Le vélo est une pratique peu onéreuse, bénéfique pour l’environnement et pour la santé. Toutefois en France, seuls 3 % des déplacements se font à vélo, d’après les chiffres officiels. L’Eurométropole de Metz, elle, tente de développer cette « mobilité douce » en investissant dans des voies cyclables et aménagements urbains. Des améliorations insuffisantes selon certains.

Dans la capitale messine, le vélo tend à se développer depuis quelques années. La Ville et l’Eurométropole visent un triplement des déplacements à vélo d’ici 2030. Encore mieux, la région Grand Est ambitionne de devenir « la première région cyclable de France » et s’est dotée d’un plan vélo d’ici 2028. À l’intérieur, on retrouve une trentaine de mesures telles que le développement du cyclotourisme ou l’encouragement à une pratique démocratisée du vélo. À l’échelle locale, la métropole messine a elle aussi établi un plan vélo qu’elle fixe comme une « priorité ». Tous les Messins ont-ils pris le pli du vélo et oublié la voiture pour ce mode de transport au bilan carbone nettement plus faible ?

En tout cas, les chiffres montrent le contraire. Des données extraites d’une récente étude de l’Insee confirment le poids de la voiture dans les déplacements des messins. Le vélo, quant à lui, peine à s’imposer.

Les cadres, coutumiers du vélo

En chiffres, Metz Métropole (ou Eurométropole) contient environ 120 kilomètres d’aménagements cyclables. Ce qui comprend notamment des pistes ou encore des bandes sur toute la zone pour une superficie totale de 310 km2. 

Pour Grégoire Vigneron, vélotaffeur et président de l’Association de développement pour les mobilités actives (Adevma), « des aménagements cyclables, il y a en a trop peu. Une raison principale à cela, le budget alloué est beaucoup trop faible ! Le budget de Nancy est sept fois supérieur. Et quand on a de l’argent, on le consacre à faire des aménagements nettement plus chers que nécessaires. » Dix-sept millions d’euros. C’est le montant du budget dédié aux pistes cyclables dans la métropole, assure Béatrice Agamennone, adjointe au maire de Metz, également vice-présidente chargée des mobilités et des transports à l’Eurométropole. 

À l’échelle de la ville, Metz avait investi 5,7 millions d’euros dans son plan vélo entre 2011 et 2016. Cette fois, l’objectif affiché est de multiplier par trois le nombre actuel de cyclistes d’ici 2026, date de fin de mandat de François Grosdidier, maire de Metz, en atteignant 5 % de déplacements quotidiens du vélo, et 3 % du côté de l’Eurométropole alors qu’en France, l’objectif visé est de 9% d’ici 2024… Ces données sont consultables sur le Plan de déplacement urbain mis à jour en 2020, disponible sur internet. 

Alors que dire de ces revêtements qui coûtent cher si la pratique du vélo s’avère faible ? Ces infrastructures ne sont effectivement pas utilisées par tous. Une catégorie socio-professionnelle se démarque des autres, c’est ce que montrent les données que nous avons recueillies. Les plus aisés se montrent généralement plus attentifs et éduqués à cette thématique, ce qui les incite à adopter plus facilement cette nouvelle habitude. 

Les cadres sont des utilisateurs fréquents du vélo en raison de leur lieu de domicile même si cette part d’utilisation reste relativement faible. « Ils résident majoritairement en hyper-centre, à proximité de leur travail, là où il y a le plus d’aménagements, ce qui leur permet d’emprunter plus facilement le vélo que d’autres. On note également des restrictions concernant les voitures qui favorisent cette pratique », relève le président de l’Adevma.

Ce constat est partagé par Christophe Couturier qui tient le guidon de Roule Raoul, situé rue Gambetta à Metz. Au lancement de son activité il y a cinq ans, il accueillait beaucoup de CSP+ (classe moyenne supérieure) mais la diminution du pouvoir d’achat depuis quelque temps a rebattu les cartes. 

