Bertrand Mertz (à gauche), représentant du Parti Socialiste, Jérémy Roques (en bas à droite), représentant Écologiste et Charlotte Leduc, co-représentante de LFI (en haut à droite) sont les visages de cette campagne à Metz pour les municipales à gauche.

Les 15 et 22 mars prochains se tiennent les élections municipales. A Metz l’opposition de gauche est en ébullition. Après les prémices d’une alliance, des désaccords politiques et des questions d’ambitions personnelles rebattent les cartes. Actuellement, trois listes de gauche veulent reprendre la mairie perdue en 2020. Une question brûle toujours les lèvres des militants, l’union est-elle encore possible ?

L’horloge tourne…

Dans six mois, il sera l’heure pour Metz, comme pour chaque commune de France d’élire son nouveau maire. Si dès le début de l’année, des bruits de couloir optimistes laissaient voir se dessiner une alliance entre les forces politiques de gauche, une scission a été observée et trois alliances politiques ont vu le jour, sur fond de conflits idéologiques et d’ambitions personnelles. Il y a la liste Metz en Commun représentée par LFI. Les Ecologistes, soutenus par le Parti Communiste, le Parti Animaliste et L’Après ont formé Maintenant pour Metz. Enfin, il y a une liste menée par le Parti Socialiste.

Un départ prometteur

Les sempiternelles guéguerres nécrosant la gauche française se sont exportées dans la capitale mosellane. Pourtant tout avait bien commencé. Dans l’espoir de conduire à une union pour défaire François Grosdidier de son trône, les différents partis ont lancé au mois de mars un travail citoyen. Charlotte Leduc est l’une des deux têtes de liste LFI, elle a été députée pendant près de deux ans dans la 3e circonscription de la Moselle. Pour elle “l’une des volontés des travaux était de donner la parole aux Messins”. 100 à 150 personnes devaient réfléchir à 14 thématiques, comme la santé ou l’éducation par exemple, dans le but de bâtir un programme commun. Chaque participant apportait sa pierre à l’édifice dans un ou plusieurs groupes de travail. D’après Kenzo et Julien, deux de leurs membres “les travaux se déroulaient bien et l’ensemble des militants étaient d’accord sur les idées”. Pourtant, la déception s’est mêlée à l’incompréhension lorsque ces groupes se sont arrêtés du jour au lendemain. Les membres n’ont plus eu de nouvelles, à la rigueur, certains ont reçu un mail. “Pour nous c’était incompréhensible” confie Julien. “C’est inacceptable”, complète Kenzo, de la rancœur dans la voix.

Une ouverture au centre, une proposition contre-nature ?

Mais alors, d’où vient cette division ? L’une des origines trouve sa source dans la volonté du Parti Socialiste d’ouvrir l’union au centre. Charlotte Leduc est catégorique. “Une union avec le centre est inacceptable. Le centre c’est la Macronie. C’est huit ans de néolibéralisme qui ont mené le pays et les gens dans la situation actuelle. C’est une politique délétère”. Bertrand Mertz est chef de file sur la liste du PS, pour lui cette accusation est un “mauvais procès”. 

Il complète : “Une fraction de l’électorat de Metz n’est pas de gauche, elle est du centre/centre droit et ne se retrouve pas dans la personnalité et la politique de François Grosdidier. Il est de notre rôle de les accueillir, s’ils le veulent, mais sur nos bases politiques. Il ne s’agit pas de passer des accords politiques avec ces partis”.

Sur ce sujet, la cheffe de file LFI ne mâche pas ses mots : “Pour moi, cette alliance est une faute politique grave”. Elle voit derrière cette volonté, un désir de récupérer des électeurs de centre-gauche présents au départ de la macronie dans un contexte de la chute de celle-ci.  “Cela contribue à dégoûter les électeurs de la politique et à brouiller la lecture des idées de la gauche. C’est une trahison de nos valeurs”, conclut l’ancienne députée. Jérémy Roques, représentant écologiste et tête de liste de Maintenant pour Metz est “tout à fait d’accord pour s’allier avec des individus autour d’un programme de gauche, les personnes de la société civile qui souhaitent s’engager sont les bienvenues, mais l’ouverture au centre, au macronisme, à l’ultralibéralisme on n’en veut pas !”, scande-t-il.

