Âgé de 56 ans, Philippe Tisserand voit la vie en verre. Du Musée de la Cour d’Or au Salon Créativa, le messin d’adoption n’a qu’une seule obsession : transmettre sa passion.

Verrier

 

Philippe Tisserand et sa création, un buste de femme.

A première vue, difficile de deviner quelle est la profession exercée par Philippe Tisserand. Se fier à son patronyme est une impasse et sa blouse blanche à elle –seule ne signifie rien.  Il pourrait tout à fait être prof de physique-chimie, laborantin, dentiste… Or il n’en est rien. La réponse est dans le verre, où Philippe Tisserand est passé maître en la matière. «Etre Maître-Verrier, c’est la passion de créer des choses nous-même et de les transmettre, explique-t-il. Certains collègues ne répondent pas tant qu’on ne les appelle pas « Maître ». Il faut être humble devant le verre, c’est un matériau qui nous joue des tours, il y’a toujours une part d’incertitude ». L’expression de son visage dégage une bienveillance presque paternaliste.  De légères pattes d’oie encerclent ses yeux bruns et sa bouche lorsqu’il esquisse un sourire. Sur ses tempes, quelques cheveux font encore de la résistance. Marion Freine, sa collègue corrobore le sentiment paternel dégagé par son employeur: « Entre Philippe et moi, ce n’est pas vraiment une relation patron-employée. Quelqu’un m’a déjà demandé si c’était mon père »,  plaisante la jeune femme.

Le portraitiste de la classe

Fils d’un père marbrier et d’une mère contrôleuse de production, Philippe grandit à Epinal, dans les Vosges jusqu’à ses 18 ans. « En 1974, j’ai eu mon bac Maths et Techno (E), j’avais 18 ans. Au lycée, dans les matières qui ne m’intéressaient pas, je tirais le portrait de mes profs et de mes camarades. Mon père ne voulait pas que j’aille aux Beaux-Arts parce qu’il pensait qu’il n’était pas possible de gagner sa vie dans un métier artistique » confie-t-il. Enfant, il se souvient de ses visites au musée. S’il y’en a une qu’il n’oubliera jamais, c’est bien celle au Louvre : « devant les tableaux de Delacroix, je me suis dit : « c’est ça que je veux faire ! » » De cette époque il a gardé l’envie de transmettre son savoir aux plus jeunes. Fin janvier, dans le cadre de l’exposition « L’en-verre du décor », le Maître-Verrier a animé un atelier pour les enfants au Musée de la Cour d’Or. Père de quatre enfants qu’il élève seul, il apprécie la reconnaissance dont il bénéficie aujourd’hui : « je suis fier quand on parle de mon activité ou de moi dans les médias, quand les enfants viennent à l’atelier avec leur classe… Pour moi, c’est valorisant et pour eux aussi ».

«Je cherchais une ville avec du patrimoine»

Si Philippe Tisserand est devenu Maître-Verrier, c’est d’abord parce-que la profession qu’il exerçait auparavant a tout bonnement disparu suite à l’arrivée de l’informatique. De 1980 à 1997, il est peintre en illustration et dessin publicitaire à Ivry-sur-Seine avant de perdre son emploi. La même année, il se met en relation avec des Maîtres-Verriers auprès-desquels il effectue plusieurs stages : chez Maître Rouillard, spécialiste de la restauration et de la conservation des vitraux classés aux monuments historiques, Gérard Bourget, Maître-Peintre-Verrier et Udo Zembok, une pointure dans le milieu. De 2000 à 2001, il est reçu par l’organisation professionnelle des Maîtres-Verriers de France et deviens membre  de cette organisation. L’an dernier, il installe son atelier à Metz, dans le quartier impérial. «Je me suis installé là car c’est surtout dans ce quartier que se trouvent les vitraux. Je cherchais une ville importante avec du patrimoine et des vitraux et à Metz je suis gâté ! Mes préférés sont ceux dessinés par Cocteau, Rue Mazelle, ceux de la cathédrale : surtout ceux de Chagall ; et ceux d’un verrier messin exposé en ce moment à la Cour d’or : Maréchal ». Et même s’il précise qu’être Maître-Verrier rapporte peu, il ponctue : «Et puis ici, je pense qu’il y’a encore une place à prendre sur ce marché ».