Une halte de nuit a ouvert ses portes cet hiver à Metz à titre expérimental. Un succès en matière de veille sociale, mais comme chaque année l’effort de solidarité envers les SDF s’essouffle avec l’arrivée des beaux jours. Alors que la situation reste critique.

L’arrivée de l’hiver s’accompagne systématiquement d’un renforcement des dispositifs de veille social à destination des plus démunis.

Voir le Fichier : veille-sociale-hiver-2009-2010.pps

Les associations renforcent leur présence sur le terrain et la préfecture déclenche le plan grand froid dès les premières températures négatives. A Metz comme ailleurs, on tente de s’adapter au mieux aux besoins d’une population diffuse et volatile. Première urgence, l’hébergement. Cet hiver, le 115 de Moselle a tenté une nouvelle expérience, une alternative en matière d’accueil d’urgence. L’ouverture d’une halte de nuit, 76, route de Thionville, légèrement en périphérie de la ville. La capitale de région a mis en place du 21 décembre 2009 au 31 mars 2010 un dispositif pouvant accueillir jusqu’à douze personnes par nuit. Un toit sur la tête et finalement très peu de contraintes pour un public qui refusait jusque-là toute autre forme d’hébergement. Dans le viseur des travailleurs sociaux, les personnes totalement désocialisées et avec qui il faut recréer le lien, comme l’explique Christian Villiger, coordinateur de la veille sociale en Moselle :

Parmi ces personnes en mal de repères avec la société, on constate une recrudescence des populations jeunes dans la rue depuis quelques années. Les effets de la crise se font déjà ressentir, mais ce nouveau public exprime souvent un refus catégorique d’intégrer les structures d’hébergements traditionnels, un comportement « normal » pour Christian Villiger :

D’où la pertinence d’une mise en place de dispositifs alternatifs comme la halte de nuit de la route de Thionville. Une bonne heure de marche à pied du centre ville et de ses lieux de manche, mais un emplacement assez bien choisi pour une première expérience novatrice dans le département. Résultat, 158 personnes différentes auront été accueillies en trois mois de fonctionnement. Un bilan encourageant pour Bernard Paniel, responsable de la structure :

Parmi les petites âmes vagabondes arrachées temporairement au bitume, Laura et Fredi, deux jeunes amoureux en errance depuis huit ans. Tous les deux ont 24 ans et sont passés de structures d’hébergement en foyers d’accueil dans la région. La plupart du temps, ils préfèrent la rue pour rester ensemble et se serrer les coudes. La halte de nuit tombe à pic pour eux et pourrait bien servir de passerelle vers un hébergement en studio prochainement rue de Blida. Peut-être un premier pas vers la réinsertion et la société :

La halte de nuit, c’est déjà du luxe pour Laura et Fredi, une étape intermédiaire, un lieu où se met en place un travail de longue haleine. Un petit succès qui laisse tout de même un goût amer aux travailleurs sociaux puisque la halte de nuit ne réouvrira ses portes que l’hiver prochain, renvoyant sur le trottoir ceux qui y avaient temporairement trouvé refuge.

Le mois de mars et le retour du printemps aidant, la misère serait ainsi moins pénible au soleil pour le SDF. Belle rengaine contre laquelle s’insurge l’ensemble des acteurs de la solidarité sur le terrain. Christian Villiger dénonce même une certaine hypocrisie sur le sujet de la part des pouvoirs publics et de la société avec un constat simple :

« On a plus de morts en été ! »

Aucune ressource statistique officielle pour étayer ce constat. Juste le travail de fourmis du collectif Les Morts de la Rue qui effectuent un recensement forcément non exhaustif des SDF morts dans la rue. Cela permet de se faire une idée, faute de mieux. L’association a le courage de briser un double tabou dans notre société, à savoir parler du SDF, mais surtout aborder le problème de sa mort.

 Les personnes mortes dans la rue par saison

SDF_Morts

Commentaires :

354 personnes seraient mortes dans la rue en France entre le 20 mars 2009 et le 20 mars 2010.

87 au printemps (du 20 mars 2009 au 21 juin 2009)

80 en été (du 21 juin au 22 septembre 2009)

76 en automne (du 22 septembre 2009 au 21 décembre 2009)

111 en hiver (du 21 décembre 2009 au 20 mars 2010)

Soit 111 morts en hiver contre 243 pour le reste de l’année.

L’âge moyen des décès recensés par le collectif depuis 1998 est de 47.6 ans.

L’espérance de vie nationale est de 80 ans.

Sources : www.mortsdelarue.org

Liste des morts en 2009

Voir le Fichier : liste_deces_20091.xls

Liste des morts en 2010

Voir le Fichier : liste_deces_2010_Site___26_mai_2010__.pdf

Un message d’alerte en ce début d’été repris en boucle par les associatifs comme René Sourassamy du Secours Catholique à Metz. Le responsable de la structure va encore plus loin : « En hiver, les SDF mangent à leur faim et ceux qui ne dorment pas au chaud, c’est par choix » déclare M. Sourassamy qui observe le phénomène de l’errance depuis plus de vingt ans dans les rues de Metz : « Le dispositif associatif est renforcé en hiver avec les Restos du Cœur, la Fondation Abbé Pierre et l’Ordre de Malte. Ces gens font un travail formidable, mais dès le retour des beaux jours, le tissu associatif se réduit à nouveau comme peau de chagrin. »

C’est pour dénoncer ce cliché parmi tant d’autres sur le SDF qu’une agence de communication parisienne, Publicis Conseil, a récemment mis en place une campagne choc.

On y voit notamment Manu un SDF de 42 ans déclarer : « Le SDF, l’hiver il mange, l’été, crève. »

Le personnel de veille social pousse depuis des années un cri d’alarme que personne n’entend. Les clichés contre les SDF ont la vie dure et les projecteurs ne reviendront se braquer sur les exclus de la société qu’au début de l’hiver prochain avec les premières gelées. Juste après les marronniers de septembre et avant les soldes du début d’année.

Annexes

Google Map des structures d’hébergement d’urgence à Metz

Afficher L’hébergement d’urgence à Metz sur une carte plus grande

Guide de l’urgence sociale à Metz

Voir le Fichier : sos_guide2009.pdf