Plus de quatre mois après sa désormais célèbre Une « Casse-toi riche con ! », Libération a publié ce jeudi une enquête sur la façon dont le transfert de la fortune de Bernard Arnault s’est déroulé vers la Belgique. Retour sur les étapes importantes de ce processus complexe.

Paradoxalement, la fuite de Bernard Arnault vers la Belgique débute par la création en 2005 de deux sociétés… à Paris. Ayant pour objectif de détenir des action du Groupe Arnault, elles sont propriétaires de 39% de son capital. L’une d’elle est dirigée par les deux fils aînés du milliardaire (qu’il a déjà formés), tandis que l’autre est contrôlée par ses trois derniers enfants, toujours mineurs. Dans le même temps, une troisième société est créée : en cas de décès de Bernard Arnault, elle aura pour fonction de gérer ses titres, avec possibilité de les transférer à l’étranger.

En 2005 toujours, Bernard Arnault commence à transférer des parts vers la société Pilinvest, qu’il avait créé en 1999 via des holdings néerlandaises et dont il détient 99,9%. Les transferts s’enchaînent : de 1,8 millions d’actions au 1er avril 2005, on arrive à 4,26 millions fin 2010. Pilinvest détient alors 0,91% du groupe.

En 2008, Pilinvest est à l’origine de la création d’une fondation privée : Protectinvest. Si Bernard Arnault meure avant 2023 (date du 25e anniversaire de son plus jeune fils), la fondation deviendrait temporairement propriétaire des actifs de Pilinvest et en assurerait la gestion. Jusqu’à 2023, donc. Pourquoi ? « Un double but désintéressé : protéger les intérêts financiers et patrimoniaux de Pilinvest, ainsi que ceux des enfants et héritiers de Bernard Arnault. » Jusqu’à la date butoir, les enfants Arnault toucheraient des dividendes mais ne pourraient pas vendre leurs parts ni exercer leur droit de vote. La fondation (et donc le groupe) serait alors gérée par un « conseil de sages » constitué de chefs d’entreprises.

La famille Arnault reine à la maison

En 2009, Bernard Arnault a entrepris de racheter les parts de ses deux principaux actionnaires minoritaires. À ce moment-là, la famille possède 73,44% du groupe. Albert Frère, milliardaire belge et propriétaire à 18,08% du groupe aurait revendu ses parts à prix sacrifiés, selon Libération. Bernard Arnault rachète également les parts de son autre actionnaire minoritaire. Toujours en 2009, le PDG de LVMH rachète la holding luxembourgeoise Scheffer, détentrice de 5,51% du groupe : la famille est alors détentrice de près de 100% des parts.

Le 7 décembre 2011, Bernard Arnault transfère la totalité de ses actions et l’usufruit des actions qu’il a données à ses enfants à la société Pilinvest. En tout, près de 80% des dividendes reversées par le groupe Arnault au PDG de LVMH arrivent en Belgique. La quasi-totalité de son patrimoine personnel est alors situé en Belgique.

Le 10 septembre dernier, Libération frappait fort sur Bernard Arnault, critiquant vivement son départ présumé vers la Belgique. (photo Le Monde)

Pourquoi la Belgique ?

Le clan Arnault tente de justifier la manoeuvre en avançant qu’un tel montage est impossible en France. « Faux », répond l’avocat fiscaliste Laurent Isal. « On n’est pas obligés d’aller en Belgique pour assurer la pérennité de son groupe, mais il est vrai que la Belgique offre un certain nombre de souplesses juridiques » a-t-il déclaré à BFM Business.

Si Bernard Arnault décide de transmettre son patrimoine à ses enfants, les taxes s’élèveraient à 3% contre 11% en France. Pour cela, le milliardaire et ses héritiers doivent devenir résidents fiscaux belges. Cela n’est pas encore le cas, et il semblerait qu’il ne souhaite pas le devenir. S’il n’a pas besoin d’obtenir la nationalité belge pour parvenir à ses fins, sa volonté de devenir Belge proviendrait de son souhait de « sécuriser juridiquement la fondation au cas où elle serait contestée par l’un de ses enfants. »