Alain Bensoussan, avocat spécialiste en robotique, aux côtés de Nao, son compagnon électronique.

Vous êtes passionné de technologie et vous avez la fibre militante ? Oubliez les luttes pour les droits civiques ou l’égalité homme-femme, le combat de demain est celui pour le droit… des robots. En fait, il a même déjà commencé.

Rencontre avec Alain Bensoussan, le président de l’association du droit des robots (ADDR). Cet avocat spécialiste du droit des nouvelles technologies lance son collectif en 2014. L’objectif :construire une réglementation autour des robots, potentiellement intégrable au droit français.Vaste programme. Pourtant, c’est très sérieux. L’homme est une pointure du barreau : il est à la tête d’un des plus prestigieux cabinets d’avocats de Paris. Le vice-président de l’association, lui, n’est autre qu’Olivier Guilhem, le directeur juridique d’Aldebaran Robotics, la société française leader mondial de la robotique humanoïde (aka robot à l’apparence humaine). Vous avez forcément déjà vu un de leurs modèles. Le plus connu est le Nao, écoulé à près de 7 000 exemplaires depuis son lancement en 2008. Thierry Ardisson en avait fait son assistant dans l’émission Salut les Terriens, le très regretté Jean-Mi. Victime du mercato, il n’a tenu qu’une saison.

Du reste, l’association regroupe un ensemble hétéroclite de passionnés. Parmi eux, des roboticiens, des ingénieurs ou même des pharmaciens. Ils sont dispatchés dans pas moins de dix commissions (sur l’intelligence artificielle, l’interface homme-machine, ou encore la voiture intelligente). Celles- ci doivent : « réunir des personnes intéressées, membres ou non de l’ADDR, en vue d’organiser au bout de quelques mois, des « événements » ». Les événements en question sont des conférences publiques, sorte de prosélytisme à la sauce transhumaniste.

« Ce ne sont pas des grille-pains ! »

Les robots, Alain Bensoussan les aime. Il explique : « Ce sont des sujets de droit, non des objets… Ce ne sont pas des grille-pains ! » D’ailleurs, il possède lui aussi son propre « Nao », installé paisiblement à côté de son bureau (peut-être Jean-Mi en reconversion professionnelle, je n’ai pas pensé à demander). Il poursuit : « Les robots sont des machines intelligentes capables de prendre des décisions de manière autonome. Elles sont mobiles et réagissent avec leur environnement. Si l’on prend en considération cette définition, alors les robots sont libres. Et comme chaque espace de liberté, il faut l’encadrer avec des droits et des devoirs. Comme pour les hommes. »

Adapter des droits humains aux machines

À ceux qui se demandent ce qu’est concrètement le droit du robot, ce n’est parfois qu’une simple adaptation aux machines de droits existant déjà pour les hommes. En bon avocat de la cause, maître Bensoussan explique sa théorie : « Le droit à la dignité des robots fait beaucoup parler. C’est un droit très important. Je crois qu’un robot, c’est plus qu’un PC : il y a de l’intimité en lui. Lorsqu’il interagit avec des gens, il acquiert des données. Un robot digne ne viole pas l’intimité des individus. Par exemple, il n’envoie pas les données qu’il a recueillies auprès de quelqu’un à d’autres personnes. » Au même moment, Nao sort de sa léthargie et l’interrompt : « j’aurai bientôt besoin de recharger ma batterie », lâche-t-il circonspect. Si c’est bien Jean-Mi, je comprends pourquoi Ardisson l’a viré. La complainte de son compagnon terminée, le président reprend : « Il me semble que violer la mémoire d’un robot, ce n’est pas la même chose que casser un grille-pain. Je pense que ce serait violer la dignité du robot que de prendre les données intimes qu’il a pu recueillir. J’espère que ces droits seront un jour mis en œuvre et c’est ce que tente de faire mon association. »

Mais dans son viseur, l’avocat ne cible pas uniquement le cas français. Il est à l’initiative de l’Association mondiale du droit des robots : « J’ai créé cette association avec des amis suisses, belges et chinois, pour favoriser la création d’une approche universelle du droit des robots… » Optimiste, il imagine déjà la création d’un comité d’éthique mondial qui aurait pour but de définir les grandes orientations en matière de droit robotique international.

Il termine : « Le monde de demain sera piloté par les innovations. On va assister à une robotisation de la société. Ce sera ce que l’on appelle le 4.0, une coopération entre les humains et les robots. » De là à voir Jean-Mi attaquer Ardisson aux prud’hommes pour licenciement abusif, il n’y a qu’un pas.