La relation LFI/PS : le nœud du problème ?

Je ne crois pas à une union de la gauche qui irait de Place Publique à LFI”, explique d’entrée Bertrand Mertz. Bien qu’il ne se définisse pas comme un professionnel de la politique, celui qui fut maire de Thionville a plus de 16 ans de mandat politique derrière lui. “Si une liste avec LFI, voit le jour beaucoup de socialistes refuseront de la soutenir, idem pour les lfistes avec une liste qui comprend le PS”, explique l’ancien élu sûr de lui. Quand il ne fait pas de politique, Bertrand Mertz est avocat, d’ailleurs il a été l’un de ceux de Jean-Luc Mélenchon. Pourtant, il ne s’identifie pas du tout au chef des LFI.

Je ne suis pas sectaire, MOI”, rétorque-t-il à l’une de nos questions. Malgré tout, il dit espérer une union de la gauche historique, allant de “Place Publique au PCF”.

Côté de LFI, le ton est moins incisif, mais on ne veut pas du PS quand même. “Il est urgent de créer une alliance avec des gens qui se revendiquent du NFP, il y a une forte attente du côté des électeurs. Il faut être radicalement à gauche, et pour le moment le Parti Socialiste se détache de cela”. Jérémy Roques s’annonce comme le candidat qui souhaite réconcilier, il connaît bien les deux autres candidats de gauche. Dans sa jeunesse, à Thionville, il a déjà milité pour Bertrand Mertz et, aux législatives de 2022 puis de 2024, pour Charlotte Leduc. Aujourd’hui, il nous explique sa vision des forces politiques de gauche : “Le PS est dans une forme de politique lisse, LFI est davantage radicalisée. Aujourd’hui ce qui allie le mieux les deux manières de faire, c’est nous”. 

Une alliance voulue par tous

Que ce soit chez les électeurs ou les politiques, l’alliance apparaît comme indispensable.“Il faut se rappeler qu’aucun des partis de gauche ne peut gagner seul, même localement”, amorce le représentant écologiste Jérémy Roques. Il ajoute : “Si on va aux élections à trois têtes de liste, on a perdu”. Et pour cause, la gauche désunie ne ferait pas le poids face à François Grosdidier. Encore pire, à trois listes, chaque parti de gauche ferait peut-être moins que le Rassemblement national.“Pour y arriver, il faut mettre son ego de côté”, rappelle le candidat écologiste. Chacune des trois grandes forces politiques veut une union. “Des compromis peuvent être acceptés sur tous les sujets, à part la justice sociale et la transition écologiste”, conclut-il.

Des militants pour l’union : une tribune pour l’unification de la gauche

Julien et Kenzo ont participé aux travaux citoyens ce printemps. Ils votent à gauche et ne sont encartés dans aucun parti. Leur volonté ? Voir la gauche triompher aux prochaines élections. Récemment, ils ont cherché à alerter les forces politiques en créant une tribune, appelant à une union. Ils confirment ce que chaque politique exprime : “Sans union, chaque liste fait 10 % et ne passe pas au second tour, la défaite est assurée”. Comble de la situation, si l’on s’écarte des têtes de liste, un consensus est possible. Pour eux, ce ne sont pas les idées le problème, localement, il y a moins de division qu’à l’échelle nationale. “Dans des mondes parallèles, j’aurais pu être encarté chez LFI ou prendre ma carte au PCF”, exprime Kenzo. Il complète : “dans chacun de ces deux mondes je peux mettre un bulletin différent dans l’urne s’il n’y a pas d’union.” Pour Julien, “les idéaux transpartisans ne posent pas forcément de problème à Metz”.

