Depuis le samedi 7 et jusqu’au 21 octobre, la 50e édition du festival de jazz Nancy Jazz Pulsations a lieu. Les mélodies de ce genre sud-américain se propagent du parc de la Pépinière en passant par la salle Poirel, la manufacture, l’opéra et jusqu’à L’autre Canal. L’association Nancy Jazz Pulsation a une quête à réaliser : rendre le jazz accessible à un public large et diversifié.

Tout commence en 1973, dans le grenier du petit village de Xirocourt en Meurthe et Moselle. Une poignée de nancéiens, dont des étudiants créé le NJP. Parmi eux, le journaliste Xavier Brocker, Gilles Mutel, le premier président du collectif et Claude-Jean Antoine, l’actuel président. Dès ses débuts, le NJP était le précurseur de l’Education artistique et culturelle (EAC). Cette initiative a pour mission d’encourager la participation à tous les enfants et les jeunes à la vie artistique et culturelle. Et cela grâce à la connaissance d’œuvres, de rencontres avec des artistes et des professionnels de la culture.

Des ondes de jazz propulsées par le NJP vers le public de 1973… jusqu’en 2023

« Travailler dans la musique est un art qui se partage ». Un sentiment déjà existant dans l’esprit de Thibaud Rolland quand il jouait « du saxophone au conservatoire », de Reims, dès la classe de CP. Depuis 2019, le directeur-programmateur du NJP est habité par la création « d’un festival pluridisciplinaire, de toucher pleins de sorte de publics différents, de toutes les catégories socio-professionnelle, de tous les âges ». Pour séduire un large public de tout âge, les programmations sont adaptées. En 2022, le collectif met en place Nancy Jazz Up Europe. Une nouvelle vague de jazz qui émerge depuis quelques années de l’Angleterre et qui mêle ce genre à du hip-hop, de l’électro, du rock. Certains soirs sont consacrés à des programmations rap. « Le but, c’est que les gens comment à écouter du jazz dans les salles de concert et se disent : ah, il est cool ce concert électro mais c’est du jazz. C’est ça le jazz ? C’est cool le jazz je vais commencer à en écouter ! », explique Thibaud Rolland.

Mais alors, est-ce que le public a réussi à accéder à ces ondes jazzistiques ? La programmation de jazz a déjà des échos positifs auprès de certains. «  Ce soir, c’est une bonne programmation. Il  y a eu du rap vendredi j’ai pris des places pour ma fille. Il y en a pour tous les styles. C’est un endroit familial, c’est petit, restreint. C’est sympa d’avoir le côté payant mais aussi gratuit des concerts. Par exemple, demain y a le concert en accès libre « La pep en fête » », raconte Fabrice, venu d’Epinal. Celui-ci s’était déjà rendu à l’événement l’an passé.

Laurent, Isabelle, Martine viennent de Nancy. La première fois qu’ils se sont rendus au NJP, c’était en 1975. « Il y a des choses qui se sont améliorées depuis, comme l’accueil, l’organisation, la programmation. On a vu de belles choses et il faut que ça continue.  On y retrouve notre compte chaque année » !

Antoine et Céline sont musiciens. Il vient de Nancy et elle de Paris. « Est-ce que la programmation a évolué ? J’en suis pas certain. Il y en a qui disent que le NJP ce n’est plus du jazz car des artistes d’autres genres musicaux viennent. C’est un peu un regard condescendant, reac’. Moi je me dis que c’est  tant mieux, si on n’avait pas prévu de voir des artistes mais qu’ils nous nous ont séduit », affirme Antoine. 

Mais pour qu’il soit totalement imprégné de jazz, le collectif NJP immerge son public 50 ans en arrière à travers l’exposition « Let’s play 50 ans de Nancy Jazz Pulsations » à la salle Poirel de Nancy. Elle retrace l’histoire de l’événement, depuis ses origines jusqu’en 2023. À peine entré dans la première salle, le public a la possibilité de monter à bord du bus iconique de Nancy Jazz Poursuite, qui est reconstitué. D’une pièce à l’autre, les tons de lumières varient allant du très sombre au très vif. Photographies, vidéos de l’Institut National de l’Audiovisuel  et sons d’archives, l’exposition travaille à faire voyager les curieux visiteurs dans l’univers d’un festival de jazz des années 1970.

« On n’imagine pas qu’il y a cinq ans, c’était un tout autre univers. Il y a beaucoup de mises en situations [pour les visiteurs]. C’est chouette à découvrir », affirment Cindy et Pierre, des habitués du NJP, qui vivent à côté de Nancy.

« Ce que j’ai retenu de l’exposition ? Je ne savais pas qu’autant d’artistes étaient venus au NJP. Je ne savais pas que le NJP avait lieu dans toutes les rues de Nancy, que c’était aussi important comme mouvement », affirme Sam, étudiant en première année d’art à l’ANSAD de Nancy.

Des difficultés subsistent malgré tout pour rendre le jazz plus accessible au public

Des difficultés à rendre le jazz accessible à un public diversifié subsistent encore. « On sait qu’il y a des barrières psychologiques, même pour les nancéiens. Si les places sont moins chères que dans des salles de concert, ça reste 35 euros en prévente. L’artiste TFN vaut 60 euros, tout seul au zénith», affirme Thibaud Rolland.

Un sentiment partagé du côté du public. Marie Christine travaille à l’Université de Lorraine à Metz  et vit à côté de Nancy. Elle vient ici depuis une dizaine d’années. «  En cinq ans, le festival a vachement évolué Mais côté prix, c’est très différent. Pour les moins de 26 ans c’est 20 euros. Il faut réduire les prix pour les jeunes :  20 euros ça ne passe pas pour eux ».

Si le NJP veut toucher un public de tous les âges, certains festivaliers trouvent que cela manque de jeunes, certains soirs. Fanny, diplômée de spa praticienne, est saisonnière et travaille dans la restauration à Dijon. C’est la première fois qu’elle vient à ce festival. Elle est surtout venue pour écouter le « guitariste de Jimmy Hendrix ». « Il n’y a pas beaucoup de jeunes ce soir. Il faudrait peut-être mettre en place plus d’initiatives pour les attirer », déclare-t-elle.

L’autre barrière c’est celle des transports. « C’est compliqué pour les gens de faire un aller-retour à Nancy, même si des parisiens, rémois et grenoblois viennent », raconte Thibaud Rolland. Pour remédier à ce problème, le NJP fait des tournées dans les villes du Grand-Est. Immanuel Wilkins jouait au château de Lunéville le dimanche 15 octobre. Gospel Koncept était à Laix, Minor Sing à Chaumont et Strasbourg, Judith Hill, en Belgique. L’objectif ? Aller rencontrer les publics de ces villes-là qui ne seraient pas venus à Nancy.

Malgré ces initiatives déployées, la communication « c’est compliqué quand tu défends autant d’action différente, quand on met en place des actions gratuites comme l’exposition à la salle Poirel. Il y a la contrainte du temps et des ressources humaines. On est moins de 10 à l’année, ça commence à être short. J’ai une équipe qui est à plat qui craque, mais qui est passionnée», précise le directeur-programmateur du NJP.  

 « On a du mal à se projeter quand on a la tête dans le festival qu’on vit actuellement. On reconstruit un peu l’équipe car il y a beaucoup de départ. Il  y a eu énormément de travail de sa part. Donc l’année prochaine ça sera calme mais il  y aura pleins d’actions culturelles pour la saison octobre 2024 », conclut Thibaud Rolland.

Marie Luthringer.