Les quatre supporters étaient poursuivis pour propagande nazie dans l’enceinte du stade Saint-Symphorien de Metz. C’était en réalité tout le contraire. Histoire d’un bug judiciaire.

Un comble pour des militants anti-fascistes : être accusé de fascisme. C’est pourtant ce qui amenait les quatre supporters de la Horda Frenetik à comparaître devant le tribunal correctionnel de Metz hier. Il semblerait que le tribunal ait pris conscience de l’absurdité de l’affaire : les faits n’étant pas constitués, la relaxe a été prononcée.

Les quatre jeunes gens sont membres de la Horda, un groupe de supporters anti-fascistes et antiracistes messins. Lors du match opposant Metz à Angers, le 22 octobre 2010, le groupe de supporters avait déployé un drapeau, barré de la mention « Gegen Nazis » (contre les nazis) et d’un dessin représentant explicitement une croix gammée fracassée par un poing.

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Maître Chaya, l’avocat de la défense, éclaircissait à la veille de l’audience la symbolique de ce drapeau.

Le 22 octobre, les quatre jeunes gens sont interpellés par une équipe de la BAC à la fin du match qui oppose Metz à Angers. Le FC Metz, via Jacques Ancel, membre de la sécurité, porte plainte. Les quatre de la Horda passent 16 heures en garde à vue. Bernard Serin, président du FC Metz, choisit après discussion de retirer la plainte, considérant, selon le communiqué daté du 28 octobre, « la fragilité des charges soulevées à l’encontre des individus interpellés et les valeurs fondamentales du groupe Horda Frénétik 1997 qui tend à lutter contre le racisme depuis sa création ». C’est donc sans partie civile que comparaissaient hier les quatre prévenus.

Il est reproché aux quatre hommes d’avoir « introduit, porté ou exibé dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d’une manifestation sportive des insignes, signes, symboles rappelant une idéologie raciste ou xénophobe, en l’espèce une croix gammée ». Maître Fernandez, qui a travaillé sur l’affaire avec Maître Chaya, s’est dit, avant l’audience, scandalisé par une telle poursuite.

Le drapeau est l’emblême de leur action et bien connu des services de sécurité du stade. La plainte reste donc inexplicable. Pour expliquer l’interpellation massive qui a eu lieu lors du match, le FC Metz avait déclaré que les supporters auraient, de manière intentionnelle, plié le drapeau de sorte à laisser entrevoir uniquement « Gege Nazi ». « Gege » s’adressant au groupe de supporters Génération Grenat, avec une intention soi-disant provocatrice. Une manipulation peu probable, selon les démonstrations de Maître Chaya pendant l’audience.

Pas de « juridisme excessif »

Les quatre supporters font profil bas durant l’audience, gardent leur calme et insistent sur la vocation antifasciste de leur mouvement. Lorsque le procureur Bernard prend la parole, c’est pour tempérer le débat, et rappeler que « les faits ne sont pas constitués » et qu’il n’a pas l’intention « d’appliquer la loi strictement », en faisant preuve de « juridisme excessif ». Il requiert la relaxe. « Un comble, selon Maître Chaya, mais la preuve d’une honnêteté intellectuelle ». En effet, le 28 octobre, quand le FC Metz retire sa plainte, le ministère public décide de maintenir les poursuites. Lors de l’audience, le procureur Bernard a toutefois mis les quatre hommes en garde contre « un moyen de manifester une lutte contre le racisme qui peut être ambigüe». Maître Fernandez se déclarait, la veille de l’audience, exaspéré par cette dictature du « politiquement correct »

Suite à la délibération des juges (la relaxe, donc), le soulagement s’est fait sentir dans la salle d’audience. A la sortie du tribunal, un des quatre supporters ainsi que Fred Isham, membre fondateur de la Horda, nous livrent leurs impressions.

« Gegen Nazis », un groupe de militants antifascistes

La Horda Frenetik , connue à Metz sous le nom de Horda, est un groupe qui milite contre le racisme et le fascisme, depuis 1991 en Allemagne et 1997 à Metz, lors des matchs de football. Il est issu du mouvement « Gegen Nazis », bien connu en Allemagne, au club Hambourgeois de Sankt Pauli où le mouvement est né.

Le groupe réalise de nombreux spectacles pour sensibiliser le public à leur cause.



Crédit photo : la Horda Frénétik


Le traitement de l’affaire dans les médias

L’affaire a débuté avec l’article du Republicain Lorrain titré « Croix gammée à Saint-Symphorien : quatre supporters poursuivis ». Un traitement rapide de l’affaire qui a fait réagir la Horda immédiatement dans un communiqué. Le Républicain Lorrain a ensuite rectifié le tir dans un article daté du 15 janvier 2011. D’autres médias se sont ensuite emparés de l’affaire, comme Ouest France ou So Foot. Les Inrockuptibles ont également consacré une page à l’affaire le 15 janvier dernier. Un journaliste était notamment présent hier lors de l’audience (voir l’article).