À force de surfer la vague, Juul Hesselberth a été frappée de plein fouet par le sexisme dans ce sport. Récemment récompensée au Paris Surf Skate & Film Festival, la réalisatrice néerlandaise lutte fermement pour l’égalité des genres jusque dans ses documentaires.

« La première fois que je suis montée sur une planche, j’ai compris que je ne voulais plus faire autre chose. » Cette passion, Juul Hesselberth l’a découverte il y a six ans, pendant des vacances en France. Ne pensant pas pouvoir continuer le surf en rentrant chez elle, aux Pays-Bas, la jeune femme a finalement pu rencontrer d’autres passionnés de sports de glisse et continuer à pratiquer son activité. Mais cet amour pour le surf a également fait émerger chez la jeune blonde de vingt-six ans un fort engagement féministe au fil des années.

L’image des femmes est bien souvent sexualisée dans l’industrie du surf, comme le rappelle la néerlandaise : « Je ne suis jamais sentie à l’aise en bikini. J’avais l’impression que tout le monde regardait mon corps. Quand tu te sens observée, tu commences à faire attention à ce que tu fais, à l’image que tu renvoies… Ça te sort du moment. En plus, lorsqu’on surfe avec des hommes, on se retrouve souvent infantilisée alors qu’on n’a rien demandé. » Un affligeant constat dont Juul a également pris conscience en se rendant sur les sites des marques Roxy et Quicksilver : « Dans la catégorie homme, on les montrait en train de surfer de superbes vagues, alors que sur la page des femmes, on les montrait juste en bikini. Je veux prouver que les femmes sont aussi fortes que les hommes. »

Pour la néerlandaise, ces discriminations dans le monde du surf sont inconcevables. Mais c’est également ce qui motive son travail. Actuellement en master d’ethnographie visuelle, elle s’intéresse de plus en plus aux questions d’égalité dans la société. Cependant, Juul ne se définit pas comme une personne active : « Oui, je suis féministe, mais pas de celles qui descendent dans la rue. Je suis plus une personne qui essaye de changer les choses dans mon cercle proche. » Un engagement discret, que la réalisatrice indépendante exprime surtout à travers ses passions pour le surf et l’image.

Dénoncer par la caméra

« Le surf est un sport encore trop méconnu. J’avais envie de transmettre ma passion avec un public ». Ce sport emmène Juul jusqu’en Australie, où elle y tourne son projet documentaire Just go Fuckin Surfing. Dans ce film, la jeune réalisatrice dresse le portrait de quatre surfeuses australiennes qui s’émancipent des représentations sexistes véhiculées par la société et dans le circuit professionnel. « C’était très fun de travailler sur ce projet avec Juul. C’est une personne qui sait ouvrir le dialogue et nous mettre à l’aise. Je suis très fière de ce qu’elle a créé. » s’exprime Audrey Styman-lane, l’une des protagonistes du film. 

Durant les trois mois passés en Australie, au contact de Jess, Grace, Audrey et Kirsty, la jeune réalisatrice a été le témoin direct de leur quotidien difficile. Le documentaire relate le parcours de quatre athlètes non sponsorisées, qui se construisent en marge des circuits classiques. Au-delà de l’engagement féministe, de nombreuses thématiques sont abordées dans le film, comme la vieillesse, l’homosexualité ou encore la grossophobie.

« Les surfeuses professionnelles sont des athlètes et non des sex-symbols » défend Audrey, avant d’ajouter : « Il n’y a pas beaucoup de filles qui ont partagé leur histoire ou ont dénoncé publiquement le sexisme dans le monde du surf. Ça donne l’impression que les gens ont peur. Il faut changer ça. »

« Cette victoire, c’est la nôtre avec les filles »

Déconstruire l’image de la surfeuse sexy et superficielle : un combat important pour Juul. Avec son documentaire Just Go Fucking Surfing, le pari est réussi. Programmé dans de nombreux festivals internationaux, le film a remporté le prix du meilleur court-métrage surf, au Paris Surf Skate & Film Festival en 2020. Cependant, face à ce soudain succès, la réalisatrice engagée garde les pieds sur terre. « Cette victoire, c’est la nôtre avec les filles » déclare-t-elle fièrement.

Le film a également suscité un vif intérêt de la part des surfeurs masculins. Petit à petit, Juul Hesselberth remarque une réelle prise de conscience sur cette réalité. « Je m’attendais à ce que le film intéresse seulement les femmes. Pourtant, après le visionnage, certains gars sont allés voir les filles dans l’eau pour discuter avec elles. Mais aussi pour s’excuser de leurs potentielles actions sexistes. Pour faire avancer la lutte dans le domaine du surf, nous avons besoin du support des hommes ». 

Ellyne Neuvéglise & Charlène Dosio