Une campagne personnifiée

Le nœud qui empêche l’union ne semble pas venir des bras, mais des trois têtes. Pour beaucoup, les municipales remettent l’avenir d’une ville en jeu. Pour les partis, c’est plus que cela. “On joue notre survie”, entame Charlotte Leduc. Elle complète : “Beaucoup de partis jouent des places. Obtenir des élus locaux permet d’avoir des voix pour les sénatoriales et de l’argent pour les partis”. LFI a choisi de quitter l’union, “nous voulions casser le cadre des réunions entre les partis qui n’avançaient pas, sans aucune transparence avec l’extérieur où chacun défend sa chapelle”. Ils ont aussi quitté l’union pour commencer à préparer la campagne. “On souhaitait commencer à travailler sur un programme, sur une union avec un sens politique pour les gens, puis travailler sur un collectif citoyen. Ensuite, c’est dans un rapport de force de début de campagne qu’on pourra recommencer à rediscuter”. Jérémy Roques voit dans les autres partis, une volonté de regarder ailleurs qu’à Metz. Pour lui : “Le problème de LFI et du PS, c’est leur agenda politique, nationalement, les deux essayent d’être le plus présent au vu des présidentielles. Moi ça ne m’intéresse pas, c’est Metz qui importe”. Cette personnification de la campagne est une très mauvaise chose pour le représentant écologiste, car tout le monde veut être maire.

Des tensions personnelles

Une posture que certains assument. C’est le cas de Bertrand Mertz, l’ancien maire de Thionville se voit bien briguer un nouveau mandat dans une autre ville. Pour lui, “Il faut quelqu’un d’expérimenté pour occuper cette fonction”. Il affirme qu’il n’est pas le seul à rêver de ce poste. “Jérémy Roques pense absolument qu’il doit être tête de liste”, nous explique-t-il. Il accuse son adversaire politique d’un “manque de sincérité” dans ses propos. Au détour d’une phrase, il mentionne une volonté d’alliance qui aurait été conclue avec l’écologiste pour de futures législatives. Le deal était qu’il apparaisse en 3e position sur la liste que Bertrand Mertz conduirait, et de lui laisser l’investiture dans la première circonscription de la Moselle. Finalement, il n’aurait pas tenu ce qu’il a dit. “Il pensait que je dirais non et que je garderais l’investiture pour moi. Je suis engagé pour les municipales, je m’engage pour les municipales” conclut-il. Des accusations très mal reçues par le candidat Écologiste. “Nous ne sommes pas là pour laver le linge sale de la gauche”, exprime-t-il, une colère dans la voix. Il revient sur cet épisode : “On s’est bien rencontrés avec Bertrand Mertz. Mon directeur de campagne, Sébastien Marx, et Michaël Weber, sénateur du PS, étaient aussi présents”. Il complète : “ le deal était de proposer à celui d’entre nous qui ne serait pas tête de liste, d’être troisième pour la liste des législatives. Le rendez-vous avait d’ailleurs été proposé par Bertrand Mertz”. Il conseille finalement à son homologue socialiste de “se concentrer sur ses vrais adversaires, que sont la droite et l’extrême droite”.

Une campagne avec des enjeux

Une chose est sûre, tous veulent une mairie de gauche pour Metz, synonyme d’une fin de règne pour François Grosdidier après un mandat. Pour Charlotte Leduc, “la ville est un bastion de gauche pour toute la Moselle. Dans le département, beaucoup de municipalités vont tomber dans l’escarcelle du RN. Il faut que la ville de Metz montre ce qu’une politique de gauche peut faire”. Un désir qui aurait plus de chance de se concrétiser si les gauches s’unissaient. Les signataires de la tribune rappellent qu’il ne peut pas y avoir trois maires. “C’est le programme qui importe, pas la tête de liste”, affirment-ils. Kenzo, l’un des signataires, appelle les têtes de liste à “réfléchir pour ceux qui vivent à Metz, et pas uniquement pour les personnes qui vont voter pour elles”.