait partie, décrivent sa conduite comme « rapide et pas toujours en adéquation avec le code de la route », relate la présidente de la cour d’assises. Certains ont fait allusion à une activité de revente de cartouches de cigarettes avant 2020, mais aucun indice n’a suggéré un lien entre Sami et le narcotrafic. La piste n’est même pas envisagée au début de l’enquête. Les gendarmes interrogent familles et ami.es du défunt. L’adjudante en cheffe chargée de l’enquête de gendarmerie cite témoins qui le décrivent comme quelqu’un de « gentil, serviable et travailleur ». Mais un autre discours est tenu par les femmes qu’il courtise à distance. Certaines de ses relations interrogées auraient rapporté des « échanges parfois violents et insultants ».

La gendarme enchaîne ensuite sur la perquisition du domicile et la fouille du garage de la victime qui a permis « la découverte d’une veille tête d’herbe de cannabis. » A la suite du témoignage de l’adjudante-cheffe, l’un des avocats de la partie civile, Maître Benjamin Ribot s’agace. « Mis à part les déclarations de Goby aucun élément n’évoque un trafic de drogues. Matériellement, il n’y a rien. » L’adjudante lui concède, « si on avait supposé un trafic dès le début, on aurait orienté notre enquête différemment. »

D’une Golf Volkswagen aux deux trafiquants

L’enquête a duré un an avant de parvenir aux deux principaux suspects, Alexis Goby et Julien Adam. L’analyse des vidéos des caméras de surveillance de la route de Thionville a permis l’arrestation des deux principaux suspects, le 14 décembre 2022, soit un an après l’assassinat du chauffeur.

Les témoins de Maizières ont entendu des coups de feu vers 22h30. Or, durant la soirée, les caméras enregistrent 19 passages d’une voiture Golf dans la rue de la victime avant de réapparaître sur les caméras de l’entrée de l’autoroute direction Talange. Le véhicule a fait l’objet d’une déclaration de vols, dix jours au paravent en même temps que deux téléphones. La gendarmerie parvient à retracer la vente des téléphones et trouve ainsi le receleur présumé et Alexis Goby. Le premier est exclusivement mis en examen pour recel et vols. Alexis Goby, lui, lors de son interrogatoire, reconnaît avoir participé aux faits avec un certain Julien Adam.

Alexis Goby est né à Metz en 1996, Julien Adam en 1997. Le premier travaille comme préparateur de commande, le second travaille dans une entreprise de réparation de parebrises à Thionville. Alexis Goby explique à la gendarmerie avoir été interpellé en 2019 avec son acolyte, Julien Adam, alors qu’ils revenaient des Pays-Bas, chargés de stupéfiants. Les substances lui sont retirées. Il raconte alors que Sami Sediki, impliqué dans le trafic et se sentant lésé par leur arrestation, lui aurait réclamer la somme de 18 000 euros alors que la valeur de la quantité de stupéfiants saisis lors de l’interpellation est estimée à 68 000 euros. Les deux amis expliquent s’être coordonnés pour intimider Sediki, une intimidation qui a tourné au drame.

Des douilles différentes, mais un seul tireur

Sur la scène de crime, les techniciens découvrent des étuis de deux calibres différents, un 6.35 et un 22 LR. Le premier correspond à une arme de poing, le second à un genre de carabine. Seul un homme est vu sortant de la voiture sur les caméras et par les témoins, son visage n’est pas reconnaissable. Néanmoins, l’une des vidéos analysées, montre qu’une personne conduisait toujours la Golf. Pour la juge d’instruction, une seule personne est sortie du véhicule, le conducteur ne peut pas être celui qui a tiré. Si les deux hommes ont partagé la même voiture ce soir du 15 décembre, un seul a tiré, mais lequel ? À ce jeux, Adam et Goby se renvoient la responsabilité. 

La déposition de Goby devant la juge d’instruction semble être le plus plausible. Il est le seul à évoquer l’impact de balle dans la portière arrière gauche de la voiture volée. Elle aurait été tirée par inadvertance par Adam. Ce dernier, habitant à Nancy, est aussi celui qui est susceptible de moins connaître Maizières et donc d’être passager.

Au début du deuxième jour d’audience, les avocats de la défense ont cherché à remettre en question la préméditation des faits. Après avoir brûlé la voiture au bout d’un chemin à Metz, Alexis Goby a déposé avec son véhicule de fonction son acolyte à la gare. Il s’est arrêté à une station essence pour faire le plein comme en témoigne son relevé bancaire. L’organisation était chaotique. Le meurtre a eu lieu dans une rue passante, à 400 mètres d’une gendarmerie. Pourtant, les deux suspects ont effectué des allers et retours devant le domicile de la victime les deux jours précédents le meurtre en témoignent les images de vidéo-surveillance.

Le flou des circonstances n’a pas davantage joué en leur faveur. Les plaidoiries et les réquisitions ont eu lieu ce vendredi 10 octobre 2025. Le juge d’instruction soupçonnait Adam d’être l’auteur des tirs et l’accusé d’assassinat. Goby, quant à lui, était considéré comme le chauffeur de la Golf et donc accusé de complicité d’assassinat.

Or ce vendredi, l’avocat de Goby a estimé que son client s’était rendu coupable de participation à un groupement en vue de commettre un délit en l’espèce des violences en réunion avec usage d’une arme. Si sa plaidoirie avait convaincu les jurés, Goby aurait pu recevoir une peine de 5 ans d’emprisonnement, il aurait été jugé coupable d’un délit et non d’un crime. Le ministère public s’y est opposé, estimant que Goby n’était ni responsable d’un délit ni complice d’un crime mais co-auteur de l’assassinat. Pour cela, il a requis la même peine de 30 ans de réclusion criminelle à leur encontre. Finalement, Goby et Adam ont été tous deux condamnés par la cour d’assises à 28 ans de réclusion criminelle.