Le vélo en quête de démocratisation

L’Eurométropole de Metz s’engage à développer les « déplacements doux. » Cela passe par la création de pistes cyclables, une association avec l’application mobile Géovélo et la création d’un plan vélo.

Sensibles à ces efforts, les jeunes et les étudiants sont des grands usagers du vélo en ville. Toutefois, les classes aisées restent plus attentives et conscientes de leur impact environnemental. Elles prennent donc plus facilement le pli malgré la faible part de mobilités pendulaires à vélo. Les chiffres le montrent : seuls 6% pour les cadres et 4% pour les employés. L’Eurométropole compte pallier cette lacune, et investir 1,8 million d’euros pour implanter de nouveaux vélos en libre-service dans les gares du réseau SNCF Fluo.

Béatrice Agamennone croit à un cercle vertueux. « Plus nous réaliserons des infrastructures, plus il y aura de cyclistes ». Elle espère convaincre les réticents à cette pratique, étant elle-même utilisatrice de ce moyen de transport. « Là où il y a des infrastructures, il y a des cyclistes, peu importe leur situation. C’est le principe de l’œuf et de la poule. Quand on en crée, il y a des adeptes. »

Des adeptes certes, beaucoup n’ont plus le choix. Ils deviennent vélotaffeurs. La pratique du vélo en tant que loisir s’oublie, désormais place à la nécessité en temps de crise et d’inflation. « C’est plus économique et pratique. L’écologie passe vraiment au second plan », explique Christophe Couturier. Des employés, des ouvriers utilisent ce mode de transport car il n’y a plus le choix. « L’essence est trop chère. Certains n’ont pas le permis, d’autres ne veulent plus s’aventurer dans les bouchons quotidiens. » Il y a aussi ceux qui ont des horaires hors transport, soit tôt le matin, soit tard le soir et qui se rendent à l’extérieur de la ville. Ce sont souvent ceux qui ne disposent pas d’aménagements adéquats et y risquent parfois leur vie. « Les réflexions et usages de ces personnes ne sont pas pris en compte. Votre capacité de mobilité influence votre capacité à disposer d’un travail », déplore Grégoire Vigneron.

Qui sont réellement ces utilisateurs messins ? Parmi sa clientèle, Christophe Couturier voit « autant d’hommes, que de femmes ». Il a également constaté une hausse de ses ventes et d’utilisateurs en septembre 2023. De nombreux achats d’accessoires ont été relevés. Cela peut s’expliquer par les facteurs cités précédemment mais aussi la météo clémente. « Ils se préparent à l’hiver alors qu’habituellement ils s’y prennent à la dernière minute. Cette année, les cyclistes veulent s’inscrire dans une période longue. »

Mais pour atteindre les classes plus modestes, la route est encore longue. L’abonnement annuel pour louer un VéloMet’ est de 240 euros ou 160 en tarif réduit. La prime transport permet de réduire encore les frais pour les salariés qui en font la demande, puisque les employeurs prennent en charge 50 % de ce tarif. Mais le principal problème du VéloMet’, dont la location est aujourd’hui à longue durée, est le nombre limité de vélos. Il n’y a que deux espaces de locations, Place de La République et au Centre Pompidou, et aujourd’hui, le service est saturé. « La liste d’attente est trop grande », reconnaît Béatrice Agamennone.

Le principe de location du VéloMet’ réside dans un contrat longue durée, ce qui limite leur disponibilité. En conséquence, le nombre de stations de location demeure restreint, avec des emplacements clés tels que la place de la République et le parvis des Droits de l’Homme face au Centre Pompidou. Malheureusement, cette limitation conduit à une saturation du service, comme en témoigne la longue liste d’attente pour obtenir un vélo. « On est conscient de cette saturation alors on réfléchit actuellement à de nouveaux services tels que Vélib’ comme cela se fait à Paris peuvent être une solution », avance l’adjointe au maire de Metz en charge de l’aménagement des espaces publics, espaces verts et mobilités. Mais ça ne sera pas pour tout de suite.

Obstacles concrets ou simples freins ?

