En 2016, l’air de la ville de Florange était le plus pollué de France avec un taux record de benzo(a)pyrène. Six ans après, ces particules cancérigènes ont quasiment disparu. 

Dans un article publié par 20 minutes en mars 2018, Florange, petite ville d’environ 12 000 habitants en Moselle, fait parler d’elle pour son record national de pollution atmosphérique. Selon le bilan de la qualité de l’air annuel du Ministère de la transition écologique et solidaire, la commune possédait en 2016 la plus forte concentration de France de benzo[a]pyrène (BaP), un polluant cancérigène. 

Un record loin d’être une surprise pour cette ville au cœur de la vallée de la Fensch, un bassin industriel connu pour son activité sidérurgique, symbolisée par les deux hauts fourneaux du groupe ArcelorMittal. Jusqu’en 2011, c’est au sein de ces géants de métal que se déroulait la transformation du minerai de fer en fonte liquide. Un procédé réalisé grâce à la combustion du coke, lui-même produit dans les fours de charbon de la cokerie de Serémange. Et ce, jusqu’à sa fermeture en mai 2020. À la frontière avec Florange, c’est depuis cette dernière que s’échappaient des particules de benzo(a)pyrène libérées par la combustion. Alors, depuis deux ans, Florange retrouve de l’air.

Un seuil limite dépassé six fois en sept ans 

Classé comme agent cancérigène pour l’homme (groupe 1) par le Centre International de Recherche sur le Cancer, le seuil annuel limite du BaP est fixé à 1 ng/m3. Au-delà, les dangers sont multiples : allergies cutanées, infertilité, anomalies génétiques et cancers.

En 2016, la moyenne annuelle de BaP à Florange était d’environ 2,2 ng/m3 d’après les chiffres d’Atmo Grand Est, l’organisme d’intérêt général référent de l’air. Si ce chiffre faisait figure de record national, cette mesure n’est pas pour autant le taux le plus élevé jamais enregistré à Florange, loin de là. Entre 2009 et 2015, cette mesure a été dépassée quatre fois (2009, 2012, 2014 et 2015).

Source : Atmo Grand Est

Le nuage noir de la cokerie

D’après les données d’Atmo, l’origine des émissions polluantes en BaP dans la vallée du Fensch est en majorité due à l’industrie et à l’énergie. En 2019, ces deux secteurs représentaient environ 60% des émissions. À environ un kilomètre à vol d’oiseau de la station de mesure de Bétange, la station référence pour Florange, la cokerie de Serémange-Erzange était l’un des principaux émetteurs de BaP identifiés. 

Source Atmo Grand Est

À cause de ce site, ArcelorMittal a notamment reçu un courrier de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi en octobre 2018. Le motif : les dangers auxquels s’exposent les ouvriers de la cokerie confrontés au BaP. 

Un mois plus tard, la préfecture de Moselle a également adressé une mise en demeure au groupe sidérurgique de respecter des dispositifs de mesures des émissions polluantes de la cokerie. Un site autour duquel est constatée « une situation environnementale dégradée, due à des teneurs en benzène et en HAP, tracés par le benzo(a)pyrène. »

ArcelorMittal se met au vert, le benzo(a)pyrène disparaît

Motivé par la chute de ses besoins en coke, avec en point de mire la neutralité carbone en 2050, ArcelorMittal choisit de fermer le site en 2020. Un clap de fin après de multiples tentatives échouées de réduction de l’impact de la cokerie. « Plusieurs millions d’euros avaient été consacrés à des travaux, » se défend le sidérurgiste franco-indien. Mais ni « la mise en place d’une nouvelle colonne de débenzolage » ,ni « la captation des évents », pas plus que « la mise en place de nouvelles portes de four » n’avaient ramené la concentration de benzo(a)prypène en dessous du seuil limite. 

Seul l’arrêt des activités en mai 2020 a permis à Florange de reprendre son souffle. En 2021, pour la première fois depuis 2009, aucun site de mesure en Moselle ne dépasse la valeur cible annuelle en benzo(a)pyrène de 1 ng/m3. Selon les derniers rapports d’Atmo, la moyenne annuelle à Florange a diminué de 94 % par rapport à 2019 « suite à l’arrêt en 2020 de l’activité industrielle émettrice ».

Si la question de l’air semble réglée, la vallée de la Fensch porte encore de nombreux stigmates de son passé industriel. Les défenseurs de l’environnement, dont Marie-Thérèse Mantellini, alertent notamment sur « les crassiers, anciens et nouveaux, qui n’ont pas été pris en charge par les industriels ». La militante dénonçait déjà la pollution de la Fensch sur la commune voisine de Hayange, en septembre dernier. La mairie, qui n’a pas souhaité s’exprimer, a encore du pain sur la planche.

Elias Muhlstein, Morgan Kervestin