A l’approche de la COP 21, conférence destinée à aboutir à un accord international sur le climat, la question de la réduction des émissions de gaz à effet de serre est un sujet brûlant. L’augmentation de leur concentration dans l’atmosphère est l’un des facteurs à l’origine du réchauffement climatique. Sur le sujet, la Lorraine se pose en mauvaise élève.

Contrairement à ses voisines de l’ACAL, soit l’Alsace et la Champagne-Ardenne, la Lorraine figure parmi les régions les plus émettrices des principaux gaz à effets de serre en France. D’après un rapport de l’INSEE datant de 2009, elle se place au troisième rang pour le méthane (CH4) et au cinquième rang pour le dioxyde de carbone (CO2).

Cette position s’explique notamment en raison de la production d’énergie et du secteur industriel mais aussi au trafic local particulièrement important dans le sillon lorrain (Thionville, Metz, Nancy-Epinal).

Si l’on compare les trois régions constitutives de l’ACAL, la Lorraine est celle qui émet le plus de dioxyde de carbone par an, mais aussi celle où les déplacements sont les plus importants. Le domaine des transports contribue pour une part importante à l’émission de CO2. Avec un demi-million de tonnes rejeté par an, l’Alsace reste dans la moyenne nationale, ainsi que la Champagne-Ardenne.

En ACAL, les Lorrains parcourent plus de kilomètres pour aller travailler

Pour Anne Hecker, géographe et maître de conférences à l’Université de Lorraine, ce différentiel entre régions s’explique notamment par le fait que les Lorrains parcourent une plus grande distance pour aller travailler : 22 kilomètres par jour en moyenne contre 20 pour l’Alsace, d’après l’INSEE. La Lorraine se situe au-dessus de la moyenne de province, où la distance parcourue est de 20,2 kilomètres en moyenne.

De fortes disparités existent au sein même de la région Alsace. Les résidents des grandes agglomérations de régions ne parcourent que 8 kilomètres par jour, contre 45 pour ceux qui travaillent à l’étranger. Par ailleurs, selon un rapport de l’INSEE publié en avril 2013, l’Alsace est la deuxième région qui utilise le plus les transports en commun en province, derrière la région Rhône-Alpes. Le mode “doux”, à pied ou à bicyclette, est aussi adopté pour 12% des déplacements.

Et pour la Champagne-Ardenne? “C’est une région moins peuplée et beaucoup plus rurale” explique Anne Hecker. “Il n’y a pas de phénomène d’urbanisation, ce qui explique qu’elle soit moins émettrice de gaz à effet de serre”. D’après l’INSEE, les champardennais habitent également moins loin de leur lieu de travail ou d’études que leurs homologues de France de province, qui travaillent en majorité dans leur région.

Le nombre de lorrains qui effectuent quotidiennement le trajet aller-retour (du domicile au lieu de travail ou d’études) est particulièrement important en Moselle et en Meurthe-et-Moselle, notamment en raison de leur démographie plus importante et de leur proximité avec le Luxembourg. Les deux départements comptabilisent les ¾ des déplacements pour la région Lorraine. En revanche, la distance parcourue est plus élevée en Meuse, département moins urbanisé et peu peuplé, où il est nécessaire d’effectuer plus de kilomètres pour se rendre à son lieu de travail. Mais les travailleurs meusiens ne représentent que 7,6% du total régional, ce qui minimise leur taux d’émissions de CO2.

La Lorraine, première région française pour le travail frontalier au Luxembourg

L’Alsace comme la Lorraine ont la même position frontalière. Une situation géographique qui induit de nombreux déplacements de la part des travailleurs frontaliers en direction du Luxembourg, de l’Allemagne, de la Belgique ou encore de la Suisse.

En 2013 près de 92 400 personnes soit 9.1% de la population active résidant en Lorraine exercent leur activité professionnelle à l’étranger. C’est d’ailleurs la première région française pour le travail frontalier au Luxembourg et la deuxième pour l’Allemagne et la Belgique. En Alsace 7.9% de la population active travaille de l’autre côté de la frontière – la plupart en Allemagne – contre 0.7% en Champagne-Ardenne.

                                                                                                             2012 – source : INSEE

Plus de travailleurs frontaliers en Lorraine ? Le phénomène s’explique notamment par deux facteurs : le taux de chômage et la pression foncière du Luxembourg. Le taux chômage est relativement plus élevé en Lorraine (10,5% contre 10% pour la moyenne nationale…). Conséquence: les lorrains tentent leur chance à l’étranger et notamment au Luxembourg où le salaire est plus alléchant.

La pression foncière du Luxembourg n’est pas la même qu’en Allemagne. Ainsi, les frontaliers français travaillant au Luxembourg résident quasiment tous (98% d’entre eux) en Lorraine. A contrario, les Alsaciens peuvent s’installer en Allemagne.

En outre, selon un rapport de l’INSEE datant de novembre 2015, l’ACAL émet 11,7 tonnes d’équivalent CO² par an et par habitant soit 2,9 tonnes de plus que la moyenne nationale. Les raisons de ce mauvais résultat ? Transports, industries mais aussi des logements plus anciens que la moyenne nationale et donc moins bien isolés. Point positif : la nouvelle région figure en bonne position en matière d’énergies renouvelables, notamment dans son développement des éoliennes (La Champagne-Ardenne est la première région éolienne de France et la Lorraine, la cinquième), des agro-carburants et du biogaz.

Aujourd’hui, des actions fleurissent pour réduire les gaz à effet de serre, nocifs pour la planète et pour la santé des habitants. Depuis 2012, un plan d’action est mené par le Conseil Régional, le Schéma Régional Climat Air Energie. L’un de ses objectifs : diminuer de 23 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990 d’ici 2020. Les pistes pour réduire cette pollution sont nombreuses : logement moins énergivores, promotion des transports en commun, tri des déchets…

 

Marie-Lorraine Atamaniuk et Clémence Simon