« Je pense qu’il n’y a pas d’efforts. Lorsqu’on fait moins que le minimum légal, je n’appelle pas cela un effort. Il existe même une loi qui requiert certains aménagements et cela fait 25 ans que cette ville l’enfreint », estime Grégoire Vigneron, qui considère un certain laxisme de l’Eurométropole et fait preuve d’une très grande tolérance vis-à-vis des voitures. 

Lucille Morio, chargée de mission concertation itinéraires cyclables, et Nicolas Raimbault, chercheur et responsable du master urbanisme et habitat à l’Université de Nantes rapportent que les retards et manques d’aménagements cyclables marqués par des discontinuités font échos à des redéfinitions et des requalifications nombreuses par les politiques en place. Entre les premières décisions et la mise en place des outils, il y aurait un monde à cause du changements de municipalités nombreuses depuis ces dernières années.

Néanmoins, il faut tout de même souligner que, malgré les initiatives mises en place pour encourager la pratique du vélo à Metz, plusieurs obstacles entravent les efforts des décideurs pour promouvoir et démocratiser ce mode de transport. Lorsque l’on quitte l’hypercentre de la ville pour rejoindre la périphérie, on se heurte rapidement à des liaisons compliquées et à une infrastructure routière peu adaptée aux cyclistes. 

Selon les données visibles sur le Plan de déplacement urbain (PDU) de 2020, les trajets à vélo à Metz souffrent d’une discontinuité et d’une absence de continuité dans le maillage cyclable. Les pistes et les bandes cyclables sont insuffisantes, ce qui oblige les cyclistes à partager la route avec les automobilistes dans des conditions parfois peu sécurisées « qui peuvent freiner l’usage par les femmes et les enfants, dans les zones de travaux, notamment », souligne Christophe Couturier. Cette cohabitation délicate avec la circulation automobile peut dissuader de nombreux citoyens de choisir le vélo comme mode de transport.

Le rapport final sur les « mobilités douces » datant de 2020 a clairement pointé du doigt l’insatisfaction des citoyens qui tentent de se déplacer à vélo dans les rues de Metz. 

Un patrimoine à préserver

Bien que des efforts semblent être déployés pour résoudre ces fléaux, notamment en cherchant des solutions au niveau du stationnement, des défis subsistent. Près de 80 % de la ville de Metz est classée sous « Bâtiments de France », ce qui entraîne des refus systématiques pour l’installation de locaux dédiés au stationnement des vélos. Les autorités locales sont donc à la recherche de solutions alternatives pour répondre à cette demande croissante de stationnement sécurisé pour les cyclistes, à en croire la vice-présidente de l’Eurométropole, qui souligne que cette collaboration représente un réel obstacle. Un discours réfuté par Grégoire Vigneron. « Les bâtiments de France ne disent pas non, mais uniquement qu’il faut faire autrement ». Des propos permettant de nous questionner sur la volonté profonde de l’Eurométropole à activer les leviers nécessaires pour faire du vélo le transport numéro 1 au sein de la ville.

Un dernier problème important concerne le relief de certaines zones de la ville. Là où le terrain n’est pas plat, la création de pistes cyclables devient un défi majeur. En conséquence, de nombreuses zones de la ville ne disposent pas de pistes cyclables adéquates, ce qui limite considérablement la praticabilité du vélo dans ces régions.

Vu du ciel, le problème semble plus clair. L’hypercentre et la zone de la gare de Metz sont bien desservies. En s’en éloignant, les pistes se font de plus en plus rares, aussi bien dans les quartiers riches que pauvres.

Pour fermer la boucle, il est impératif de favoriser les aménagements dans les zones défavorisées. Plus qu’un enjeu écologique, le vélo est un enjeu social et il devient nécessaire de renforcer la sécurité de ses aménagements: installation d’éclairages, signalisation ou encore réduction des conflits potentiels avec les véhicules motorisés. Cette approche vise à rendre le vélo accessible et sûr pour chacun et ce, qu’importe le lieu de résidence.

Par Kévin Ferry, Simon Iung, Steeven Pellan, Elie Polselli, Camille Vari et Marie Vin