Février 2022, l’Ukraine se réveille dans le chaos, attaquée à l’Est par la Russie. Basée à Metz, l’association Echange Lorraine Ukraine (ELU) se mobilise depuis pour aider les réfugiés ukrainiens à s’intégrer en Moselle.
En cette fin d’après-midi, le silence règne au centre ukrainien ELU du quartier de la Patrotte, au nord de Metz. A l’intérieur, une dizaine de personnes passent un examen de langue française. Au programme : compréhension écrite et orale. Pour ne pas déconcentrer le groupe et leur devoir sur table, Annie Vuagnoux, responsable du centre et bénévole à ELU depuis février 2022, nous accueille dans une pièce à l’écart. L’aide aux réfugiés ukrainiens est une cause qui la touche particulièrement : “Je suis doublement marquée par ce qu’il se passe en Ukraine parce que j’ai des parents ukrainiens” nous explique Annie Vuagnoux.
Rencontres et café-klatch
Aujourd’hui, l’association qui existe depuis 2004 agit principalement sur deux volets. Depuis le début de la guerre, elle apporte un soutien humanitaire, via d’autres associations et relais sur place. Au total 100 tonnes de produits de première nécessité ont été envoyés, soit huit camions semi-remorques. L’association se mobilise aussi pour l’intégration des 1700 réfugiés ukrainiens arrivés en Moselle, à travers des ateliers de cohésion (danse, dessin, jeux de société…) et d’apprentissage de la langue française, proposés par des bénévoles ukrainiens et français.
“On s’est dit qu’il fallait répondre aux besoins des personnes déplacées qui sont arrivées en France en 2022. Ces personnes se sont retrouvées ici, sans rien, donc nous devions aussi les aider à s’intégrer. Et comment les aider à s’intégrer ? Par l’apprentissage de la langue.” raconte Annie Vuagnoux.
En parallèle des cours de FLE (français langue étrangère), un club francophone a été créé courant 2022, pour proposer trois fois par semaine des cours de français aux réfugiés ukrainiens. Huit bénévoles assurent le club francophone. L’objectif est simple : animer des cours centrés sur l’expression orale, reprenant le concept du café-klatch. “On boit le café, et puis on discute de tout et de rien”.
“Ma vie est ici désormais”
Nataliya, bénévole au centre, vient à notre rencontre. Ancienne professeure d’anglais en Ukraine, elle est arrivée en France il y a trois ans. “J’ai d’abord appris le français à l’école. Intéressée par les langues, j’ai passé un certificat en anglais, puis j’ai commencé à enseigner”.

Originaire de la ville de Louhansk, Nataliya quitte la région en 2014, lors de la première invasion russe. “Mes parents sont restés à Kiev. Ils sont âgés et n’accepteront pas de partir” poursuit-elle d’une voix tremblante. “Je ne souhaite plus y retourner, ma vie est ici désormais”, confie l’enseignante qui a quitté précipitamment son appartement à Louhansk, ville depuis envahie par la Russie.
Même si elle est reconnaissante de l’aide dont elle a pu bénéficier en France, Nataliya éprouve des difficultés à trouver un travail, notamment du travail en bureau.
L’évaluation achevée, deux groupes de niveaux se forment dans une ambiance conviviale. Certains participants acceptent de se confier et de nous raconter leur parcours. C’est la cas de Dmitro, 62 ans, installé en France depuis 2022. (Nous sommes assistés par Natalyia pour la traduction).
“Pour venir jusqu’ici j’ai parcouru 2000 kilomètres en deux semaines en voiture ! J’ai emmené avec moi ma mère qui est très âgée.” raconte-t-il. Dmitro est d’abord resté trois mois à Sarreguemines avant d’arriver à Metz. Il est ensuite entré en contact avec l’association par le biais d’un ami. Pour ce sexagénaire aux cheveux grisonnants, l’association est importante dans l’échange entre Ukrainiens et l’apprentissage du français. Mais derrière ce sourire, Dmitro n’a pas oublié sa vie en Ukraine, ni la situation actuelle. “J’ai passé l’âge d’être enrôlé dans l’armée. Mais plusieurs de mes amis sont encore sur le front. J’ai perdu quatre amis de longue date, tous tués sur le front.”
“Une belle aventure humaine”
Sveltana est la dernière personne à se confier. Cette maman de deux enfants a quitté Donetsk, à l’est de l’Ukraine, il y a trois ans. Son intégration en France n’a pas été facile. “Ce qui est difficile pour moi en France c’est la langue et les procédures administratives”, indique-t-elle. En participant au club francophone, la femme aux cheveux blonds espère trouver un travail sur le long terme, après une expérience en tant que caissière.
Son mari étant resté en Ukraine, Sveltana garde espoir. “J’espère que la guerre prendra bientôt fin et que je pourrai retourner en Ukraine un jour”.

Pour Annie Vuagnoux, le club francophone est bien plus qu’un simple espace d’apprentissage, de véritables amitiés se sont aussi créées. “C’est une belle aventure humaine pour nous aussi”, ajoute la responsable.
Elle tient d’ailleurs à souligner le courage et la résilience des réfugiés ukrainiens, qui arrivent dans un pays qui leur est inconnu, devant reprendre leur vie à zéro.



(propos rapportés en mars 2025)
Maxence Cayron, Quentin Théophile et Lucie Millet