Face à la difficulté d’obtention des cinq cents signatures, le Front national a créé une pétition visant à instaurer l’anonymat des parrainages. Un projet impensable pour certains, une vraie démocratie pour d’autres, les avis sont partagés dans la classe politique.

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De plus en plus de maires hésitent à donner leur signature tant que les parrainages ne seront pas anonymes.

La question de l’anonymat des parrainages, nécessaires pour se présenter à l’élection présidentielle, devient primordiale pour le Front national (FN). A moins de cinquante jours de la date limite de dépôt des signatures, de nombreux élus refusent d’apporter leur soutien au parti d’extrême droite. Il n’existe qu’une seule explication pour Thierry Gourlot, président du FN au Conseil Régional de Lorraine : « Marine Le Pen fait peur car elle est crédible donc le système se défend. Beaucoup de maires, parrains de Jean-Marie Le Pen en 2007, ont subi des menaces physiques et psychologiques comme des insultes, des coups de fils la nuit ou des pressions de conseillers municipaux ». Il ajoute : « Deux maires sympathisants de Marine Le Pen nous ont annoncé qu’ils ne nous parraineraient pas cette année, par peur ». C’est le cas d’Alphonse Masson, maire de Remelfang en Moselle (57) : « J’ai eu des problèmes au niveau politique et personnel alors que je ne suis pas d’extrême droite. Cette fois, je ne donnerais ma signature à aucun candidat tant que ça ne sera pas anonyme ».

Des politiques divisés
Les votes en France étant secrets, la visibilité des parrainages demeure une véritable incompréhension pour Thierry Gourlot, favorable à la représentation de tous les partis aux élections présidentielles. Pour lui cette transparence n’est « pas une leçon de démocratie ». A l’instar de l’élu mosellan, plusieurs personnalités politiques, telles que Christine Boutin, candidate du Parti Chrétien-Démocrate à la présidentielle ou Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, se sont positionnées en faveur de l’anonymat. Ce dernier a expliqué dans Le Figaro qu’« éliminer [des élections] quelqu’un qui représente 17-18% des voix, cela pose problème ». Dans Le Nouvel Observateur, le Premier ministre, François Fillon, a quant à lui réagi en faveur de l’accessibilité des résultats : « le caractère public répond à l’exigence de transparence manifestée par nos concitoyens à l’égard de nos élus ».

Les parrainages pour la présidentielle n’ont pas toujours été publics. Le dispositif a été mis en place en 1962, date à laquelle l’élection du président de la République au suffrage universel direct a été instaurée. A cette époque, il ne faut que cent signatures, dont les noms restaient anonymes, pour pouvoir se présenter. Ce n’est qu’en 1976 que le nombre de parrainages est passé à cinq cents et que la décision de les rendre publics est apparue. Depuis, la liste est publiée au Journal officiel au moins huit jours avant le premier tour.

Une proposition de loi en attente
Mais un nombre croissant de maires semblent opposés à ce système. « Beaucoup de mes collègues disent qu’ils ont été bien gentils la fois précédente mais que cette fois on ne les y reprendra plus », précise Alphonse Masson à propos du parrainage de Jean-Marie Le Pen. Certains parlementaires semblent d’ailleurs avoir entendu les réclamations des élus. C’est le cas du sénateur de la Moselle et président du parti Démocratie et République, Jean-Louis Masson. Ce dernier a proposé, le 7 octobre 2011, une loi « tendant à démocratiser les conditions de parrainage pour l’élection présidentielle », en clair : réinstaurer l’anonymat des signatures. Pour lui, le système est à bout de souffle et il souhaite aujourd’hui que tout candidat venant d’une formation représentative puisse se présenter. Car un parrainage n’est pas un vote ni un soutien mais une façon d’éviter des candidatures fantaisistes. Jean-Louis Masson a lui-même donné sa signature à Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République, non pas par conviction mais par souci démocratique.

Le sénateur de Moselle n’est pas le seul à vouloir réformer le système. D’autres élus proposent eux aussi des alternatives. Président de l’Association des maires de France (AMF), le député-maire de Lons-le Saunier (Jura), Jacques Pélissard, s’est également prononcé sur le sujet. Pour lui, les élus « exercent un droit essentiel au bon fonctionnement et au pluralisme de notre démocratie. Il est donc nécessaire de les préserver de toute pression ». Le 12 janvier 2012, dans un premier communiqué de presse, il s’est dit favorable à l’anonymat des parrainages comme il l’avait déjà fait en 2007. Mais le même jour il change d’avis dans un second communiqué, se prononçant cette fois contre l’anonymat. Il propose à la place un système de double signature. Les maires pourraient alors accorder deux signatures, « l’une de conviction, l’autre républicaine qui resteraient publiques ». Une volte-face surprenante qui pourrait être due à des pressions politiques selon le NPA. Quoiqu’il en soit, son idée rejoint la position du FN qui souhaite que les élus puissent parrainer plusieurs candidats.

La question de l’anonymat des parrainages n’a donc pas fini de susciter des débats. Pour le moment, la proposition de loi de Jean-Louis Masson est toujours en attente.